Décidément l’héroïsme LGBT (et Q) fournit son contingent d’histoires édifiantes. Les médias, l’industrie du divertissement, les livres pour enfants trouvent dans la vie de ces nouveaux monstres sacrés matière à développer des œuvres majeures.
Documentaires sur la réalité sociale française, films d’actions hétéronormés et toi, salope de Martine à la Plage, disparaissez, vous n’avez plus le niveau ! Comme dirait un expert en vaselinage de Gilets jaunes : « C’est parti ! Suivez-moi ! »
Exemple numéro un. Rocketman, un drame biographique printanier réalisé par Dexter Fletcher. Le jour de sa sortie, 29 mai 2019, s’annonce tragique pour l’humanité : ce film consacré à Elton John (alias le tonneau à lunettes chantant), pourrait séduire les foules qui ont adoré le biopic dédié à Freddie Mercury (alias le sidaïque glam-rock.) La bande-annonce est simple : un collégien classique opprimé par le vieux monde britannique se métamorphose à force de ruses un peu queer en première drag-queen de l’histoire du rock ! Youpi !
- L’anus de l’artiste, brisé par des décennies de tabouret pour piano, n’est pas encore sorti de sa réserve pour délivrer son opinion sur Rocketman
Deuxième exemple. Avec une fiction plus exotique... Un couple d’homosexuels part en safari. Ils gazouillent dans un secteur africain sous-équipé en backroom. Ce pitch, s’il est bien développé, peut donner une agréable adaptation gonzo de Tintin au Congo. On rebaptise l’affaire Tata au Burkina Faso, une bonne promo chez Ruquier et tous les écrans de France et de Navarre y ont droit. Conseil au futur « réal » : surtout ne pas valoriser le rôle des deux militaires maladroits qui ont la mauvaise idée de se faire descendre. Normal, des blancs, hétérosexuels, dont l’un porte un nom à particule, autant dire un catholique, c’est pas gay-friendly.
Troisième illustration de la créativité moderne. France Inter nous met lundi 13 mai un sujet remarquable. Bien développée, cette histoire pourrait se finir en série d’au moins cinq saisons. Mais commençons par les préliminaires. Funeste réveil ! Je me dirige d’un pas mal assuré vers ma cafetière. Machinalement je mets la radio. Erreur fatale : c’est la matinale de France Inter. Trop tard ! La plongée dans l’enfer de la propagande est brutale. Voilà que Nicolas Demorand et son équipe expliquent que Bruno-le-médiateur... Eh bien, d’abord il vit une retraite heureuse depuis juillet 2018 et ensuite qu’il faut l’appeler Béatrice. Là, je suis cueilli à froid par ce traitement spécial infligé en direct à six millions de victimes, les auditeurs. Bruno-Béatrice est de retour !
- Idée d’orientation pour la jeunesse : médiateur en radio
Bruno Deneas, son rôle, ô combien important, a consisté, pendant les trois ans où il a sévi à l’antenne, à reprendre les journalistes sur leurs fautes de syntaxe et de grammaire. Surtout à ne pas les embêter du tout pour le reste (dérives idéologiques, torture réitérée de l’éthique professionnelle, partis pris, la liste reste ouverte.)
Surtout, Bruno-le-médiateur remettait dans le droit chemin de la bien-pensance les auditeurs qui doutaient du traitement de l’information. Dès que possible, le gars Béatrice recadrait les hérétiques. Faut comprendre, monsieur-madame était formateur dans plusieurs écoles de journalisme. Un spécialiste, on vous dit ! Avec ça, doté d’une grosse truffe pour flairer la fake-news, débusquer le complotiste à des kilomètres à la ronde.
Dans ma tête, les turbines se mettent en route : « Quoi ? Ce père-la-morale, une fois rentré chez lui enfilait des robes et Dieu sait quoi dans son antre interdite (rusé le Bruno : un labo photo amateur dans l’appart familial...) ? »
Je me raidis : un couplet sur les sex-toys de madame pourrait bien m’arriver en pleine face juste avant le deuxième café du matin.
- La transition, un moment délicat et mal compris du grand public
Coup de bol, le sujet est rondement mené. Il respecte les canons du genre : d’abord l’attendrisseur pour tout le monde. Il a souffert Bruno-le-médiateur avec son gros secret très normal : « Je devais avoir à peu près cinq ou six ans, bon, moi j’étais femme, enfin j’étais fille... C’est vrai qu’à l’époque, dans une famille très catho, moi, tous les soirs, en effet, ma prière c’était je veux être une fille, avoir des seins... » !
Heureusement le savoir-faire du médiateur a dirigé l’amour de son entourage familial vers plus de compréhension. Voici l’épouse à la voix un peu fatiguée : « Petit à petit, elle me l’a dévoilé, je m’en suis jamais rendu compte. C’était un tsunami... Petit à petit ça fait son chemin. » Puis leur fille à la parentalité progressiste : « Je me suis beaucoup appuyée sur mon fils qui a trois ans et demi. Je n’ai pas voulu le faire appeler son grand-père papi. On a trouvé dada... »
Tout cela est charmant. La rédaction d’une radio publique offre un pot de départ à la retraite, sur notre compte, à un ancien collègue... Mais c’est la matinale : tempo ! Tempo ! Les misères, les échecs, les renoncements, les gâchis, les faillites, les angoisses et autres joyeusetés planquées dans la vie de dada et de sa famille, on s’en cogne. La cause LGBT (et Q) doit être présentée de façon po-si-ti-ve et progressivement ! Une cuillère pour parent 1, une cuillère pour parent 2...
Au fait, question de blaireau : combien ça coûte ces cinq minutes de propagande et de promo à heure de grande écoute ?
- Papa 1 et Papa 2 en plein bonheur. Le dossier d’adoption est validé
Enchaînons... Troisième café, sujet suivant !
Voici – surprise ! – l’histoire de deux homosexuels mariés. Ils étaient heureux, modernes, établis. Famille d’accueil même, pour des ch’tits z’orphelins. Oui mais voilà, un voisin surgi du pays profond les a poursuivi de sa haine homophobe. Il les aurait même agressé avec une serpe ! Les voilà contraints de vendre leur maison à la campagne.
On n’en saura pas plus. L’enregistrement du monstre (réalisé à la sauvette par une des victimes) est balancé en direct. Effectivement le bonhomme du terroir a un accent de mineur de fond et une voix haineuse de type monstre de Rostov (palmarès : 52 victimes). Le message du voisin est limité mais précis : « Pédé ! Pédé ! »
- Le monstre de Rostov, mâle blanc de plus de 50 ans au moment des faits. Aucun sens de la médiation
J’aurais bien quelques remarques à soumettre à la médiatrice de France Inter qui remplace la vieille (à qui nous souhaitons tous une bonne fin de vie)... mais côté confiance c’est plus vraiment ça. Je vais avoir du mal à m’ouvrir. Et puis il y a cette dernière phrase de la capsule empoisonnée. Comme l’annonce d’un prochain cauchemar : le retour de Bruno-Béatrice, qui décidément a du mal à cultiver son jardin en robe de fermière : « Elle écrit son histoire en espérant, peut-être, un jour la publier. »