Seul un psychopathe resterait de marbre à la pensée du lynchage homophobe du samedi 17 novembre à Bourg-en-Bresse, sur un rond-point tenu par des Gilets Jaunes.
Le service Fact-Checking d’Égalité & Réconciliation a enquêté.
Depuis cette éruption de haine contre la sexualité valorisée, il ne s’est quasi rien passé en France. En tout cas rien en comparaison du péril de mort encouru par deux homosexuels en Twingo.
La première victime du mouvement de contestation, Chantal Mazet, 63 ans, écrasée au rond-point de Pont-de-Beauvoisin en Savoie ? La justice travaille à son rythme. La chauffarde en 4X4, à l’accélération émotive, s’expliquera dans quelques années. En attendant, elle a été placée sous contrôle judiciaire. Un geste qui égayera le petit noël des Gilets jaunes embastillés.
- Fiorina, 20 ans. (Sans commentaire)
Il y a bien cette octogénaire, Zineb Redouane, à Marseille... Suite à un problème de grenade en pleine face, elle décède au bloc opératoire. Franchement, qui peut contrôler à la perfection la courbe de ce type de projectile ? Les agaceries par tirs de flash-ball ? L’œil de Jean-Marc, originaire d’Oléron ? L’œil d’Alexandre Frey, père de famille de 37 ans, celui de Fiorina, une picarde de 20 ans, le nez brisé en prime ? Calmez-vous tous : distribution de lunettes noires et il n’y paraîtra plus.
Revenons à l’irréparable. À l’ignominie dès les premières heures de l’Episode 1. Comme si les dieux de l’uranisme voulaient flétrir le mouvement fluo-obscurantiste au berceau.
Imaginez... Deux hommes unis par un tendre sentiment, nichés dans une choupinette de Twingo... Ils gazouillent les propos habituels aux couples qui vont à l’hypermarché. (Attention, le dialogue qui va suivre est une création d’artiste) :
« Je crois qu’il y a une réduc’ sur les petites tomates.
– Et alors ?
– Ben, pour les rondelles de tomates qu’on met sur les pizzas végétariennes !
– Ah ! Ouais... T’as raison. Je les avais pas mises sur la liste.
– À propos de rondelles et de réducs... »
L’amour fou, quoi. Mais le marivaudage cesse. Au rond-point la croyance des tourtereaux en un monde bien ouvert se rétracte. Les gorges se nouent. Bienvenue en Terre inconnue. Tribu des Gilets en vue ! Ici pas d’arc-en-ciel et d’éphèbes progressistes, grappes de raisins suspendues aux strings. Horreur ! Le jaune domine dans ce paysage sombre comme un boyau interdit. Des fluorescences zèbrent un air du temps hétéro-normé et semblent y inscrire des sentences de mort !
- Gilets Jaunes... où s’arrètera leur folle radicalisation ?
Le dialogue qui suit est une fiction :
« Qu’est-ce qui se passe ? » s’affole le passager à la place du mort ?
« Il se passe que pour les rondelles de tomate, je le sens mal ! » répond le conducteur tassé sur la place du vivant (mais pour combien de temps encore ?)
Pour la suite les versions divergent... Raphaël Duret a confié à la Voix de l’Ain (la référence journalistique locale) :
« On s’est engagés sans vraiment se rendre compte et là, tout d’un coup, ça été une tornade sur la voiture. On s’est fait insulter, menacer, oui, j’avais peur. »
Cette unique version est reprise à l’infini. Aucun média ne juge bon de recueillir plus d’informations, de recouper d’autres témoignages. L’horrible vérité se répand : visions de Ku-Klux-Klan festif et de nègres lynchés, de populace moyenâgeuses brandissant en étendards de révolte des bougres empalés sur des fourches.
Il y a ces récits qui évoquent une tentative de forcer le barrage, une femme blessée. Le couple en Twingo réfute. La presse nationale ne relayera pas cette hypothèse.
Il n’y a qu’une version. Tant mieux, la carrière politique de Raphaël Duret ne saurait souffrir d’insinuations populistes : il est conseiller municipal. La suite tombe à pic, elle est belle comme du Cocteau évoquant Jean Marais. C’est elle qui fera couler l’encre et crépiter les écrans. Un docker alcoolique, probablement une « marmule » pour reprendre une expression d’en-bas – c’est une supposition mais qui d’autre ? – éructe :
« Je le reconnais c’est un PD ! »
Ouf ! La carrière municipale prend un tour progressiste à la mode ! Mais n’oublions jamais : l’homophobie tue chaque jour. Le jour-même Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, déclame : « Chaque insulte, chaque agression homophobe est une injure à notre pacte républicain. » Denis David, Gilet Jaune de 23 ans, père d’un bébé, lui, s’est fait injurier par un camion polonais, le 13 décembre, sur le rond-point de Bonpas en Avignon. Le pacte républicain se porte bien, merci.
- Non, les Gilets Jaunes ne sont pas homophobes. Ici un agent d’entretien (peut-être gay mais c’est pas sûr) pense à son rond-point préféré.
Tout le monde le sait : « PD » est un sobriquet charmant qui fourmille sans méchanceté dans les conversations populaires. Autant – peut-être même moins – que dans les milieux joyeux de France et du Marais. Hurler à l’homophobie sous prétexte qu’on prononce ce mot relève de la maladie mentale. Bon, okay, il faudrait dire « pédéraste » mais l’époque réclame du tempo. Qui dirait « Beau-frère » pour « Beauf » ?
Sur les ronds-points ce sont rarement des bridgeurs qui se gèlent les pompes de sécu. Aussi il semble évident que cette diffamation à l’encontre des Gilets Jaunes relève du mépris de classe.
Revenons à « l’ascension » politique de Raphaël Duret, le mot est de... (toujours) La Voix de l’Ain, le média qui compte en Bresse. En 2013, l’hebdomadaire, pour les besoin d’une série de portraits consacrée aux jeunes loups du terroir, cite son profil Twitter : « Raphaël... qui est plutôt très à gauche et à la fois très gay ».
Bon, très gay (ouh ! l’horrible anglicisme !), si ça lui fait plaisir. Mais très à gauche ? Pas sûr que feu Andreas Baader eut été d’accord. Plutôt un cheminement sans risque, sans panache et avec la finasserie de terrain habituelle : Raphaël aurait ressenti une attirance pour le Front de Gauche... ou le PC. Une pulsion adolescente pas très claire. Il s’adonne ensuite au chevènementisme ! Et enfin... le PS. À une époque où seuls quelques arriérés n’avaient pas compris que ce tremplin-là était définitivement HS. Cet aventurisme échevelé paye encore un peu : un secrétariat de section du parti, un siège à la mairie. Il est membre de la commission démocratie locale et de la commission urbanisme-déplacements.
Notre notable lorsqu’il répond à un quizz, toujours de l’hebdo, a des fulgurances. Quelque part entre le Marquis de Sade et Rimbaud. Il trouve le Front national « obscur ». Son modèle ? « Le Mitterrand de 81 ». Plus queer : il « aime bien la personnalité » de Hollande. Là, on entre dans des fantasmes singuliers que nul n’a le droit de juger. Un révolutionnaire en somme puisqu’il clame que le système est « à reconstruire ».
Avec un tel CV, on s’étonne qu’ il n’ait pas bloqué la Twingo d’un grand coup de frein à main pour fraterniser avec ses frères du prolétariat. Ou qu’il se soit effarouché du viril « Je le reconnais c’est un pédé » . Une formule de bienvenue adressée à un humble serviteur du peuple.
À propos de service... Les revenus modestes de Bourg-en-Bresse seront ravis de noter que Raphaël Duret donne dans la pizza au civil (remember les rondelles de tomates ?). La carte de son établissement, Chez Raph, ouvert depuis Juin 2015, est abordable à des tarifs Gilets Jaunes. En sus, notre ami à bon cœur : il a mis en place une opération charitable comme une saison des Enfoirés. Dans le cadre de « Croissant Suspendu », un client s’achète un croissant, et en paye un autre à – je cite (les larmes aux yeux) le gratuit Ma(g) ville Bourg-en-Bresse : « des mères de famille, des étudiants, des personnes âgées... ». C’est émouvant cette répartition, très marxiste.
Avec le flair politique et le sens de l’Histoire qu’on lui sent, Raphaël Duret ne devrait plus tarder à faire son coming-out macronien (si ce n’est déjà fait). À cette nouvelle étape de son « ascension », il devrait à nouveau bénéficier de l’amicale complicité de La Voix de l’Ain (presse catholique au départ, quand même !). Son rédacteur en chef, Nicolas Bernard, écrivait le 5 mai 2017 :
« Défier le populisme suppose un nouveau progressisme qui combatte les remèdes illusoires du protectionnisme, du repli identitaire et de l’étatisation de l’économie. C’est ce projet d’ouverture et de rassemblement qu’a tenté d’expliquer Emmanuel Macron durant cette campagne. »
En attendant de nouvelles explications du président, une information consternante vient de tomber : les dégradations de la Twingo ne seront pas remboursées par la compagnie d’assurance. On attend le communiqué de SOS Homophobie.