Avant d’être débarqué du rafiot de l’Éducation nationale en juillet 2023 pour réembarquer illico sur le radeau de la méduse von der Leyen en tant qu’ambassadeur français auprès du Conseil de l’Europe, Pap Ndiaye avait lancé un projet de « changement dans les programmes d’enseignement moral [sic !] et civique » pour la rentrée 2024. Ces changements viennent d’être dévoilés.
C’est une méthode de gouvernement : on brasse de l’air, on enfume, on ventile. Ce qu’il y a de plus insupportable encore que la vacuité de la parole des gouvernants, c’est qu’il se trouve toujours des gens, souvent ceux qui se jugent eux-mêmes incrédules et bien pourvus en esprit critique, pour boire jusqu’à la lie la liqueur cynique et duplice d’un pouvoir macronien qui, en matière de mensonge, n’a plus besoin de faire ses preuves. Eh bien, dans l’Éducation nationale, on aime croire. Pas en Dieu bien sûr. Plutôt aux bondieuseries républicaines, à la relation dévote entre le hussard noir (qu’il vaudrait mieux appeler aujourd’hui le pion transparent) et l’État qui continue d’incarner pour bon nombre de ses ouailles, le bien public.
Parmi les plus indécrottables, les syndicats enseignants, les mêmes qui, à quelques exceptions près, ont accepté sans broncher la mise à l’écart de leurs collègues qui refusaient l’obligation vaccinale en 2021 (infirmières, psychologues de l’Éducation nationale… [1]) en violation flagrante du droit du travail. Mais passons. Ces syndicats donc, toujours très attachés à la formation du « futur citoyen », attendaient la mise en place du doublement des heures d’EMC promise par le duo Macron-Attal, symbole de cette éphébocratie qui nous gouverne. Et comme d’habitude, les syndicats se trouvèrent dans la déconvenue quand la valise d’heures fut venue : ce ne sera pas une demi-heure en plus dans le volume horaire alloué à chaque classe (26 h hebdomadaires). Non, c’est une demi-heure à faire en plus… à l’intérieur d’une grille horaire inchangée. Il va donc falloir faire sauter certains cours pour y placer l’indispensable EMC. En gros, une sorte de « travailler plus pour apprendre moins ».
Mais ce n’est pas fini. Les nouveaux programmes ont donc été rendus public le 30 janvier dernier par le Conseil supérieur des programmes (CSP), dans la foulée des annonces de Macron sur la nécessité de « refonder [encore !] l’instruction civique » et celles d’Attal sur le « réarmement civique ». Toujours ce champ lexical de la guerre, celle de l’État perverti contre la nation aliénée.
Dans ces nouveaux programmes, rien de nouveau. Mais parmi les éléments dogmatiques qui doivent cadrer la formation civique des futurs citoyens (lutte contre la désinformation et le complotisme, omniprésence de la question du développement durable rivée à l’obsession du dérèglement climatique anthropique, éducation à la sexualité, vénération de l’Europe sans laquelle la France n’est rien, etc.) on trouve quelques points saillants à noter. Ainsi, l’insistance lourdingue sur le SNU (Service national universel) n’a pas manqué de faire tiquer les profs. Lors de sa conférence du 16 janvier, Macron avait annoncé à la presse soumise son intention d’aller « vers la généralisation du service universel en seconde », qui serait alors une sorte de resucée doucereuse du service militaire dont l’objectif serait moins la préparation à la défense de la patrie que la poursuite d’un objectif de mise au pas de la population française, déjà bien entamée. Rappelons à cet égard l’intervention d’Emmanuel Todd qui, en janvier 2020, faisait sursauter son interviewer de France culture, Guillaume Erner, en envoyant un point Godwin fracassant dans le ventre mou du journalisme subventionné.
Le parallèle entre la politique macronienne et la Gleichsaltung (à savoir la mise au pas de la société allemande par le parti nazi entre 1933 et 1934) qui envoie dans les cordes le sociologue Erner, commence à partir de la 32e minute. Pour rappel, Erner avait animé le « Grand Débat des idées », volet intellectuel du fumeux « Grand Débat national » qui devait permettre d’enterrer la crise des Gilets jaunes.
Revenons aux programmes d’EMC. L’Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG), puisque ce sont ces derniers qui sont, le plus souvent, chargés de l’enseignement moral et civique au lycée, a avalé sa soupe républicaine de travers lorsqu’elle a vu, parmi les grands auteurs mis en avant dans ces nouveaux programmes, la présence du philosophe Alain. « On sait qu’il était antisémite. Est-ce le moment d’en faire une autorité morale ? » [2]
Pas de panique, on y retrouvera aussi Paul Ricœur, si cher à Emmanuel Macron et cette bonne VEIL Simone, incontournable.
On notera enfin la présence d’une mention qui ne manque pas de piquant : en effet, dans la colonne « Propositions de démarches et de situations d’apprentissages », les enseignants sont invités à mettre en valeur les « solutions pour éviter les blocages » en matière de « délibération mondiale ». Sont évoquées les politiques migratoires françaises et européennes, la protection de l’environnement, les normes sanitaires, etc. » Parmi les solutions proposées : le recours à l’article 49-3 de la Constitution !
Si on lit cette ligne d’un seul trait, on comprend donc que les outils qui permettent de contourner la « souveraineté nationale » (avec tous les guillemets qui s’imposent) au sein du régime républicain sont à considérer comme de bonnes solutions pour imposer l’agenda de la gouvernance mondiale.
Ce « réarmement civique », au service d’une idéologie mortifère, prend tous les traits caractéristiques d’un embrigadement de la jeunesse. Sans vouloir faire de point Godwin, bien sûr.