Dans une vidéo publiée le 13 février dernier par le média Fréquence populaire, Emmanuel Todd tente d’analyser les causes de l’effondrement économique et politique allemand.
Élève d’Emmanuel Le Roy Ladurie, formé à la méthode de l’École des Annales, Emmanuel Todd s’attache à définir les contours des structures familiales sur le temps long, celles qui permettent d’expliquer les tendances lourdes de la société allemande. Dans une première vidéo publiée le 15 janvier 2025, il analysait les causes du déclin américain, sa défaite en Ukraine et son incapacité à faire face à la concurrence extérieure à cause de ses faiblesses démographiques et industrielles. Alors qu’il présentait la tendance pro-israélienne depuis 1967 comme un « must de la politique américaine », Todd reconnaissait par ailleurs qu’il y avait bien « un génocide » à Gaza.
Dans ce deuxième épisode, Todd s’attaque donc à la structure familiale allemande, la famille souche, construite autour de trois générations vivant sous le même toit, inégalitaire car favorisant l’aîné, et permettant une reproduction sociale solide de l’autorité et de l’obéissance. En cela, l’Allemagne est un pays très uniforme. Il constate d’ailleurs une différence notable entre l’Allemagne et la France, pays qu’il considère comme un « mini-Empire », tant les différences culturelles étaient importantes entre les différentes régions françaises.
La famille souche, inégalitaire, serait selon Todd l’une des raisons de l’incapacité allemande à dominer l’Europe de façon durable, inapte qu’elle est à proposer un modèle universel. Elle serait aussi l’une des raisons qui expliquerait pourquoi l’Allemagne est restée industrielle, par « archaïsme », tandis que les autres nations, États-Unis et Royaume-Uni en tête, passaient sans complexe à l’économie tertiaire et financiarisée. Néanmoins, il reconnaît que cette structure souche allemande s’est construite progressivement aux alentours du XIIIe siècle pour atteindre son paroxysme durant les années 1830-1860. Cette société très rigide a connu ensuite une phase de relâche qui correspond, chronologiquement, à la montée en puissance du nazisme.
Il poursuit en décrivant la période du « couple Chirac-Schröder » comme une séquence optimale en Europe à partir de laquelle le succès économique allemand et les structures profondes de sa société l’ont conduit à faire cavalier seul, se privant de « l’esprit français » qui lui aurait permis d’accéder à une forme d’autonomie et de s’émanciper de la domination américaine. À ce moment, (1 h 9 min 20 s) son interlocutrice lui fait remarquer que la France s’est « complètement soumise à l’Allemagne ». À cela, Todd reconnait « une radicale insuffisance de son modèle », puisque cela implique que les « dirigeants français ne sont plus français », acceptant la soumission aussi bien que les Allemands. Et quand on lui demande s’il n’y aurait pas une « utilisation de l’Allemagne et de l’Europe pour punir des Français peut- être difficile à gouverner », Todd se perd dans un concept de prise de pouvoir de la France périphérique basée sur la famille souche et opposée à la structure nucléaire du bassin parisien, celle des sans-culottes, qui a fait la république égalitaire. Ne souhaitant pas être « insultant », car étant lui-même un « enfant du judéo-bolchévisme », Todd évoquera les catholiques bretons, ceux des Alpes, du Sud-Ouest. Comme il le dit un peu plus loin dans la discussion alors qu’il évoque les ronds-points en France, Emmanuel Todd à parfois tendance à faire des « refus de priorité par inadvertance »…