Le Referendum confisqué
Or donc, lors du referendum catalan, il y aurait eu 90,18 % de OUI contre 7,83 % de NON, selon les chiffres donnés par le gouvernement de la Généralité de Catalogne.
Mais la participation n’a été que de 43 % des inscrits. Ça change pas mal la donne ! (C’est un peu comme ici ! Macron fut triomphalement plébiscité.... par 18% des français.)
Peut-on considérer ce refus de vote comme un Non implicite ?
Même en faisant sa part belle à la peur du gendarme, parmi les 57 % de Catalans qui ont obéi au Roi en n’allant pas urner, un certain nombre et un nombre certain doit être contre l’indépendance. L’énorme manifestation monarchiste de Dimanche 8 octobre semble en apporter la preuve visible.
La question posée était la suivante : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous forme de république ? » Oui ou M...., ou Non ?
Nous avons là étroitement enlacées deux aspirations contradictoires : la république et le provincialisme.
L’aspiration à l’indépendance est clairement celle la bourgeoisie catalane qui ne rêve que d’être le vingt-neuvième État de l’Europe de Bruxelles.
Peut-elle, et doit-elle être aussi, une espérance populaire ?
Voici l’avis de Léon Trotski dans La question nationale en Catalogne écrit en 1931 : [1]
Que signifie le programme du séparatisme ? Le démembrement économique et politique de l’Espagne ou, en d’autres termes, la transformation de la péninsule ibérique en une sorte de péninsule balkanique, avec des États indépendants, divisés par des barrières douanières, ayant des armées indépendantes et menant des guerres hispaniques "indépendantes".Les ouvriers et les paysans des différentes parties de l’Espagne sont-ils intéressés au démembrement économique du pays ? En aucun cas.
Étonnant, non ?
Si la bourgeoisie catalane fait référence à la république dans le referendum c’est pour flatter la masse dans le sens du poil. Laisser entendre qu’on est contre la monarchie, contre l’héritage de Franco.
Parce-que, il faut le dire, le Caudillo n’a pas été renversé. Il est mort paisiblement dans son lit, chargé d’ans et d’honneurs. À sa mort beaucoup dans la gauche espagnole ont rugi de bonheur, mais pour cette race orgueilleuse, ce fut quand même une humiliation.
Non seulement le méchant fachismassassin ne fut pas balayé, comme chez Portugal son petit voisin, mais les institutions du Franquisme restèrent en place, et on avalisa le testament du Caudillo, l’héritage qu’il voulait laisser à l’Espagne : la monarchie.
Voilà qui est dur à avaler pour la gauche espagnole.
En Espagne, et plus particulièrement en Catalogne, l’Histoire ne passe pas. L’Histoire récente, et plus lointaine, reste en travers de la gorge
Récente, en 1975, quand en échange de l’abandon de révolution sociale on eût la révolution sociétale : la Movida.
La Movida
C’est le nom donné à « la transition démocratique espagnole », après la mort de Franco. Une « révolution culturelle » pour accoutumer les esprits à la démocratie, à la liberté. Liberté du libéralisme, sexe, drogue et rock and roll.
Le plus comique c’est que « le terme "movida" vient de l’espagnol hacer una movida qui signifiait quitter le centre de Madrid pour s’approvisionner en haschisch ou en drogues en tous genres et revenir le consommer dans la capitale. » [2]
Dès la boîte de Pandore de toutes les joyeusetés des pays capitalistes post-modernes ouverte : Gay Pride, féminisme, pornographie, immigration et shoatisme s’abattirent sur la pauvre tête cléricale de la vielle Espagne.
La réaction cléricale suffoquait quand le capitalisme retrouvait un second souffle dans le marché mondial, mais le prolétariat n’en fut pas moins lui aussi étouffé sous une austérité redoublée.
Aujourd’hui sous le Bon Roi d’Espagne et les institutions héritées du franquisme, on a la Gay Pride, à Madrid, comme à Barcelone. Et le féminisme de Conchita est un des plus teigneux.
C’est à la Moncloa que Le deal a eu lieu entre la Réaction et les partis de gauche PSOE et PCE, social-démocrate et stalinien.
C’est le Pacte de la Moncloa
Le Pacte de la Moncloa
Franco meurt le 20 novembre 1975. Liesse. Les partis de gauche qui n’avaient pas cessé de gémir et d’enquiquinner la terre entière dans l’émigration, ressortent au plein jour comme des rats subitement éclairés sous des projecteurs. On allait voir ce qu’on allait voir !
On a vu le Pacte de la Moncloa ! (25 octobre 1977).
Là, les fascistes d’ouverture prirent langue avec les staliniens de fermeture de gueule ( PCE), et avec l’apport minuscule de la la sociale-démocratie décomposée (PSOE) ont conclu un pacte.
PCE et PSOE renoncèrent à peu près à tout ce qu’ils avaient clamé durant des années, comme étant primordial : le socialisme, la république, son drapeau, et même le châtiment des coupables. On passa les souffrances endurées au profits et pertes, d’autant mieux que ce n’étaient pas eux, ces « chiens de politiciens » [3] qui les avaient endurées.
Il y eût donc la loi d’amnistie du 16 octobre 1977. Les victimes furent pardonnées d’avoir causé tant de tracas aux geôliers, et provoqué un surcroît de travail aux tortionnaires. Le bon Roi Juan Carlos pardonnait les offenses.
En échange de ce renoncement inouï on obtenait la légalisation du PCE (avant celle du haschisch). Le référendum constitutionnel du 6 décembre 1978 (87,8% de « oui ») paracheva ce consensus monarco-stalinien, ou stalino-royaliste.
En échange le PCE freinait les revendications pour ne pas gêner le processus de modernisation capitaliste en cours.
Bien sûr les vrais maîtres d’œuvre étaient dans la coulisse de la Moncloa. Il y avait Vernon Walters de la CIA et Kissinger, l’homme qui a eu la bonté d’installer Pinochet pour le plus grand agrément du Chili. Pour ces gens là l’important était que l’Espagne reste dans le giron de l’Empire. Ainsi, l’Espagne adhérera à l’OTAN en décembre 1981.
Cette transition en douceur, entre le fachimassassin et le libéralisme libertaire couronné, fut l’œuvre essentiellement du PCE. Le PSOE ne fut au début qu’un figurant. Bien sûr à ce petit jeu le PCE va s’anémier, et le PSOE engraisser. Mais qu’importe le Parti pourvu qu’on ait l’oseille.
Le PCE s’était toujours présenté, en parole, comme le grand parti antifasciste, le fer de lance organisé de l’anti-franquisme. En réalité il fut le meilleur outil de cette trahison populaire.
Comme il fut aussi, naguère, le principal artisan de la victoire de Franco !
La révolution trahie
On appelle parfois la guerre d’Espagne (1936-1939), la guerre civile espagnole, mais c’est une erreur. La vraie guerre civile fut une guerre dans la guerre, et dans le camp dit républicain. Guerre à mort menée par le gouvernement républicain bourgeois appuyé par le PCE et par Staline, contre le POUM [4], les anarchistes de la base [5], contre la classe ouvrière.
Et son épicentre fut Barcelone en 1937.
C’est là que la révolution fut brisée. Comme en Russie, on traqua, on tortura on extermina l’avant garde. [6]
Et, le 26 janvier 1939, le levantin Franco n’a eu qu’à se baisser pour ramasser avec sa troupe « d’arabes pouilleux », l’expression est de Bernanos, le pouvoir tombé des mains des ouvriers.
Que les rares que la vérité intéresse, et non pas les mensonges intéressés, lisent Hommage à la Catalogne (1938) de Georges Orwell.
Tout ce que je viens de dire y est. Explicitement développé. Orwell y était. Il combattit dans le POUM. Il considérait Hommage à la Catalogne comme son livre préféré, et même le plus important. Il l’est, parce qu’il est inaugural de toute son œuvre. 1984 est inspiré par le régime de Staline, et la soumission des intellectuels de gauche anglais au stalinisme. [7]
L’enjeu et le déroulement de cette tragédie ont également été bien exposés, dans leur mécanisme, par le film de Ken Loach, Land and Freedom.
Mais hélas il y a le casting. Les acteurs choisis pour tenir les rôles des militants du POUM ou de la CNT, ressemblaient à s’y méprendre à des membres du NPA et à des furies féministes ; à tel point que malgré soi, on se prend d’affection pour les gardes d’assaut staliniens, et on arrive à les trouver beaucoup trop patients et modérés à l’égard des premiers.
Heureusement il suffit de jeter un œil sur les photos des acteurs réels de ces événements dans la vraie vie, pour revenir à des sentiments de haine et d’exclusion plus justement placés.
La bourgeoisie catalane vient de cette tradition de gauche anti-ouvrière, allié aux assassins staliniens. Voyez Valls, il est emblématique du bourgeois Catalan et pas seulement du bataclan.
On a tort de le dire franquiste. Il est de cette tradition de la bourgeoisie catalane, fanatiquement anti-ouvrière, mais tout autant anti catholique.
Le Saint Empire Romain Espagnol
En France pour ajouter de la confusion à la confusion catalane, l’ex Sénateur Mélenchon prend parti contre la sécession, cependant que les mélenchoniens de là bas sont pour !
Il semble craindre la métamorphose balkanique de l’Espagne, avec une multitude de petits états, redevenus miraculeusement féodaux : la baronnie Basque, le comté Castillan, la seigneurie Aragonaise, le fief Asturien, le duché d’Estrémadure, la vicomté des Baléares, la principauté Cantabrigianne etc, etc.
Puis par contamination il redoute la transformation de l’Union européenne en un nouvel Saint Empire romain Germanique.
« Il y en a qui ont cela en tête… Une Europe où l’on reviendrait à la période du Saint Empire Romain Germanique, avec des petites principautés, des duchés, des baronnies… »
clâme le Tribun suprême devant son auditoire terrifié.
Saint-Empire-Romain-Germanique ! Quatre mots, quatre monstruosités absolues ! Et rassemblés en une seule Entité cela forme une telle Horreur, une Abomination si ineffable, que le seul fait de l’entendre prononcer vous glace le sang, en fait. En fait, aucune des FIFIlles au Sénateur ne sait ce que c’est, mais elles sentent que c’est pire que tout, en fait. En fait, c’est l’horreur. En fait.
« En fait mes copines catalanes sont peut être abusées, en fait. En fait, Jean-Luc Premier a toujours raison. »
Tous les gauchistes non sénatoriaux voient en Catalogne se dessiner un mouvement libertin de gauche. Seul l’ex Sénateur Mélenchon renifle un mouvement partouzard de droite.
Certains éléments en notre possession semblent militer pour le premier point de vue :
Mardi 3 octobre une grève générale paralysait l’ensemble de la généralité. Une gigantesque manifestation populaire déferlait sur le pavé.
À Barcelone, à Tarragone, les dockers refusèrent d’approvisionner les bateaux à quai, chargés de policiers à ras-bord. Avant d’aller rejoindre la manifestation en gilets fluo.
Trains et métros étaient bloqués.
Des pompiers en uniformes se battaient avec la Gardia civil dans des bureaux de vote.
D’un autre côté, on rencontre à profusion à Barcelone de l’antifa local, en casquette castriste avec sa pouffe féministe tatouée.
Quant à la terrible répression policière, finalement elle ne renversa que les Zurnes, sacrilège ! et ne provoqua que des crises de nerf sur Touitter.
En réponse, les flics impitoyables touitaient des slogans d’amour « Estamos por ti » (nous sommes là pour toi) !
Quelle farce !
Le bras de fer
Le soir à la Télévision, le roi Felipe VI prononça un discours extrêmement menaçant. Rejetant catégoriquement l’offre de dialogue du gouvernement catalan, il l’intimait de revenir sur « le chemin de la légalité » .
En dessous, Rajoy rageait, littéralement. Il écumait dune rage à peine contenue, et menaça Puigdemont de « finir comme Companys », l’ancien premier ministre catalan séparatiste qui fut fusillé en 1940 par Franco.
D’aucuns même craignent l’installation d’une nouvelle dictature après un bain de sang.
Aussitôt les instances dirigeantes de l’UE, notre Micro président en tête, prennent le parti pour la rage du Roi et du Rajoy, ce qui renforce la conviction des gauchistes qu’il s’agit d’un mouvement progressiste de libération nationale.
Devant de telles menaces, Puigdemont, représentant de la bourgeoisie catalane, le 19 octobre se dégonflera-t-il ?
Ou va-t-il valider le referendum et crier de sa puissante voix de fausset : INDÉPENDANCE !
Junqueras, (N°2 du gouvernement catalan) a répondu à Rajoy qu’un éventuel dialogue avec l’État espagnol ne pourrait porter que sur l’indépendance de la Catalogne.
L’Assemblée nationale catalane (ANC) déclare :
« Face au rejet par l’État espagnol de toute proposition de dialogue, maintenir la suspension de la déclaration d’indépendance n’a plus aucun sens. »
Déjà les capitalistes s’enfuient à tire d’aile. Deux grosse banques, CaixaBank et Banco de Sabadell ont transféré leur siège social hors de Catalogne. Même chose pour Gas Natural.
L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques Ibériques
Ces masses mobilisées, comment réagiront elles ? Se laisseront-elles mener par le piercing nasal comme de vulgaires antifas ?
Question, qui ouvre aussitôt sur cette autre : quelle sera la classe sociale qui prendra la tête du mouvement populaire.
La classe ouvrière ?
Je lis dans La Tribune des Travailleurs, un appel à « la solidarité ouvrière » de soixante militants ouvriers d’Allemagne, de France et d’Italie.
Bravo ! Mais dès les premières lignes on condamne l’Europe d’avoir mis « des barbelés à ses frontières ». On se scandalise que ces frontières soient fermées aux « migrants, dont les cadavres reposent au fond de la Méditerranée ».
Que veulent-ils, à la fin, une Catalogne indépendante mais sans frontières ?
Alors indépendante de qui, de quoi ? Comment être indépendants sans frontières ?
La misère et la désolation causées par les guerres impérialistes au service de Sion chassent de leurs pays des foules innombrables. Faut-il les recevoir par millions, par centaines de millions ? Alors adieu antique idéal du socialisme et de la liberté. Exit l’espoir de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques Ibériques.
Vive l’État islamique catalan !
Option qui plairait bien, finalement, à ceux qui étaient dans les coulisses de la Moncloa.
La bourgeoisie ?
Si la bourgeoisie catalane cherche l’affrontement, elle ne pourra le faire sans une très grande mobilisation populaire.
A-t-elle si peur d’une révolte sociale, après des années d’austérité, qu’elle préfère la déplacer sur une question pseudo-nationale ?
............ !
Au fond elle milite pour un vulgaire Brexit interne à l’Espagne. Mais l’Espagne n’est l’U.E mais une vieille nation.
L’accouplement de la bourgeoisie catalane avec le peuple sur la question du séparatisme na pourra mettre an monde qu’un avorton national et politique, n’en doutons pas.
Un avortement de plus dans la clinique gynécologique des vieilles nations d’Europe qui se délitent.
Mais un avortement ça saigne aussi.
Paris le 14 octobre 2017