À la mi-septembre, je me suis rendu Rue de Grenelle, à la demande du ministère qui souhaitait m’interviewer sur la douloureuse question de l’évaluation - celle des élèves, bien sûr, le ministre n’est pas assez suicidaire pour se pencher sur celle des enseignants. M’interviewer ou se procurer à bon compte - les frais de déplacement sont à la charge des invités - une caution "réactionnaire", puisque c’est ainsi que m’identifient les têtes creuses du ministère et de la pédagogie réunis.
Ambiance cordiale et malentendu global
J’ai donc été reçu par le conseiller chargé du problème (c’est l’évaluation le problème, mais j’ai vite compris que c’était aussi ma pomme), une certaine Agathe C. qui, beauté des coïncidences, est une ancienne élève de la section BL du lycée Thiers, celle-là même où j’enseigne. Cela nous a permis d’évoquer les figures tutélaires de l’équipe, et de commencer bille en tête en constatant que pour une ancienne élève de prépa, un lieu où la note sévit de façon magistrale et souvent violente, elle ne paraissait pas "trop matisé", si je puis ainsi m’exprimer. Et son passage à l’ENS et à l’ENA (ça ne la frustre pas, d’avoir plus de diplômes et de compétences qu’un ministre qui a échoué deux fois au concours d’entrée de l’ENA ?), autres lieux de la sélection épouvantable de l’école bourgeoise, ne l’a pas trop marquée non plus.
Pourquoi diable, ai-je innocemment demandé, priver les élèves à venir du bienfait d’une évaluation chiffrée qui vous a si bien profité ?
La réponse fut diffuse - la jeune femme parle couramment le sabir émollient du ministre : je plaidais la liberté des enseignants et l’intérêt des élèves, elle jargonnait les idées reçues des pédagogues du SGEN et des Cahiers pédagogiques, assaisonnées de considérations électoralistes sur la nécessaire présence des parents. Ce fut long, sympathique et stérile.