On peut dire des réformes ce que le duc de Saint-Simon disait des mariages : il en est de bons, il n’en est point de délicieux. Mais il en est de catastrophiques. La réforme du collège, version Vallaud-Belkacem, est non seulement un désastre – les élèves, bons ou mauvais, sortiront tous de là plus abîmés –, mais c’est une grossière injustice. Démonstration.
Heureux les heureux !
Prenez l’apprentissage des langues. Les sections bilangues, qui paraît-il puaient le favoritisme de classe, sont donc supprimées – sauf dans les collèges et lycées internationaux que fréquentent prioritairement, nul n’en doute, les élèves les plus défavorisés.
Que sont ces sections internationales — que je recommande chaudement, mais qui devraient être la règle au lieu d’être des exceptions onéreuses ? Elles ne sont accessibles qu’après avoir passé des tests linguistiques, oral et écrit, assez pointus : seuls les réussissent celles et ceux dont les parents se sont souciés, depuis leur prime enfance, de les envoyer en vacances dans le pays requis. Tout le monde, bien sûr. Les élèves arrivant de l’étranger ou d’une école privée hors contrat doivent en sus passer un test de français et de maths. Coucou, le revoilà, le bon vieil examen d’entrée en sixième !
Qui demande ces sections réellement élitistes ? Tous ceux qui tentent d’échapper au collège de secteur. Et les parents sont prêts à payer – parce que ce n’est pas gratuit, y compris dans l’enseignement public : « Les montants, écrit Sophie de Tarlé dans l’Étudiant , ne sont pas identiques en fonction des langues étudiées et, même dans les établissements publics, les sections internationales peuvent être payantes. Au lycée international de Valbonne, la section allemande est facturée 960 euros par an, mais il faut débourser environ 2 000 euros par an pour la section anglophone. Au lycée de Sèvres, les sections allemandes et anglophones coûtent aux parents 2 000 euros par an. En fait, tout dépend des accords d’échanges de professeurs entre les deux pays. Dans les écoles privées, la facture est plus élevée. Comptez 4 785 euros par an à l’école active bilingue Jeannine-Manuel à Paris. Des tarifs qui ne découragent nullement certains parents. Cette année, cette école parisienne très cotée a reçu 1 849 demandes pour 358 places. » Sûr qu’un élève parisien qui paie ce tarif fait partie de ces classes défavorisées que prétend aider le ministre. Tartuffes !