Désespérant de faire adopter en douceur la réforme du collège, l’Éducation nationale utilise désormais la force et les menaces. Propositions de contournement.
Autant se mettre d’accord tout de suite : les adjudants dont il est question dans le titre ne sont pas les aimables « juteux » de nos casernes, qui font leur boulot, mais de hauts fonctionnaires très grassement payés (le montant de leurs primes a été récemment augmenté de 65 % – alors que le salaire des enseignants stagne depuis six ans – pour atteindre le chiffre de 25 000 euros / an) qui jouent aux flics pour ramener de l’ordre dans les troupes.
Menaces caractérisées
Après Toulouse, où a été mis en place « un outil de pré-repérage pour détecter les établissements dans lesquels la formation prévue dans le cadre de la réforme du collège s’annonce complexe » (mais le recteur a désavoué les inspecteurs qui avaient lancé cette opération) ; après Tours, où l’on a pensé à utiliser l’état d’urgence pour signaler « grèves, blocages, manifestations, rassemblements » – joli amalgame avec les « comportements terroristes » ; après Clermont-Ferrand, où le recteur (c’est comme ministre, c’est une fonction, ça ne se met pas au féminin sous prétexte que son titulaire est une femme) menace d’une retenue d’1/30e du salaire les enseignants qui se dispenseraient d’assister aux journées de présentation de la réforme ; voici Grenoble, où le recteur se fend d’une lettre comminatoire et menaçante :
« Dans certains collèges, quelques personnels expriment des attitudes d’opposition lors des premières journées de formation consacrées à la réforme. Elles peuvent notamment se traduire par une présence silencieuse et passive aux formations, ou à l’inverse par une perturbation bruyante, par une forme d’agressivité à l’encontre des formateurs, ou encore par un refus de participation.
« Ces comportements sont choquants de la part de personnels éducatifs en responsabilité d’élèves et ne sauraient être tolérés.
« En tant que fonctionnaires de l’État, ils doivent mettre en œuvre cette réforme qui s’inscrit dans la loi de refondation adoptée par le Parlement.
« Si des enseignants vous font part de leur volonté de ne pas participer à ces formations ou de les perturber en évoquant notamment le fait qu’ils n’ont pas cours, il convient de leur rappeler les règles suivantes :
ils ont obligation de participer à la formation professionnelle continue à laquelle je les convoque (conformément à l’article 22 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée et au décret 2007-1470 modifié relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie) ;
le temps de service des enseignants n’est pas limité aux heures de face à face pédagogique avec les élèves et inclut notamment le temps passé en formation (décret 2014-940 du 20 août 2014) ;
cette obligation de service, étendue au-delà de l’heure de cours, a été reconnue à plusieurs reprises par le juge administratif qui considère qu’un enseignant s’abstenant de suivre une formation professionnelle continue, n’accomplit pas ses obligations de service et se trouve donc en situation de service non fait, susceptible d’un retrait sur traitement ou d’une sanction disciplinaire.
« Je vous saurais gré de me signaler les personnels qui entravent délibérément le bon déroulement des journées de formation. Je leur adresserai une lettre de remarque qui sera versée à leur dossier. »