Les temps de crise sont propices aux grands désarrois. Devant des événements qui les dépassent, les hommes s’en remettent volontiers au premier Savonarole qui passe, ou au premier élixir susceptible de soigner leurs angoisses, leurs cors au pied et le rhume des foins.
Ces temps-ci, la panacée de l’Éducation nationale (qui est en soi une crise à l’intérieur d’une crise), c’est le numérique. L’informatique. Le tableau interactif. La tablette. Les MOOC. N’importe quoi qui coûte de l’argent (beaucoup d’argent, même), dont l’efficacité est très douteuse, mais qui donne un semblant d’espoir.
Pendant ce temps, le massacre des innocents continue. L’écran de l’ordinateur est un écran de fumée.
Les béni-oui-oui de l’informatique
De passage dans une école Potemkine - le collège Louise-Michel de Clichy-sous-Bois, tout récemment reconstruit pour 42 millions d’euros -, François Hollande, accompagné de Najat Vallaud-Belkacem et de Claude Bartolone, a donc annoncé "un grand plan numérique à l’école". "L’État mettra tous ses moyens pour former les enseignants, assurer partout l’arrivée du très haut débit, et pour que les éditeurs de livres puissent également mettre les contenus sous forme numérique, de manière à ce que chacun puisse y accéder." Nous voilà sauvés.
C’est du moins ce qu’ont compris (oui, je sais, ce con-con frise le kakemphaton, mais il est volontaire) les journalistes présents, et même les journalistes absents. Chorus dans la presse. Le Sauveur s’est une nouvelle fois incarné, cette fois sous forme de tablette. De BFM au Nouvel Obs ou Libération, du plat pays nordiste en passant par La Réunion, ce n’est qu’un cri de délivrance. Bon sang, mais c’était bien sûr : si ça ne marchait pas à l’école, c’était par manque de claviers et d’écrans...
Le site officiel du ministère n’a pas manqué l’événement. Sur sa plateforme, il renvoie aux merveilleuses initiatives de ces enseignants câblés (moitié profs, moitié geeks) qui donnent l’exemple aux vieilles barbes dans mon genre. Par exemple Damien Lebègue, prof de gym à qui l’utilisation des tablettes permet de résoudre les problèmes de ses élèves à la traîne. Vous pensiez que le sport est une activité physique : détrompez-vous, c’est juste une question de pianotage.
Et la pratique sportive du coup de pied au cul des idiots utiles de l’industrie numérique, cher Damien Lebègue, qu’en pensez-vous ?