Alors que se négocie la réécriture du « socle commun de connaissances », dont la version provisoire égrène une multitude d’objectifs sur près de vingt pages, les professeurs du second degré tirent la sonnette d’alarme dans un sondage IFOP/SOS Éducation. Quasiment unanimes (89 %, toutes tendances politiques confondues) pour rappeler que la mission de l’école est avant tout d’apprendre à lire, écrire et compter, ils sont plus de la moitié (51 %) à estimer que le primaire ne remplit plus cette mission.
Ce constat catastrophique rappelle évidemment les conclusions choc de l’enquête internationale PISA, qui a révélé fin 2013 que 20 % des collégiens français se trouvent en situation d’illettrisme. 85 % des enseignants (et 95 % de ceux en fin de carrière !) ont ainsi observé chez leurs élèves une dégradation du niveau de maîtrise de la langue écrite depuis leur entrée dans le métier.
Le message des professeurs est donc très clair : l’heure n’est pas à un énième plan numérique pour l’école (un gadget pour 54 % des enseignants !), mais aux réformes qui permettront la transmission efficace des fondamentaux.
« Il faut avoir à l’esprit que le volume horaire consacré à l’enseignement du français en primaire a été amputé de moitié en quarante ans », analyse Jean-Paul Mongin, Délégué général de SOS Éducation. « De plus, les méthodes de lecture idéovisuelles ou semi-globales restent employées dans 95 % des établissements, malgré leur inefficience démontrée. On a là deux leviers d’action incontestables si l’on veut se donner les moyens de réduire l’illettrisme… »
... et de proposer la mise en place de tests de déchiffrage dès la classe de CE1, suivant les recommandations d’une étude publiée par SOS Éducation cette semaine, ainsi qu’un examen d’entrée en 6e — proposition soutenue par plus des trois-quarts (77 %) des enseignants.
Sur les questions de discipline, le sondage IFOP/SOS Éducation a interrogé parents d’élèves et professeurs ; il révèle un sentiment général de détérioration de la sécurité dans les établissements (chez 69 % des enseignants, 61 % des parents), de perte du sens du respect (pour 83 % des professeurs et 65 % des parents), ce qui contribue évidemment à la baisse de la qualité de l’enseignement attestée par 57 % des professeurs et 55 % des parents. Près de la moitié des enseignants (49 %) affirment ne pas disposer de moyens réglementaires suffisants pour assurer leur autorité. Quasiment tous (91 %) seraient favorables à l’idée de bénéficier de la protection juridique des agents dépositaires de l’autorité publique. Et les sanctions actuellement interdites par l’administration, comme les notes de conduites ou les lignes à copier, restent plébiscitées (respectivement 57 et 56 % d’opinions favorables).
« Le nouveau ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui bénéficie d’un a priori relativement favorable chez les professeurs (43 % de bonnes opinions contre 22 % de mauvaises), pourrait certainement renforcer sa crédibilité (qui tourne seulement autour de 40 %) en travaillant cette question de l’autorité », conclut Jean Paul Mongin. « C’est une évidence que des décennies de laxisme n’ont pu occulter : il n’y a pas d’éducation possible sans sécurité. »