Dalila Sadok est l’une des intervenantes du film Les Survivantes de Pierre Barnérias, qui tourne dans les salles depuis le mois de mai 2024. Elle accuse le père de ses enfants de les violer, de leur faire manger des excréments et du sang humain, et de les avoir emmenés tuer des bébés sous la pyramide du Louvre en compagnie d’Emmanuel Macron et de Jack Lang. Elle a été diagnostiquée histrionique par expertise psychiatrique, et la justice a confié la garde de ses enfants au père, qui a été innocenté de toutes les accusations portées par Sadok contre lui.
Son cas a été enfin élucidé par Claire Gabriel, dans deux audios (incluant captures d’écran) postés sur son compte X, totalisant 2 h 40 et écoutés plus de 100 000 fois, ici et ici.
Claire Gabriel, qui se consacre depuis plusieurs d’années à l’aide aux victimes de pédocriminalité, fut l’une des premières à relayer le film Les Survivantes. Elle connaît personnellement Dalila Sadok, l’a reçue dix jours chez elle et l’a interviewée deux fois durant l’été 2023, lorsque le film Les Survivantes n’était encore qu’en projet. Elle livre maintenant des révélations dévastatrices pour la réputation de Sadok, et plus largement pour la crédibilité du film. Elle ne dénonce pas pour autant l’ensemble des « survivantes » du film. Elle est notamment convaincue que Maria Albertina Machado, dont elle est proche, est une réelle victime d’abus sexuel ; mais Machado, dont le récit n’est pas assez satanique, est aujourd’hui harcelée par Sadok et écartée des débats par Pierre Barnérias.
La préoccupation première de Claire Gabriel est le bien-être des enfants de Dalila Sadok, qu’elle connaît et sait menacés par les obsessions et les manipulations de leur mère. Mais c’est aussi et surtout la vérité que Gabriel veut servir, et je trouve remarquable et admirable qu’elle admette s’être trompée, ou plutôt avoir été trompée par Sadok et par l’équipe du film, et avoir ainsi entraîné ceux qui la suivent dans cette imposture. Ce genre de repentir est assez rare pour être salué. Claire veut rattraper sa faute, et le fait avec énergie et courage.
Le comportement de Dalila Sadok relève d’un grave trouble de la personnalité. Au-delà de l’histrionisme qui lui fait chercher toujours la lumière et mettre en scène sa dramaturgie, on reconnaît chez elle, suggère Gabriel, un « syndrome de Münchhausen par procuration », dans la mesure où elle se valorise en martyrisant psychologiquement ses enfants.
Dalila Sadok construit son histoire en empruntant à celles des autres ; elle « fait de la couture avec les histoires des autres ». C’est en constatant cela que Claire Gabriel a commencé à douter de son témoignage. Sadok se dit victime de multiples tentatives de meurtres, une fois par un bouquet de fleurs piégé (bouquet qui explosa en fait à la face de Maria Machado, chez qui Sadok avait laissé le bouquet). Elle a prétendu en septembre dernier qu’on avait tenté de l’abattre par balle, avec une photo de vitre de voiture brisée par un impact qui semble plutôt dû à un coup de marteau.
Sadok répète partout qu’elle a les preuves de tout ce qu’elle avance sur les sévices subis par ses enfants dans le réseau pédophile dont ferait partie son ancien compagnon, mais personne n’a jamais vu le début d’une preuve ou un quelconque rapport d’expertise. Chez Mike Borowski, elle affirme que sa fille a été diagnostiquée d’une MST à deux ans, mais ne se souvient plus de laquelle. En guise de preuve, elle fournit, après des demandes insistantes, un extrait de carnet de santé concernant un traitement vermifuge au Fluvermal.
Sadok prétend avoir retrouvé chez elle des dessins que sa fille Camille aurait fait à quatre ou cinq ans, mais selon l’avis des experts, le trait net et rapide de ces dessins ne correspond pas du tout à la façon de dessiner d’un enfant.
Il est heureux que l’imposture de Dalila Sadok soit démontrée, par quelqu’un qui, répétons-le, lutte depuis de nombreuses années contre la pédocriminalité et a soutenu le film Les Survivantes à sa sortie, mais a pu constater par elle-même que Sadok était une affabulatrice dangereuse pour ses enfants. Son cas ressemble assez à celui d’Ella Draper dans l’affaire Hampstead (2014), qui, avec l’aide musclée de son compagnon Abraham Christie, avait forcé ses deux enfants à accuser leur père, Ricky Dearman, d’être le chef d’un réseau pédosatanique.
Ce n’est que le début. Si les maltraitances vécues par Maria Albertina Machado durant son enfance à la DDASS sont parfaitement plausibles, de sérieux doutes pèsent sur les autres « survivantes » :
Anneke Lucas, auteur d’un livre-témoignage sur son passé d’esclave sexuelle en milieu satanique depuis l’âge de six ans, admet que ses souvenirs sont apparus par hypnothérapie. Elle a été interviewée tout récemment par Patrick Bet-David (500 000 vues), affirmant avoir été vendue à douze ans à David Rockefeller lors d’une réunion du groupe Bilderberg.
Sophie, qui se dit issue d’une famille d’aristocrates belges satanistes mais ne révèle pas son nom. Ses « souvenirs », « récupérés » par psychothérapie, incluent des monceaux de cadavres d’enfants poignardés, décapités, écartelés, éventrés, et j’en oublie.
Chantal Frei, elle aussi utilisant un faux nom, prétend pareillement que toute sa famille, de milieu modeste, faisait partie d’une secte satanique transgénérationnelle qui tuait des enfants, parfois au cours de parties de chasse dans le domaine d’un château. Chantal Frei a toujours le sourire, même pour raconter ses propres meurtres d’enfants. Dans une interview avec l’inévitable Karl Zéro, qui lui demande comment elle a « transcendé l’impensable », elle répond : « Grâce à Dieu, …et grâce à ces différents alters que j’ai découverts en moi », disant « travailler avec eux pour qu’ils apprennent à se connaître… »
Sylvie Heffinger (alias Laroots Soldjah), autre « survivante », dit avoir eu « de graves troubles psychiatriques » et témoigne dans le film devant un poster de cannabis : elle se plaint de la maltraitance de ses enfants placés à la DDASS. L’une de ses filles dit avoir participé à un sacrifice rituel de bébés, mais hésite : « Je me dis : c’est pas moi, j’ai pas vécu ça ! »
Hélène Pelosse, enfin, dont j’ai déjà analysé le témoignage dans un article précédent, est la star du film, en raison de son prestigieux CV : ENA à 26 ans, directrice adjointe au sein du cabinet du ministre de l’Écologie en 2007, puis directrice générale par intérim de l’Agence internationale des énergies renouvelables en 2009. Elle démissionne de ce dernier poste l’année suivante, après avoir, dit-elle, reçu des menaces de mort. Elle entame une psychothérapie, et une démarche spirituelle qui l’amènera entre les mains d’un exorciste, probablement au sein de la communauté de l’Emmanuel, dont sont proches le producteur Augustin de Rougé et le réalisateur Pierre Barnérias, et où a sévi le père Emmanuel Dumont, sanctionné par la justice canonique pour avoir suggéré de faux souvenirs de traumatismes sexuels [1].
Hélène met en cause son grand-père maternel Pierre Cornut, médecin pédiatre respecté, qu’elle désigne comme « franc-maçon satanique ». Il aurait entraîné ses nombreux enfants et petits-enfants dans ses rituels sataniques incluant des meurtres d’enfants et de bébés, mais Hélène est la seule de sa famille à se souvenir. Elle-même affirme clairement qu’avant l’âge de 42 ans, soit en 2012 : « Je ne me souvenais de rien. »
Elle est persuadée avoir reconnu, parmi les grands-prêtres satanistes, des membres de la hiérarchie catholique, dont le primat des Gaules (archevêque de Lyon) Alexandre Renard (1906-1983), ce qui a motivé son dépôt d’une plainte à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (disponible sur morpheus.fr), où elle déclare avoir subi « des abus rituels sataniques comportant viols, tortures et sacrifices humains et impliquant des prêtres et des évêques de France ». Ailleurs, elle explique qu’elle avait le rôle de « nettoyeuse » dans les rituels sataniques, ce qui signifie qu’elle devait ramasser les « monceaux de cadavres d’enfants […] éventrés, dépecés, brûlés, massacrés, violés, tronçonnés. […] Je devais prendre un seau et aller ramasser tous ces morceaux de corps, mettre tout ça dans un seau, et ensuite, il fallait [...] que je cuisine tout ça, et que je serve ça à manger, et qu’ensuite je nettoie ; il fallait faire une vaisselle. »
Chacun de ces témoignages est douteux dans la mesure où n’est donné aucun début d’indice pouvant les corroborer. Aucune de ces femmes ne peut faire témoigner un proche pour accréditer ses dires, et la raison suggérée est que tous les membres de sa famille sont soit des tortionnaires, soit des amnésiques.
Attention, je ne dis pas que ces femmes n’ont rien vécu d’anormal ou de traumatisant dans leur enfance ; j’affirme simplement qu’il me semble évident que ce qu’elles disent avoir vécu contient un mélange de visions hypnotiques et d’affabulation. Dans certains cas, et en particulier dans celui d’Hélène Pelosse, il n’y a probablement pas d’affabulation délibérée : elle croit à ce qu’elle dit, parce qu’elle prend les visions et « sensations kinesthésiques » obtenues lors de fièvres délirantes, de transes hypnotiques ou d’exorcismes pour des souvenirs jadis refoulés et soudain restitués intacts après quarante ans d’amnésie (le modèle « informatique » de la mémoire).
Comme je l’ai expliqué dans un autre article paru sur Réseau International, l’amnésie traumatique dissociative est un phénomène reconnu (DMS-5, 2022), et il n’est pas rare qu’une telle amnésie traumatique dure trente ans. Mais la disparition des événements traumatiques hors de la mémoire autobiographique n’est jamais totale ; elle s’accompagne nécessairement de ce que la psychiatre Muriel Salmona nomme la « mémoire traumatique », qui se manifeste par des symptômes handicapants [2]. Enfin, dans les cas avérés d’amnésie traumatique, les souvenirs émergent de façon spontanée, à l’occasion d’une sensation ou d’un événement déclencheur. Ces souvenirs, bien entendus, doivent être corroborés par des témoignages, des indices concordants, ou des aveux, pour permettre une action en justice.
Il en va autrement des « souvenirs récupérés » (recovered memories) dans les séances d’hypnothérapie du docteur Gérald Brassine (qui a suivi certaines des « survivantes » et témoigne dans le film) ou des méthodes hautement suggestives comme des exorcismes. Nous sommes là dans un tout autre cadre, celui des faux souvenirs induits, un phénomène massif aux États-Unis dans les années 1980-90. Sur ce sujet, je vous conseille le documentaire en deux parties Souvenirs divisés que vous trouverez en bas de mon article « Vraie amnésie traumatiques ou faux souvenirs hypnotiques ? » (ou ici et ici). Je vous recommande aussi le documentaire À la recherche de Satan, réalisé par la même équipe et traduit par ERTV.
J’étudie ce dossier depuis le début des années 1990, ayant vécu aux États-Unis à la grande époque de l’épidémie de faux souvenirs et de la « panique satanique ». Le phénomène a fait grand bruit dans tous les pays anglophones, mais n’a pas fait parler de lui en France, peut-être en raison du poids de la psychanalyse encore à cette époque. Quoi qu’il en soit, je considère le succès des Survivantes en France, Suisse et Belgique comme symptomatique de ce que j’ai nommé la « pilule noire » ou « l’overdose de pilule rouge », un fléau qui sévit dans un certain milieu dissident qui a décidé que puisque tout est faux dans les médias mainstream, tout est vrai dans la youtubesphère de conspiracyland. Plus c’est horrible, plus c’est crédible – la version grand-guignolesque de la théorie du gros mensonge formulée par un célèbre Autrichien moustachu.
Cette comédie a assez duré, et il faut remercier Claire Gabriel d’avoir jeté le premier pavé dans la mare. Les influenceurs et autres journalistes qui, par conformisme ou lâcheté (c’est dur de se faire traiter de complices des pédosatanistes), ont déroulé le tapis rouge à l’équipe du film, et écouté sans sourciller les récits de pédo-satano-cannibalisme d’Hélène Pelosse et ses consœurs devront rendre des comptes, car ils font un très grand tort. Ils font du tort :
1. aux « survivantes » elles-mêmes, qui ont besoin qu’on les aide à se libérer de la prison mentale dans laquelle elles se sont laissées enfermer, et non qu’on les y enferme à double-tour ;
2. aux vraies victimes d’abus et de crimes sexuels, dont la parole vraie est soit étouffée soit discréditée par ce grand spectacle histrionique ;
3. à la vérité elle-même et au public en quête de vérité, que ces pseudo-journalistes dupent et entraînent dans une grande confusion intellectuelle et spirituelle.