Depuis 26 saisons, la série humoristique South Park excelle dans la satire prophétique de la société américaine. On ne dénombre d’ailleurs plus les fois où ses spéculations scénaristiques extrêmes ont pris vie de l’autre côté de l’Atlantique. Or la récente vente par Michael Jordan de son club de basket à deux investisseurs juifs est l’occasion de revenir sur l’une des rares fausses notes de la série.
Le 3 août dernier, la légende du basket américain Michael Jordan a officialisé la vente des parts qu’il détenait dans le capital des Charlottes Hornets, renonçant ce faisant au statut d’actionnaire majoritaire qu’il y honorait depuis treize ans [1]. Pour la modique somme de trois milliards de dollars, il s’est délesté d’une franchise NBA sportivement et médiatiquement à la peine, lui qui en avait fait l’acquisition en déboursant 275 millions de dollars « à peine » en 2010. Cette vente attendue de longue date par les fans a fait deux heureux : Gabe Plotkin et Rick Schnall [photo]. Les deux investisseurs, déjà respectivement détenteurs de parts dans le capital des Hornets et des Atlanta Hawks, sont ainsi venus rajouter leur nom à la liste des juifs propriétaires de clubs NBA. Une liste moins courte que certains l’auraient imaginée.
En effet, si la communauté israélite parvient rarement à faire émerger des joueurs dignes de fouler les parquets américains, elle n’a pas d’équivalent pour placer d’éminents dirigeants à la tête des équipes et de la ligue elle-même. S’agissant du patron de la NBA d’abord, le poste de commissioner est assumé depuis 2014 par Adam Silver, un avocat new-yorkais qui a pris la suite de son coreligionnaire David Stern après trente années de règne incontesté. S’agissant des franchises NBA ensuite, l’examen révèle une présence massive et statistiquement disproportionnée de personnes juives dans l’actionnariat des clubs, eu égard à la part qu’elles occupent dans la population globale. Ainsi, bien que représentant 2 % seulement de la population états-unienne, les juifs représentent 50 % des propriétaires NBA, sans compter les actionnaires minoritaires [2].
Au passage, cette surreprésentation israélite à la direction des franchises de sport ne se limite pas au basket, pas plus qu’elle ne date d’hier. Déjà en 2019, le magazine confessionnel Forward relevait qu’au sein des cinq grandes ligues sportives américaines, environ le tiers des propriétaires de clubs était juif. Soit 45 sur les 147 équipes que comptabilisaient la NFL (foot US), la NHL (hockey), la MLB (baseball), la MLS (soccer) et la NBA [3]. Ce qu’on appelle « occuper le terrain » dans le milieu.
Quel rapport avec le petit gros lard antisémite de South Park ? Le suivant. Dans l’épisode d’ouverture de la saison 26 « Cupid Ye » diffusé en février dernier, Cartman répand dans les couloirs de l’école des théories fumeuses selon lesquelles le monde du divertissement serait sous la coupe des juifs. Sous l’emprise d’un cupidon grimé en Kanye West, il parvient même à convaincre ses camarades de classe que son copain Kyle dirige personnellement Hollywood. Traqué par la meute comme lors des heures les plus sombres, ce dernier tente désespérément de ramener tout le monde à la raison, en rappelant que personne n’accuse les Noirs de contrôler la NBA alors qu’ils y sont majoritaires en tant que joueurs. Ce qu’approuve Token, le Noir de l’école, en confirmant que ce sont les Blancs qui contrôlent la ligue [4].
Il est certain que la grande majorité des propriétaires NBA a effectivement la peau blanche. Cependant, il n’est pas interdit de regarder les sous-catégories de ce vaste ensemble, même si cela déclenche souvent des réactions épidermiques. Comme le Christ, dans l’Évangile selon saint Mathieu (22:17-21), enjoignait de rendre à César ce qui était à César et à Dieu ce qui était à Dieu [5], il n’y a pas lieu de ne pas rendre aux juifs ce qui leur appartient réellement (donc pas forcément tout ce qu’ils ont pris !) : la moitié des franchises NBA, ce dont ils auraient tort de ne pas s’enorgueillir.
Hasard du calendrier, quelques jours après la vente des Hornets par Jordan, l’Institut pour la diversité et l’éthique dans le sport (TIDES) a rendu son rapport annuel sur la race et le genre de la NBA [6]. De cette compilation statistique fleurant bon le progressisme, il appert que la ligue de basket américain est une très bonne élève pour ses pratiques d’embauche raciales (A+) et pour ses initiatives en matière de diversité (A+). En revanche, elle s’est vu infliger un vilain D+ pour la diversité dans l’actionnariat de ses franchises où seuls 13 % des propriétaires sont des personnes de couleur. Or si le chiffre avait été correctement lu, la ligue aurait ramassé un autre A+ dans cette catégorie, avec tous les proprios issus de la minorité juive recensés plus haut. Missed shot, donc.
En conclusion, South Park marque donc un panier contre son camp digne des plus belles heures du basket féminin [7] en prenant l’exemple de la NBA pour démontrer que les juifs ne contrôlent pas le divertissement. Un impair qui ne ternit évidemment pas l’héritage que lèguera l’une des meilleures séries de l’entre-deux siècles à la pop culture mondiale. Mais qui laisse quand même un arrière-goût suspect sur la langue, en suggérant que même Trey Parker et Matt Stone – les créateurs visionnaires de la série, dont le second est lui-même d’origine juive – peuvent passer à côté de certaines vérités majeures de leur époque. Ou pire, qu’ils les ignoreraient sciemment pour s’éviter quelque problème. Heureusement, Kanye veille au grain.