Auguste Vaillant est un anarchiste français. Au lendemain du scandale de Panama de 1892, qui révéla la corruption généralisée du personnel politique du parlementarisme des honoraires, cet homme, qui voulait venger la mort de Ravachol, lança une bombe d’une grande puissance dans l’hémicycle de la chambre des députés le 9 décembre 1893.
Cette dernière, chargée de clous, de morceaux de zinc et de plomb, s’abattit sur les députés et sur les spectateurs assistant aux délibérations. Une cinquantaine de personnes furent blessées, dont Auguste Vaillant lui-même. Celui-ci, condamné à mort, fut alors guillotiné le 5 février 1894 à l’âge de 33 ans.
Sur ce terrain fabuleux et factice de duperies diverses et variées que sait parfaitement mettre en scène le théâtre du faux, l’examen des archives policières de la fin du XIXe siècle permet d’affirmer que les attentats spectaculaires attribués aux anarchistes, et notamment celui commis par Vaillant, étaient en fait directement initiés puis supervisés par Louis Andrieux, le préfet de police, lui-même ancien procureur à la répression de l’insurrection d’avril 1871, qui avait ébranlé Lyon à la suite de la Commune de Paris. Son but consistait à mettre la main sur un repaire de dynamiteurs avantageusement pré-fabriqué en permettant leur preste arrestation afin de permettre, à partir des mystifications politiques de la sorte mises en marche, de légitimer les fameuses lois dites « scélérates ». Ces dernières, en fonction de l’inquiétude de l’opinion publique astucieusement construite et de l’abrutissement journalistique habituel qui en appelait bien sûr à des mesures d’exception, rendirent alors possible la reconversion domesticatoire des actions ouvrières radicales au travers des mouvements syndicaux et politiques de l’assagissement forcené…
Comme Marx, qui avait fort bien anticipé toute la puissance machinique de l’arraisonnement capitaliste, l’avait judicieusement souligné : ce qui peut dorénavant se faire à l’échelle macro-industrielle des réseaux électroniques et numériques de la chosification omni-présente contemporaine est bien entendu sans commune mesure avec ce qui pouvait se bricoler à l’époque artisanale d’une police encore largement dilettante. Désormais, la domination pleinement accomplie de la liberté despotique du profit, de ses sciences et de ses officines spéciales a permis que plus rien n’échappe, ni en amont ni en aval, à l’autocratie universelle du fétichisme de la marchandise et de toutes ses technologies de production, de reproduction, de surveillance et d’impeccable quadrillage.