Cet entretien a été réalisé fin décembre, avant l’attaque de Charlie Hebdo à Paris.
« La police italienne a annoncé lundi 22 décembre avoir arrêté quatorze néofascistes soupçonnés de vouloir s’en prendre à des cibles politiques et à des magistrats, tandis que la presse évoquait un projet d’une dizaine d’assassinats coordonnés. Deux années d’enquête et d’écoutes téléphoniques ont révélé que le groupe, issu de l’organisation d’extrême droite interdite Ordine Nuovo (Ordre Nouveau), avait commencé à stocker des armes et prévoyait des attaques à Noël, a expliqué la police lors d’une conférence de presse. » Que penser de cette annonce incroyable et de ces arrestations selon toi ?
Gabriele Adinolfi : Il s’agit d’une quinzaine de « nicknames », c’est à dire d’exhibitionnistes qui s’amusaient en écrivant des bêtises sur Facebook. Ils n’ont aucune appartenance politique sérieuse et il est encore moins correct de parler d’une filiation avec Ordine Nuovo. Les armes ? Le fusil de chasse d’un chasseur ! Pourtant ils avaient parmi eux 3 provocateurs des services spéciaux des Carabinieri (les gendarmes italiens) dont l’activité, durée 2 ans, a coûté bien de l’argent aux contribuables.
Comme si elles étaient dotées d’une extraordinaire clairvoyance, les autorités ont procédé à l’arrestation des exhibitionnistes, présentés comme de dangereux terroristes, au même moment où les anarchistes sabotaient la ligne du TAV (le TGV italien). Combien d’infiltrés de ce côté-là ?
Dans quel contexte ont lieu ces arrestations ? Qui sont les personnes arrêtées ?
Mis à part Rutilio Sermonti, 94 ans en chaise roulante, accusé d’être l’idéologue d’un groupe qui n’existe pas, tout simplement parce qu’il écrit encore et toujours sur la politique, nous avons 3 infiltrés et une douzaine d’inconnus, sans aucune activité politique sauf celle de jouer aux rebelles sur internet.
Dans le même ordre, que penser de la série d’attaques « islamistes » que la France a connue en quelques jours, juste avant Noël ?
Je crois que c’est très diffèrent. Rentrent ici en jeu au moins trois éléments de nature diverse. L’un de politique interne, l’autre internationale et enfin un élément passionnel, idéologique, qui est alimenté par le facteur mimétique : le « charme » d’Isis et l’assassinat de deux policiers américains par un exalté djihadiste.
Un psychiatre français a déclaré que « l’hyper-médiatisation de Dijon a pu influencer une sorte de mimétisme ». Est-ce plausible selon toi ?
D’après moi c’est certain. La question qui se pose concerne justement cette hyper-médiatisation : est-ce un phénomène obligé ou est-elle clairement favorisée dans le but de jeter de l’huile sur le feu ?
[...] La France peut-elle basculer dans une guerre civile de basse intensité entre « minorités motivés » : islamistes d’un côté, islamophobes de l’autre ? Un peu comme ce que l’Italie a connu dans les années soixante-dix entre communistes et néo-fascistes mais ici sur un clivage plus profond, sur un clivage ethno-confessionnel.
Ce n’est pas impossible. Pour l’instant on ne peut pas prédire si l’avenir de la France sera ce scénario, mais on n’en serait pas vraiment étonné. C’est pour cela qu’il faut repousser toute « phobie ». Ce n’est pas l’Islam (et puis quel Islam ?) qui a produit l’immigration massive. Il faut toujours s’en prendre aux causes parce qu’on ne les combat pas les effets sans en avoir coupé les racines.
Pour beaucoup de gens de droite, la guerre civile vaut mieux que la situation d’aphasie actuelle. Une guerre civile pourrait aboutir, d’après eux, à un départ massif des populations étrangères chez elles. Est-ce réaliste selon toi ?
G-A : Généralement ce sont les raisonnements de personnes qui n’ont jamais donné ou reçu une baffe de leur vie. Ou encore ce sont les mirages de ceux qui ne voient pas d’issues politiques : du désordre naîtra l’ordre … Il faudrait être en mesure de voir ce qui s’est passé ailleurs. Les guerres ethniques, qui se dégradent bientôt en guerres tribales, deviennent des éléments chroniques et bien stables de la société mondialisée. Il suffit d’observer les États-Unis. C’est seulement une Europe puissance, donc émancipée des américains, des anglais, des banquiers et des bureaucrates gauchistes, qui peut créer les conditions internationales pour un renversement des flux. Autrement c’est Harlem.