La question du « burkini », avec les arrêtés d’interdictions pris dans certaines communes, et les affrontements de samedi 13 août en Corse, à Sisco, reposent de manière aigüe et la question des modalités d’application de la laïcité, mais aussi celle des relations entre liberté individuelle et règles collectives. Il est important de ne pas chercher à envenimer une situation qui est, localement, explosive, mais il est aussi important de ne pas transiger sur un certains nombres de principes.
Les incidents de Sisco
Rappelons les faits. À l’origine des heurts, selon plusieurs sources concordantes, un accrochage entre trois familles musulmanes, qui ont accusé les vacanciers de prendre en photo leurs femmes, voilées, se baignant en djellaba et en « burkini », et des touristes qui profitaient de leur passage dans la marine de Sisco pour photographier la crique dite de « Scalu Vechju », très fréquentée par les locaux. Les trois familles ont caillassé les touristes. Un adolescent du village de Sisco est accusé d’avoir pris des photos des épouses et d’avoir filmé l’altercation. L’adolescent, secoué et agressé, et ses amis appellent alors leurs parents qui descendent précipitamment du village, et sont rejoints par plusieurs dizaines de personnes. L’un des parents, un ancien légionnaire d’origine tchèque installé à Sisco, est blessé à deux reprises, au niveau des hanches, par des flèches de fusil-harpon. Au cours des heurts, quatre autres personnes sont blessées et évacuées vers le centre hospitalier de Bastia. Le niveau de violence semble disproportionné à une réaction face à des photographies.
Il convient, alors, de dénoncer la présentation faite dans certains médias (FR2 en particulier) qui parlent à propos des affrontements de Sisco « d’affrontements intercommunautaires ». Aucune « communauté » n’a été impliquée ici. Certainement pas les corses, qui ne constituent pas une « communauté » au sens strict du terme et encore moins les « musulmans ». La pratique d’une religion ne fait pas « communauté » aux yeux du Préambule de la Constitution, ni à ceux de la loi. Ce langage tenu par des « journalistes » est non seulement faux, mais de plus il jette de l’huile sur le feu. On rappelle aussi que des pratiques extrémistes, et clairement le port du « burkini » relève de ces pratiques, ne peut servir à qualifier une religion, tout comme les discours créationnistes tenus par des extrémistes protestants ou catholiques ne peuvent qualifier ces religions.
Nous sommes donc en présence d’un incident limité, mais qui aurait pu avoir des conséquences graves (le harpon), et où les responsabilités sont claires.
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Dans l’optique de mettre en perspective politique les événements récents, revoir ici la conférence « Ingénierie sociale du conflit identitaire » de Lucien Cerise :