On ne présente plus l’ineffable Gilles-William Goldnadel, avocat franco-israélien, membre (depuis 2010) du comité directeur du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), et grand défenseur d’Israël devant Yahvé…
Il fait partie de ces caméléons capables de changer de couleur politique au gré des circonstances mais surtout en fonction des intérêts d’une certaine élite juive et du projet sioniste. Proche de la nouvelle droite, il est nommé en 2013 secrétaire national de l’UMP chargé des médias et se rapproche de Robert Ménard (dont il est l’avocat) et de Marine Le Pen (dont il est le conseiller).
L’objectif ? Ramener dans le giron pro-israélien une droite qui se dit l’héritière de la tradition française catholique.
« Le lien historique sacré entre Paris et Jérusalem, la France chrétienne et l’État juif »
Gilles-William Goldnadel et ses amis ont fait de l’histoire de France et de la chrétienté une romance d’amour entre juifs et chrétiens, entre la France et Israël.
Dans une tribune du 3 janvier 2017 dans Valeurs Actuelles, M. Goldnadel écrit « Je relisais hier "La guerre des six jours" du grand Pierre Boutang, publié récemment par les éditions Les Provinciales, dirigées par l’excellent Olivier Veron. Cet ouvrage issu des articles écrits dans le feu de l’été 1967 dans la "Nation Française" rappelle le lien historique sacré entre Paris et Jérusalem, Saint-Louis et David, la France chrétienne et l’État juif » [1]
On a beau chercher dans les profondeurs de l’histoire, on ne trouve aucune trace de ces liens sacrés. Si Saint Louis s’est rendu en Égypte, ce n’était certainement pas pour l’amour des juifs ou du judaïsme, et encore moins pour rebâtir le royaume de David ; il l’a fait dans le prolongement et la fin des croisades concomitantes de la chute du Royaume chrétien de Jérusalem [2]. D’ailleurs, lorsqu’ils conquirent la Ville sainte, les Croisés rassemblèrent les juifs dans leur synagogue et les y brûlèrent vifs [3].
Comment la France chrétienne aurait-elle pu soutenir ou tisser des liens avec l’État juif ?
Au-delà de la déformation historique, il y a là un anachronisme spectaculaire ! En effet, lorsque furent fondés le Foyer national juif (début des années 1920) et l’État d’Israël (1948), le régime en France, était tout sauf chrétien, il était républicain.
Et malgré cela, le Général de Gaulle n’apporta pas son soutien à Israël durant la guerre de 1967, au contraire, il fit une déclaration qui serait aujourd’hui qualifiée d’antisémite :
Et certains mêmes redoutaient que les juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tous temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois qu’ils seraient rassemblés, dans le site de son ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits qu’ils formaient depuis 19 siècles : « l’an prochain à Jérusalem ».
D’ailleurs, lorsque Théodore Herzl demanda au Pape Pie X une lettre de soutien au projet sioniste, ce dernier le reçut mais refusa catégoriquement, au nom des principes catholiques, de lui apporter toute aide ou soutien.
Le Pape fit une réponse officielle et explicite :
Nous ne pourrons pas empêcher les Juifs d’aller à Jérusalem, mais nous ne pourrons jamais les y encourager. Le sol de Jérusalem n’a pas toujours été sacré, mais il a été sanctifié par la vie de Jésus. Les Juifs n’ont pas reconnu Notre Seigneur et nous ne pourrons donc pas reconnaître le peuple juif. Non possumus.
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Israël : État « pacifique au milieu d’arabes hostiles »
M. Goldnadel poursuit, surfant sur ce qu’il fait mine de déplorer, à savoir « l’inculture de notre période » : « Je cite cette phrase de ce compagnon de tranchée du philosophe juif Levinas et du philosophe chrétien Gabriel Marcel : "Israël n’est pas incompatible avec l’existence des peuples arabes, en leur diversité, et qui auraient oublié le principe conquérant de l’islam si quelques démagogues (d’ailleurs inspiré d’un autre islam, celui du germanisme nazi) ne l’avaient réveillé, et réveillé contre les seuls juifs" ». Là encore, M. Goldnadel et l’auteur cité, passent à côté de la réalité historique, puisque les premiers et plus ardents antisionistes palestiniens n’étaient pas musulmans, mais chrétiens, à l’instar du palestinien de confession chrétienne Negib Azoury, qui écrivait en 1905, alors que le projet sioniste s’affichait au grand jour :
Deux phénomènes importants, de même nature et pourtant opposés, qui n’ont encore attiré l’attention de personne, se manifestent en ce moment dans la Turquie d’Asie : ce sont le réveil de la nation arabe et l’effort latent des Juifs de reconstituer sur une très large échelle l’ancienne monarchie d’Israël. Ces deux mouvements sont destinés à se combattre continuellement, jusqu’à ce que l’un d’eux l’emporte sur l’autre. Du résultat final de cette lutte entre ces deux peuples représentant deux principes contraires, dépendra le sort du monde entier. Ce n’est pas la première fois, du reste, que les intérêts de l’Europe dans la Méditerranée sont agités dans les pays arabes ; car ce territoire, qui met en communication trois continents et trois mers, a été, à des époques différentes, la scène où se sont déroulés des évènements politiques ou religieux qui ont renversé le cours des destinées de l’univers.
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De plus, ces Palestiniens, « belliqueux et nazislamistes » acceptent, en 1918, une nouvelle immigration juive, à condition que ce soit dans le cadre d’une égalité des droits avec les autres populations. Mais pour les sionistes, comme le fait remarquer l’historien Henry Laurens, cette égalité est inacceptable, du fait qu’ils désirent au minimum une communauté nationale exclusive et au maximum l’appropriation de toute la Palestine [6]. Et ceci s’est historiquement vérifié.
La même année, les Palestiniens organisés en comités islamo-chrétiens, composés de notables représentants les grandes agglomérations, commencent à mettre sur pied des manifestations contre ce qu’ils perçoivent comme une future expropriation [7]. Au début des années 1920, L’Association islamo-chrétienne était devenue la principale organisation politique palestinienne.
Et pour montrer à quel point M. Goldnadel est loin de la réalité historique, je souligne que, à l’hostilité des chrétiens et des musulmans palestiniens envers les sionistes conquérants, s’ajoute celle des juifs palestiniens. En effet, au début des années 1920, le Foyer juif reçoit comme contingents de peuplement des juifs de Russie financés par de grandes fortunes juives américaines et auxquels la Grande-Bretagne accorde des visas d’immigration pour la Palestine qui est sous mandat britannique [8]. Le 1er mai 1921 éclatent alors, entre les juifs palestiniens et ces juifs ashkénazes, des incidents et des heurts qui vont durer trois jours.
C’est donc bien une inversion accusatoire que d’affirmer, comme le fait M. Goldnadel, que les Palestiniens et autres arabes de la région sont des conquérants. Puisque ce sont bien les sionistes qui vont, par grignotages, actes de terrorisme (commis par l’Irgoun et l’Haganah) et autres procédés, conquérir la Palestine, sans parler du Sinaï égyptien et du Golan syrien.
Dès sa création, le Foyer juif considère que les autochtones non-juifs doivent être exclus de la communauté. Ainsi, Henry Laurens explique que :
Le Yichouv (communauté juive) se fonde en tant que refus absolu de toute collaboration économique et sociale avec la population arabe. L’exclusivisme juif, nécessaire pour la constitution du foyer national, fait que toute interaction avec le secteur arabe est considérée comme une défaillance qu’il faut absolument pallier. L’ambigüité historique du sionisme en tant que formulation nationale et laïcisante d’une communauté jusqu’alors définie en terme religieux constitue le Yichouv en entité hybride : un ensemble civique ayant le droit de s’appeler « peuple » mais dont les critères d’appartenance sont définis par une appartenance religieuse.
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Après s’être solidement implantés, les sionistes vont à partir de 1947 se lancer dans des guerres d’expansion incessantes en Cisjordanie. Le 29 novembre 1947, jour où l’ONU vota le plan de partage de la Palestine, les sionistes et les Palestiniens s’affrontent ; en 1948, le mandat britannique sur la Palestine prend fin, et le 14 mai 1948 l’État d’Israël est créé.
Sous l’influence de la communauté juive américaine, les États-Unis reconnaissent l’État d’Israël et ce, contre l’avis de plusieurs conseillers importants du président Truman. Dans un mémo interne de 1948, le chef du Département d’analyse stratégique George Kennan écrivait :
Soutenir les objectifs radicaux du sionisme politique se fera au détriment des objectifs de sécurité que les États-Unis se sont fixés au Moyen-Orient
[10]
Cette guerre d’expansion que démarre le Foyer national juif en 1947 a provoqué une réponse des pays arabes ; la guerre éclate le 15 mai 1948 (et prend fin le 7 janvier 1949) et oppose Israël à l’Égypte, la Syrie, l’Irak et la Transjordanie. La fable du petit État naissant faisant face à cinq armées chevronnées et bien équipées a été démontée par plusieurs historiens israéliens, dont Benny Morris et Ilan Pappe qui écrivit :
Quelques petits milliers de combattants irréguliers palestiniens et arabes faisaient face à des dizaines de milliers de soldats juifs surentrainés
[11]
Cette politique d’expansion par la force s’est jusqu’à présent poursuivie ; en 1956 la guerre est facilement gagnée contre l’Égypte à qui Israël prend le Sinaï (qu’il a dû rendre depuis aux termes des accords de Camp David). Le Premier ministre Ben Gourion, dans cette logique expansionniste et pour apaiser les alliés européens, proposa à la France et à la Grande-Bretagne de partager la Jordanie entre Israël et l’Irak et l’octroi à Israël d’une partie du Liban et du détroit du Tiran [12].
Attitude conciliante qui n’a pas empêché Israël de mener des actions hostiles contre son propre grand ami américain : en 1954 des agents israéliens tentaient de faire sauter plusieurs cibles américaines en Égypte, dans le but de semer la discorde entre Washington et Le Caire [13]. Durant la guerre de 6 jours en 1967 – engendrée par la stratégie israélienne de surenchère sur le front syrien [14] – Tsahal conquiert la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le Golan syrien et la péninsule du Sinaï appartenant à l’Égypte.
Alors que les États-Unis ne voulaient pas s’en mêler – du fait de la menace de l’Union soviétique alliée de la Syrie et de l’Égypte – Israël tenta de les y faire entrer de vive force en frappant le navire de reconnaissance américain USS liberty qu’il voulut faire passer pour une attaque égyptienne contre les États-Unis [15], comme en 1954. C’est ce qu’on appelle de nos jours « a false flag attack », une attaque sous faux drapeau.
La Syrie, qui voulait récupérer le Golan, et l’Égypte sa partie du Sinaï [16], lancent le 6 octobre 1973 une attaque surprise et coordonnée contre Israël (l’Égypte attaque par le Sinaï et la Syrie par le Golan). Les Égyptiens sont contraints à la reddition et la Syrie poursuit la guerre afin de récupérer le Golan mais sans succès. Un cessez-le-feu est signé le 28 octobre 1973.
Le but final de ces guerres successives et de l’agressivité chronique d’abord du Foyer juif puis d’Israël, est l’établissement du Grand Israël et non pas la défense de « la seule démocratie du Proche-Orient face à 300 millions de nazis arabes ».
Dès 1918, Ben Gourion, dans un livre coécrit en yiddish, inclut dans les frontières du futur État juif les territoires occupés, le sud du Liban jusqu’au fleuve Litani, une partie du sud de la Syrie, une grande partie de la Jordanie et la péninsule du Sinaï [17]. Les sionistes sont restés très discrets sur leurs ambitions territoriales, ceci afin de ne susciter ni la colère des arabes ni celle de Londres. C’est une stratégie de grignotage permanent qui s’oppose à celle des plus radicaux qui comme Jabotinsky, voulait tout ou rien [18].
Lorsque les sionistes acceptèrent le partage prévu par la commission Peel de 1937 et celui de l’ONU en 1947, ce n’était pour eux qu’une manœuvre tactique, un palier menant vers le Grand Israël.
Ainsi, en 1937, Ben Gourion déclara :
Après la formation d’une grande armée suite à la création de l’État, nous abolirons le partage et nous occuperons toute la Palestine.
La même année il dit à son fils :
Érigeons un État juif sur-le-champ, même si ce n’est pas sur tout le territoire. Le reste nous reviendra avec le temps. Il le faut
[19]
Le 13 mai 1947, un an avant la création de l’État d’Israël, Ben Gourion déclara devant l’Agence juive aux États-Unis : « Nous voulons la terre d’Israël dans sa totalité. C’était l’intention de départ ».
Une semaine plus tard, devant l’Assemblée élue à Jérusalem, il affirme :
Y-a-t-il une personne parmi nous qui ne soit pas d’accord avec le fait que l’intention première de la Déclaration Balfour et du mandat sur la Palestine, et l’intention première des espoirs nourris par des générations de Juifs, était de créer un État juif sur la totalité de la Terre d’Israël ?
[20]
Entre la réalité historique du sionisme et d’Israël et les interprétations, il y a un monde… N’en déplaise à M. Goldnadel dont l’objectif est, comme Éric Zemmour, d’établir une alliance « judéo-chrétienne » fondée sur des mythes, pour entraîner l’Occident dans une mort certaine, par la guerre dans le monde musulman et en Europe, au seul bénéfice d’Israël [21].
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