À la suite de ma conférence donnée en novembre dernier à Strasbourg et diffusée récemment sur le web, j’ai reçu plusieurs emails concernant une des choses que j’ai dites dans cette conférence – à savoir :
« Pour qui regarde l’économie mondiale avec recul, avec le regard dépassionné et aussi objectif que possible d’un contrôleur, et qui situe les choses dans leur contexte et dans un cadre large, la première chose qui frappe, et je vais vous étonner, c’est que ça va extraordinairement bien. Nous n’en avons pas conscience, mais en fait, nous sommes incroyablement riches. »
« Je vais simplement vous donner un chiffre. Un des moyens de mesurer la richesse réelle des peuples, c’est de regarder combien de temps les gens doivent travailler pour se procurer des biens de base. […] Une des unités de mesure sans doute les plus fiables, c’est : un œuf. […] On a essayé d’estimer combien de temps il fallait à un travailleur, en moyenne, pour pouvoir s’acheter un œuf à différentes époques. […] Au XIX° siècle, il fallait probablement travailler 20-25 minutes pour se procurer un œuf. Et encore en 1950, si on prend le salaire moyen dans la plupart des pays développés, il fallait 10-12 minutes pour se procurer un œuf. Aujourd’hui, il faut dans les pays développés 30 secondes de travail pour se procurer un œuf. »
« Par rapport à cet étalon, qui n’est évidemment pas parfait mais qui situe les choses, nous sommes aujourd’hui dans nos pays développés à un niveau d’aisance qui aurait fait rêver nos arrière-grands-parents et que les arrière-grands-parents de nos arrière-grands-parents ne pouvaient même pas imaginer. C’est la première chose qu’il faut comprendre : même si nous n’en avons pas conscience, nous sommes extraordinairement riches. »
Voici un exemple, tout à fait représentatif de la tonalité générale des réactions que j’ai reçues :
« Pensez à ceux qui vivent avec 1 000 € par mois voire moins. J’apprécie beaucoup vos conférences en général, je n’aime pas critiquer les conférenciers, vu qu’eux ils se mettent en avant, et vu aussi le travail de préparation effectué pour celles-ci. C’était juste pour préciser que ces dernières années, je vivais avec environ 1 500 € par mois, ça allait, depuis 15 mois, je vis avec 15 € / jours (445 € / mois), j’ai l’impression que vous semblez oublier cette tranche de la population, qui est proche de la survie. »
Visiblement, il y a une incompréhension. Il est nécessaire d’étayer mes propos, pour mieux me faire comprendre.
Précision liminaire
Avant tout, une précision. Qu’il soit bien entendu que :
non seulement je ne me désintéresse pas des gens qui vivent avec moins de 1 000 euros par mois,
non seulement je ne nie pas qu’ils soient objectivement pauvres,
mais en outre mon propos, à Strasbourg, était entre autres choses d’expliquer pourquoi ces gens sont pauvres.
Ceci étant posé, je tiens à démontrer ce que j’ai dit.
Donc, première question : collectivement, dans les pays développés, sommes-nous riches ou sommes-nous pauvres ?