Paris, 26 mars 2014
À Monsieur Jean-Marc AYRAULT, Premier ministre
Monsieur le Premier ministre,
C’est en tant que conseil de Madame KASSEM, de Messieurs IBRAHIM, SALIM, THAALAB, DARWICH et RAADAH que je m’adresse à vous. Vous n’êtes pas sans savoir quels drames se déroulent, à l’heure encore où j’écris ces lignes, en Syrie. Vous savez aussi que Monsieur Laurent FABIUS a, à demi-mot, en août 2012, appelé au soulèvement contre un chef d’État étranger, qu’il a loué, en décembre 2012, les actes d’une organisation terroriste tristement célèbre, qu’il a, en mars 2013, promis des armes à ceux qui sèment la mort, enfin qu’en août 2013 il a ouvertement tenté, à grand renfort de déclarations médiatiques, d’entraîner la France dans une intervention militaire.
Ces actes ont engagé le gouvernement français, dont à ce jour vous êtes toujours le chef, non pas certes pénalement (la responsabilité collective pour le fait d’un seul, pas plus d’ailleurs que votre responsabilité pour le fait d’autrui, ne sauraient, si l’on respecte les principes, être mise en œuvre), ni même politiquement (quoique devant l’Histoire, ce ministre ait jeté une tache indélébile sur l’image de la France dans le monde ; mais il faut parfois distinguer l’homme, faillible et corruptible, de sa fonction), mais civilement. L’État, en effet, est responsable des actes dommageables commis par ses agents à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
Laurent FABIUS, votre ministre des Affaires étrangères, Monsieur le Premier ministre, a commis des fautes très graves, dans l’exercice de sa fonction de ministre, et il a causé d’irréparables dommages. Mes clients ont souffert dans leur chair des conséquences de ses actes.
Vous ne ressusciterez pas leurs morts, vous ne sècherez pas leurs larmes, vous ne rachèterez pas le sang qui a coulé. Si les victimes s’adressent solennellement à vous, c’est pour vous implorer de reconnaître symboliquement la responsabilité de la France pour les fautes commises par votre ministre des Affaires étrangères à l’occasion de l’exercice de sa fonction. Elles chiffrent leur dommage à un euro. Aussi, sur votre refus, ou votre silence deux mois durant, je vous informe avoir reçu mandat de saisir la Justice administrative de notre pays.
Si vous avez déjà un conseil, ou si vous faites appel à un avocat, vous voudrez bien m’indiquer ses coordonnées, et lui communiquer la présente.
Messieurs HOLLANDE et BEL, respectivement Président de la République et Président du Sénat, me lisent en copie.
Veuillez croire, Monsieur le Premier ministre, à mon profond respect,
Damien VIGUIER
Avocat à la Cour
Voir aussi, sur E&R : Entretrien avec Damien Viguier sur la plainte contre Laurent Fabius pour complicité de crimes en Syrie