Selon la plus ancienne chronique russe, la Chronique des temps passés, Vladimir Ier, grand prince de la Rus’ de Kiev, reçut le baptême en 988 après avoir envisagé l’option de l’islam et celle du judaïsme. Plus encore que la circoncision, ce qui le détourna de l’islam, dit la chronique, fut l’interdit de l’alcool :
« En Rus’, nous avons la joie de boire, sans cela nous ne pourrions être. »
C’est dire que l’alcool fait partie de la culture russe – certains diront même de l’âme russe – au même titre que la religion orthodoxe, avec laquelle elle fait parfois mauvais ménage, comme l’illustre par exemple un tableau de Vasily Perov. [1]
Il n’en reste pas moins vrai que le penchant des paysans de l’Empire russe à l’alcoolisme fut grandement encouragé par un monopole accordé aux juifs pour la fabrication et la vente de la vodka au XVIIIe siècle. Cela a été dénoncé par Soljenitsyne dans le premier tome de son livre Deux siècles ensembles (2002-2003). [2]
Le problème, selon Soljenitsyne, remonte au XVIe siècle, lorsque « commence l’intense colonisation de l’Ukraine par la noblesse polonaise, avec le concours des Juifs. » Au XVIIIe siècle dans les campagnes, « la production d’eau-de-vie était devenue pratiquement l’occupation principale des Juifs. » Soljenitsyne base cette affirmation sur des documents d’époque. « La présence des Juifs dans les campagnes a des conséquences nocives pour l’état matériel et moral de la population paysanne, car les Juifs... favorisent l’ivrognerie de la population locale », explique un rapport de l’administration biélorusse. Le poète et homme d’État russe Gavrila Derjavine écrivit, dans un rapport d’enquête destiné à l’empereur et aux hauts dignitaires de l’empire :
« Dans chaque village, il y a une et parfois plusieurs tavernes construites par les propriétaires, dans lesquelles, pour le profit des affermataires juifs, on vend de la vodka de nuit comme de jour... De cette façon, les Juifs arrivent à leur soutirer non seulement leur pain quotidien, mais aussi celui qui est semé en terre, ainsi que leurs outils agricoles, leurs biens, leur temps, leur santé, leur vie même ».
Et l’on pourrait ajouter : « … suivant en cela l’exemple biblique de Joseph ». Soljenitsyne fut violemment critiqué en Occident pour avoir exprimé tout haut cet ancien grief des Russes contre les juifs, et son livre fut boycotté par les éditeurs judéo-anglo-américains (rendons hommage aux éditions Fayard pour leur résistance).
Il est donc réconfortant de savoir qu’une universitaire israélienne donne aujourd’hui raison à Soljenitsyne, en ciblant particulièrement les juifs ukrainiens. La thèse de Judith Kalik, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, a même été relayée par le journal israélien Haaretz sous le titre « Le lien entre l’histoire de la vodka et l’antisémitisme. Les recherches historiques révèlent un sombre chapitre des relations entre juifs et chrétiens en Europe de l’Est » [3] (Haaretz aborde des sujets liés à la question juive ou à Israël avec une liberté qu’on ne trouve jamais en Occident).
Dans cette courte vidéo traduite par ERTV, le professeur Kalik résume les conclusions de ses recherches :