Charles Baudelaire usait, sous forme de confitures, de haschisch, cela est connu.
Mais ce qui l’est moins ce sont les conclusions morales, philosophiques et politiques, qu’il a tirées de cette pratique.
Pour commencer, le poète va faire litière de l’idée reçue selon laquelle la défonce serait source d’inspiration, de créativité.
« Le haschisch ne révèle à l’individu rien que l’individu lui-même. »
« Si encore, au prix de sa dignité, de son honnêteté et de son libre arbitre, l’homme pouvait tirer du haschisch de grands bénéfices spirituels, en faire une espèce de machine à penser, un instrument fécond ? C’est une question que j’ai souvent entendu poser, et j’y réponds.
D’abord, comme je l’ai longuement expliqué, le haschisch ne révèle à l’individu rien que l’individu lui-même.Que les gens du monde et les ignorants, curieux de connaître des jouissances exceptionnelles, sachent donc bien qu’ils ne trouveront dans le haschisch rien de miraculeux, absolument rien que le naturel excessif. Le cerveau et l’organisme sur lesquels opère le haschisch ne donneront que leurs phénomènes ordinaires, individuels, augmentés, il est vrai, quant au nombre et à l’énergie, mais toujours fidèles à leur origine.
L’homme n’échappera pas à la fatalité de son tempérament physique et moral : le haschisch sera, pour les impressions et les pensées familières de l’homme un miroir grossissant, mais un pur miroir.L’ivresse, dans toute sa durée, ne sera, il est vrai, qu’un immense rêve, grâce à l’intensité des couleurs et à la rapidité des conceptions ; mais elle gardera toujours la tonalité particulière de l’individu. L’homme a voulu rêver, le rêve gouvernera l’homme ; mais ce rêve sera bien le fils de son père. »
« La volonté surtout est attaquée, de toutes les facultés la plus précieuse. »
« Deux caractéristiques de l’opium sont parfaitement applicables au haschisch ; dans l’un comme dans l’autre cas, l’intelligence, libre naguère, devient esclave ; mais le mot rapsodique, qui définit si bien un train de pensées suggéré et commandé par le monde extérieur et le hasard des circonstances, est d’une vérité plus vraie et plus terrible dans le cas du haschisch. Ici, le raisonnement n’est plus qu’une épave à la merci de tous les courants, et le train de pensées est infiniment plus accéléré et plus rapsodique. C’est dire, je crois, d’une manière suffisamment claire, que le haschisch est, dans son effet présent, beaucoup plus véhément que l’opium, beaucoup plus ennemi de la vie régulière, en un mot, beaucoup plus troublant.
J’ignore si dix années d’intoxication par le haschisch amèneront des désastres égaux à ceux causés par dix années de régime d’opium ; je dis que, pour l’heure présente et pour le lendemain, le haschisch a des résultats plus funestes ; l’un est un séducteur paisible, l’autre un démon désordonné. »
Du vin et du haschisch
Les ignobles haïssent les vignobles.
En 2009, Madame Mariann Fischer-Boel, Commissaire européenne chargée de l’agriculture faisait jaillir de sa vieille bouche peinturlurée cette incroyable injonction : « Il faut en finir avec la culture millénaire de la vigne en Europe » !
Résultat : arrachage de plus de 200 000 hectares de vigne en Europe. Suppression des barrières douanières et des subventions agricoles.
Dans mon petit ouvrage, (petit par la taille, grand par le sujet) Ex-France je prenais l’exemple de l’Hérault, en Languedoc-Roussillon, où 18 ans de Maastricht ont détruit plus de 50 000 exploitations viticoles ! Dans ce qui fut le plus grand vignoble au monde, des dizaines de milliers de vignerons ont été chassés de leur terre, la rage au cœur !
Dans le même temps où il se fait le contempteur du Vin, le politicard se fait l’apologiste du Haschisch. Le hasch c’est fun, c’est antifa, c’est extatique, c’est sémitique. Le vin c’est populo, populiste, chrétien, sous-chien.
Ici encore le politicard sera le contraire du poète :
« Mais il faut voir les résultats. Voici une liqueur qui active la digestion, fortifie les muscles, et enrichit le sang. Prise en grande quantité même, elle ne cause que des désordres assez courts. Voilà une substance qui interrompt les fonctions digestives, qui affaiblit les membres et qui peut causer une ivresse de vingt-quatre heures.
Le vin exalte la volonté ; le haschisch l’annihile. Le vin est support physique ; le haschisch est une arme pour le suicide. Le vin rend bon et sociable ; le haschisch est isolant. L’un est laborieux pour ainsi dire, l’autre essentiellement paresseux. À quoi bon, en effet, travailler, labourer, écrire, fabriquer quoi que ce soit, quand on peut emporter le paradis d’un seul coup ? Enfin le vin est pour le peuple qui travaille et qui mérite d’en boire. Le haschisch appartient à la classe des joies solitaires ; il est fait pour les misérables oisifs. Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. Le haschisch est inutile et dangereux. »
Conclusion
« Jamais un État raisonnable ne pourrait subsister avec l’usage du haschisch. Cela ne fait ni des guerriers ni des citoyens. En effet, il est défendu à l’homme, sous peine de déchéance et de mort intellectuelle, de déranger les conditions primordiales de son existence et de rompre l’équilibre de ses facultés avec les milieux.
S’il existait un gouvernement qui eût intérêt à corrompre ses gouvernés, il n’aurait qu’à encourager l’usage du haschisch. »
Un tel gouvernement serait lui-même corrompu, donc illégal.
Les Paradis artificiels
Prochainement chez Kontre Kulture, le nouveau livre de Félix Niesche :