Le crapaud déguisé en grenouille
Vivait un vil crapaud, tout couvert de défauts.
Lourd et pustuleux, il rêvait, misérable,
D’être un jour adoré comme un être admirable.
Danser sur l’onde pure en un joyeux giron.
Leur grâce souveraine éveilla son envie :
« Si j’étais l’une d’elles, on louerait ma vie ! »
Il lissa sa peau flasque en un baume d’azur,
Prit un ton plus chantant, affina son maintien,
Et feignit d’être agile, élégant et hautain.
Lui trouvèrent des charmes, ô combien supposés !
« Quel galbe ! » s’exclama la carpe aux yeux ronds.
« Qu’elle est belle ! » soupira le hibou sur son tronc.
Les oiseaux dans les joncs admirèrent ses franges.
Même un jeune têtard de quatorze printemps,
Se pâma devant elle, et devint son amant.
Le peuple des étangs s’enflamma d’admiration.
« Qu’il règne ! » hurla-t-on. Et dans l’onde servile,
On fit roi ce têtard au cœur trop juvénile.
Dont l’esprit méthodique était fort acéré.
Elle réunit les faits et les documents,
Fit appel à l’Asie, fouilla tous les serments.
Dénonça la laideur sous la fausse parure.
Mais nul ne l’écouta, tant l’illusion plaisait,
Et le têtard, ravi, souriait en paix.
Fut prisé d’un regard plein de moquerie.
Là, l’on riait tout bas de l’insigne tromperie
Qui faisait d’un têtard un prince… et d’un crapaud, une lady.
Et la foule acclame ce qui la rassure.
Gloire et prestige aveuglent les crédules,
Et d’un air prétentieux font des chefs ridicules.
Souffle sur les mensonges et les réduits en cendres.
Il balaye le masque, fait trembler l’illusion,
Comme un vent de vérité, soufflant sur la nation.
Les événements et personnages de cette fable sont purement fictifs. Toute ressemblance avec des faits réels ou des personnes existantes ou ayant existé en France serait purement fortuite