Les individus dotés d’une mémoire encore vivace se rappelleront assurément des innombrables platitudes antirusses débitées sur les plateaux de télévision, ces autels de la sottise où défilaient des prétendus experts militaires métamorphosés en oracles de la propagande ukrainienne :
Les Russes utilisent des casques de 1960, parce qu’ils n’arrivent pas à en produire de nouveaux.
Ils utilisent des puces de machines à laver pour leurs missiles.
Leurs chars sont des versions modernisés d’un modèle de 1937,
La qualité des armes russes est un mythe.
Cependant, ces génies de l’opinion préfabriquée échouaient lamentablement à expliquer pour quelles raisons obscures, compte tenu de l’intrinsèque faiblesse et du niveau élevé d’arriération attribué aux Russes, nous devrions éprouver de la crainte à leur égard.
Dans le monde réel, la réalité se dessine de manière bien différente.
À l’heure actuelle, les Russes se tiennent seuls au sommet de la maîtrise technologique hypersonique, arborant des missiles dépassant la vitesse vertigineuse de Mach 10 (3 400 m/sec). Une prouesse qui les place hors de portée des tentatives d’interception, même pour les batteries de défense occidentales les plus sophistiquées. On se remémore avec une pointe d’ironie qu’il a fallu un mois aux redoutables missiles Kinjal russes pour réduire à néant les prétentions des systèmes américains Patriot dernier cri [1].
L’excellence stratégique russe ne se limite pas à la seule maîtrise des technologies hypersoniques, mais s’étend également à l’utilisation ingénieuse des drones. Des modestes engins d’observation et de reconnaissance aux imposants appareils polyvalents capables de remplir une variété de missions, en passant par les drones kamikazes, ces engins volants dépourvus de pilote ont rapidement démontré leur redoutable efficacité dès les premiers jours du conflit.
À ce titre, le drone russe de reconnaissance et de combat S-70 Okhotnik (« Chasseur ») a récemment conclu ses phases d’essais avec une efficacité remarquable. Ce mastodonte polyvalent, pesant 20 tonnes et arborant une envergure imposante de 19 mètres, est destiné à être jumelé aux redoutables Soukhoï 57, dédié aux missions de couverture et d’attaque en profondeur dans le théâtre d’opérations [2]. Il ne fait aucun doute que sa production débutera à un rythme effréné pour une intégration rapide sur le front brûlant du conflit russo-ukrainien.
Par ailleurs, depuis cet été, les troupes russes disposent de véhicules de déminage à distance Listva. Ils peuvent détecter et faire exploser des mines terrestres radiocommandées grâce au rayonnement micro-ondes [3].
Alors qu’il s’adressait au Forum économique oriental en septembre dernier, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie travaillait sur des armes basées sur de nouveaux principes physiques : « Même si nous regardons le domaine de la sécurité, les armes basées sur de nouveaux principes physiques garantiront la sécurité de n’importe quel pays dans un avenir historique proche », a déclaré le président russe [4].
Dans le sillage de ces déclarations, le mystère entourant les armes auxquelles il faisait allusion suscite un intérêt croissant. Le projet énigmatique Alabuga, régulièrement évoqué par la presse nationale et internationale, demeure enveloppé d’un voile de secret, alimentant ainsi les spéculations et les conjectures.
L’information sur l’évolution de ce projet demeure parcimonieuse, engendrant une prolifération de versions divergentes et attirant l’attention des médias aux réputations plus que douteuses. Certaines sources décrivent cette arme novatrice comme étant capable de neutraliser les ogives des missiles, de brouiller les systèmes de communication des avions, d’entraver le chargement automatique des chars, voire d’éliminer les soldats ennemis dissimulés jusqu’à une profondeur de 100 mètres sous terre [5]. Le tabloïd britannique Daily Star va même jusqu’à qualifier ce produit de plus puissant qu’une bombe nucléaire [6].
Cependant, derrière ces allégations sensationnelles se profile la réalité plus pragmatique d’un programme de recherche axé sur le développement d’armes électromagnétiques (EMP) prometteuses. Des entités telles que Rostec et Radioelectronic Technologies sont impliquées dans cette entreprise. L’existence même du projet Alabuga n’a été révélée qu’en 2014, au moment où des prototypes complets étaient déjà développés et soumis à des tests sur le terrain. Les médias nationaux, citant des représentants de Rostec, ont fait état de premiers essais concluants, démontrant l’efficacité des munitions EMP à neutraliser les systèmes de communication, les équipements optiques-électroniques ainsi que certaines armes [7].
En 2017, une information cruciale a émergé, révélant que le programme Alabuga, tout en demeurant un projet de recherche, ne prévoyait pas la création d’une arme opérationnelle dans son cadre initial. Cependant, après l’achèvement des travaux de recherche, le projet a été classifié comme revêtant une importance cruciale marquée sous le sceau du secret, ajoutant ainsi une nouvelle couche de mystère et nourrissant les fantasmes les plus divers.
À l’heure actuelle, il est impossible de prédire l’application concrète des développements théoriques existants dans des projets de développement prometteurs. L’avenir pourrait voir émerger des bombes spéciales, des missiles ou des obus équipés de générateurs magnétiques explosifs, représentant ainsi une nouvelle ère dans le paysage des armes électromagnétiques [8].
À ce stade, il devient épineux de scruter les avancées de ce projet. La compréhension des pensées qui traversaient l’esprit de Vladimir Poutine lorsqu’il fit allusion aux « armes basées sur de nouveaux principes physiques » demeure encore plus délicate. Est-ce que le président russe, ancien espion du KGB, tente de mystifier, ou détient-il véritablement des atouts insoupçonnés sous les plis de sa tcherkeska ?
L’avenir, tout comme le mystérieux programme Alabuga, nous dévoilera la vérité. Surprendra-t-il le globe, à l’instar des missiles hypersoniques, ces prouesses technologiques inégalées des ingénieurs russes ? Ou bien, à l’image de l’Ekranoplan, cet engin furtif soviétique, mi-avion mi-navire surnommé « le monstre de la Caspienne », connaîtra-t-il le même sort funeste ?
Une fois de plus, seul l’avenir détient les réponses.
Cette brève incursion dans les arcanes des technologies militaires russes nous pousse à répudier avec vigueur les affirmations péremptoires des propagandistes de plateau. Ces derniers, dans leur penchant à projeter leurs propres lacunes intellectuelles sur les adversaires du moment, ignorent la fulgurante avancée technologique du domaine militaire russe.
Il convient également de rappeler qu’à ce stade, l’Ukraine, une nation environ quinze fois moins peuplée que les États-Unis, a vu périr en moins de deux années de conflit environ cinq fois plus de soldats que les États-Unis en seize années de combat au Vietnam. Et cela, malgré – ou peut-être à cause de – l’armement et la formation « made in OTAN ». On ose à peine imaginer les contours de ce conflit si la Russie n’était pas perçue comme « arriérée » par certains.