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Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

Le 28 avril, à douze heures trente-trois précises, un voile noir s’est abattu sur la péninsule ibérique, gagnant jusque dans les provinces méridionales de la France. Une coupure d’électricité d’une ampleur inhabituelle a suspendu l’activité humaine, comme si un doigt divin avait soudainement pressé l’interrupteur du monde moderne. À Madrid, à Barcelone, la foule est descendue dans la rue, brandissant des téléphones privés de leur lumière — antennes dérisoires tendues vers un ciel muet.

 

Les carrefours, orphelins de leurs feux tricolores, sont devenus des théâtres d’improvisation lente, où les automobiles rampent, incertaines, dans un ballet sans chef d’orchestre. Les entrailles du pays, son réseau ferré, sont figées ; les métros comme les trains demeurent immobiles, témoins silencieux d’une dépendance trop bien huilée. Même les aéroports, ces temples de la vitesse et de la régularité, ont connu leur lot d’incidents. Et les centrales nucléaires, géantes calmes aux gestes mesurés, se sont arrêtées dans un automatisme prudent, selon les rites établis pour conjurer le pire.

Mais avant d’interroger les raisons de ce cataclysme technique, il convient de s’arrêter un instant, et de scruter le cœur invisible de la bête : ce qu’est, dans son architecture intime, un réseau électrique national. Là se cachent les clés, non d’un simple accident, mais d’un événement qui, par-delà ses conséquences, révèle la nature de notre fragilité.

Fonctionnement d’un réseau électrique national

Il convient d’abord de comprendre, avec un peu de sérieux et de méthode, le fonctionnement de ce que l’on appelle le réseau électrique – ce système invisible mais vital comme le sang qui circule dans nos artères. Prenons une image simple : celle d’un verre. Un verre dans lequel, à chaque instant, entre et sort un liquide. Ce liquide, c’est l’électricité. Ce qui en sort, c’est la consommation ; ce qui y entre, c’est la production. Et le niveau du verre représente l’équilibre fragile du système tout entier.

Il y a des heures où la demande augmente – des pics soudains de consommation d’énergie. Alors, pour éviter que le niveau du verre ne chute, il faut injecter plus d’électricité, produire davantage. À l’inverse, lorsque la consommation faiblit, il faut savoir restreindre la production, car trop remplir ce verre, c’est risquer le débordement – c’est provoquer la noyade du système.

Ci-dessous, nous avons une reproduction graphique de ce processus de régulation. La ligne jaune correspond à la consommation réelle, l’eau qui entre, l’eau qui sort – c’est le flot électrique, ce sang invisible du monde moderne. Mais ce flot ne se régule pas de lui-même. Il obéit à des prévisions, à des projections, à cette ligne verte, anticipation de ce que l’on consommera, de ce que l’on produira. Et la ligne rouge ? Ce n’est rien moins que le plan, la programmation technique. Ils sont les gestes du système électrique espagnol qui, tel un grand organisme nerveux, active ou désactive ses organes – turbines, centrales, éoliennes – pour répondre à la demande prévue. À 20 h 05, on prévoit 27 000 MW. À 20 h 30, il faut en fournir 31 000. Alors on allume. On pousse les machines. On fait monter la pression.

Un black-out comme celui qui frappa l’Espagne le 28 avril ne peut s’expliquer que de deux manières. D’un côté, une production trop importante d’électricité provoque une « surchauffe » et saute, à l’instar d’un fusible électrique. Le verre d’eau déborde. D’un autre côté, une consommation trop importante peut épuiser les capacités du réseau. Le verre d’eau est à sec.

Le gouvernement espagnol semble pencher pour cette seconde explication. En effet, Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, s’est exprimé dans la nuit de lundi, révélant qu’à peine quelques instants après 12 h 30, une rupture brutale et inexplicable s’est produite dans le système énergétique national : quinze gigawatts, soit près de soixante pour cent de l’électricité consommée à cet instant précis, se sont volatilisés en cinq secondes, comme happés dans un néant silencieux. « Jamais pareille chose ne s’était produite », a-t-il déclaré.

Cette perte foudroyante de la capacité de production est à l’origine du désastre sans précédent qui a précipité l’ensemble de la péninsule dans une obscurité absolue. Quant aux causes profondes de ce naufrage technique, elles demeurent, pour l’heure, entourées d’un épais mystère. Selon les propos mêmes de M. Sánchez, ni les ingénieurs ni les experts les plus chevronnés n’ont encore su désigner l’élément déclencheur de cette étrange disparition de mégawatts – un phénomène qui échappe, pour l’instant, à toute logique rationnelle. Il a également appelé les citoyens à éviter les spéculations et à suivre uniquement les sources officielles [1].

Voilà donc le gouvernement qui, d’un ton docte, annonce : « Nous avons perdu quinze gigawatts. » Perdu, dit-il, comme on perd ses clefs ou un ticket de métro. Quinze gigawatts, évaporés comme par magie – l’Espagne, pateline et distraite, se serait promenée avec cette charge colossale dans la poche, l’aurait semée quelque part entre Madrid et Séville, sans que personne n’en fût alerté jusqu’au moment fatidique où le noir s’abattit sur la nation, tel un suaire sur un cadavre.

Et l’on s’imagine, dans un éclat d’absurde, quelque ministre effaré, fouillant ses poches vides avec l’air éploré d’un domestique pris en faute : « Je vous jure, ils étaient là il y a un instant… » Mais enfin, où donc les avez-vous donc fourrés, ces gigawatts ? Sont-ils tombés dans un trou noir administratif, un gouffre budgétaire, ou bien ont-ils été balayés par ce vent d’incompétence qui souffle de plus en plus fort sur les institutions ? Et surtout – question bien plus grave – quel phénomène, quelle main invisible, quel événement abyssal a pu provoquer cette soudaine et mystérieuse évaporation de puissance ?

Mais voilà : pour le citoyen paisible, ce citoyen à qui l’on a appris à ne jamais comprendre et à toujours croire, tout cela a l’air très logique. Quinze gigawatts, et tout s’éteint. Cela va de soi, n’est-ce pas ? Comme si l’électricité était un fût de vin percé qui se vide dans la cave sans que nul ne s’en rende compte. Or, ce que l’on tait, ce que l’on n’ose plus dire de peur de troubler l’ignorance satisfaite, c’est que le réseau électrique, ce réseau tissé avec rigueur et prévoyance, n’est pas un jouet mécanique qu’un souffle suffit à faire tomber. Ce n’est pas un décor de carton que le vent de la négligence renverse au premier faux pas. Il y a là-dedans des relais, des sauvegardes, des cloisonnements pensés pour précisément empêcher l’effondrement que l’on nous présente aujourd’hui comme un fait accompli.

Car l’électricité ce ne sont point des gigots que l’on trimbale dans des sacs, ce sont des électrons qui dansent frénétiquement dans des câbles tendus d’un bout à l’autre du pays. Le tout est conçu pour tenir bon, pour isoler la faille, pour contenir l’accident – et non pour s’évanouir d’un bloc comme une armée de fantômes à la première alerte. Ce réseau, cette toile tendue sur tout le territoire, est une forteresse. Il peut plier localement, il peut fléchir ici où là, mais tomber, s’effondrer intégralement ? Non. Cela est contraire à son essence.

D’ailleurs, Pedro Sánchez lui-même – cet homme que l’on ne saurait accuser d’excès de lucidité – l’avait dit avec ce ton inspiré que prennent les chefs lorsqu’ils croient dire vrai : « Le zéro électrique est une impossibilité technique. » Et pourtant, voici qu’on nous le sert froid, comme une soupe réchauffée dans un réfectoire de caserne. L’impossible est devenu banal. Voilà le progrès.

Fort heureusement, l’Espagne n’a pas manqué d’hommes encore capables de lire, de douter, et d’interroger le réel – c’est-à-dire, en ces temps de foi médiatique, de véritables hérétiques. À l’image de ces architectes et ingénieurs américains qui, jadis, osèrent mettre en pièces la fable du 11 Septembre au nom des lois élémentaires de la physique, voici que des électriciens, moins versés en rhétorique mais non moins affûtés dans leur domaine, ont émergé des marges. Et, presque aussitôt, un graphique surgit, comme un éclair dans la nuit, troublant l’ordre établi du récit officiel.

Ce que l’on vous présente ici, ce n’est pas un simple graphique. C’est une radiographie, une autopsie presque. Celle de ce qui s’est joué lundi dans les entrailles du réseau électrique espagnol, et que personne, bien sûr, ne vous expliquera ainsi. Les esprits libres de la péninsule, ceux qu’on appelle avec dédain « complotistes », murmurent deux noms, évoquent deux puissances étatiques – deux mains gantées peut-être agissant d’un même mouvement – qui auraient tiré les leviers dans l’ombre.

 

a) La piste marocaine

Intéressons-nous tout d’abord aux deux perturbations qui précèdent la chute du réseau électrique espagnol. Soudain, la ligne de tension s’anime, prise de spasmes brutaux : elle grimpe, chute, puis remonte encore dans un mouvement incohérent, convulsif. Ces sursauts, ces pointes anormales ne sauraient être le fruit du hasard. Leur origine, nécessairement, s’inscrit dans l’une des quatre causes identifiables par toute intelligence méthodique.

La première est d’ordre naturel : de rares phénomènes atmosphériques ou de brutales variations de température pourraient, en théorie, produire ces altérations – un réchauffement fulgurant, une contraction ou dilatation des câbles, des perturbations imprévisibles venues du ciel. Mais hier, l’AEMET (l’agence météorologique nationale) fut formelle : nulle anomalie n’a été constatée, ni sur le front thermique, ni dans l’ordre des cieux. Le ciel fut calme, docile. Nous pouvons donc, sans réserve, exclure ce premier facteur.

La deuxième hypothèse renvoie à la panne, à la rupture, voire au sabotage. Or, cette piste est peu plausible. La nature même du réseau espagnol l’exclut. Ce réseau n’est pas une simple ligne qu’on sectionne d’un coup de cisaille ; c’est une toile, un maillage dense, pensé pour la résilience. Qu’un point cède, et le reste s’adapte, détourne, contourne. Une ligne tombe, mais l’énergie continue de circuler. Une panne ne saurait donc engendrer une perturbation généralisée.

Reste la main de l’homme. Une erreur, peut-être ? Un geste maladroit, une opération hasardeuse ou inopportune ? Ce scénario est jugé improbable. Trop de garde-fous, trop de contrôles, trop de protocoles. Que l’on débranche ou enclenche un composant d’importance par inadvertance semble relever de l’exception, non de la norme. Ce n’est pas impossible, certes, mais peu crédible.

Enfin, la dernière hypothèse, la plus contemporaine, la plus inquiétante aussi : celle du coup invisible, du coup digital : la cyberattaque. Chaque jour, le réseau espagnol affronte plus d’un millier de ces offensives muettes. Elles visent des cibles précises : entreprises, infrastructures, parfois même des usines. Elles sont localisées, souvent contenues avant de faire mal. Mais si un jour l’une d’elles devait se glisser entre les mailles, ruser les défenses, et atteindre le cœur même du système… alors oui, nous pourrions assister à ce genre d’anomalie.

Il advint que plusieurs centrales électriques espagnoles signalèrent un phénomène pour le moins singulier : une surtension persistante. Là où les lignes devaient sagement ronronner à 220 GW, elles se prenaient de soubresauts, oscillant audacieusement entre 220 et 240 GW. Caprice de l’atmosphère ? Pulsion du soleil andalou ? Certains ingénieurs évoquèrent la possibilité d’un élément extérieur perturbateur, d’un déséquilibre, sinon surnaturel, du moins assez intelligent pour faire jaillir des pics de tension des entrailles mêmes des plaques photovoltaïques, ces autels modernes dressés au dieu Climat.

Il suffirait de quelques manipulations habiles, de modestes sabotages bien placés sur ces vastes champs solaires, pour qu’une réaction en chaîne se déclenche : surchauffe, décharge involontaire, emballement du système. Et soudain, le réseau national devient la proie de sursauts nerveux, comme un cheval effrayé par un bruit qu’il est seul à entendre.

Mais ce n’était là qu’un prélude. Car voilà que surgit le Centre cryptologique national, branche du Centre national d’information – notre équivalent ibérique des grandes chapelles du renseignement. Ces messieurs, qui voient des menaces là où nous ne voyons que lignes électriques, annoncent qu’une activité « inhabituellement intense » émanant du nord de l’Afrique avait été détectée peu avant le grand blackout qui plongea l’Espagne et le Portugal dans le noir [2]. Une coïncidence ? Voyons.

Mais à peine eu-t-on le temps d’envisager un cyber-assaut transcontinental, que – par une de ces pirouettes bureaucratiques dont les services secrets ont le secret – les mêmes sources déclarèrent, quelques heures plus tard, qu’en réalité, « cela ne venait pas du Maroc » [3]. Ah bon ? Et d’où alors ? Du désert ? D’un mirage ? Ou peut-être... de nulle part.

Alors que croire ? La première version ou la seconde ? Ou aucune des deux ? Faut-il en conclure que le CNI parle en deux langues, selon le vent qui souffle sur les bureaux de Madrid ? Ou que quelque main invisible – plus politique qu’électrique – aurait gentiment suggéré à nos agents de réviser leurs conclusions ? Et si le renseignement n’était plus qu’un instrument au service d’une narration changeante, une fable fluide qu’on adapte selon les nécessités diplomatiques ou économiques ? On nous demande de ne pas poser trop de questions. Alors, naturellement, nous en poserons deux fois plus.

 

b) La piste française

Si l’on revient au graphique que nous avons examiné plus tôt – ce funeste sismogramme d’un désastre électrique –, une évidence crève les yeux : avant que le réseau espagnol ne rende l’âme, il y eut une ultime flambée, un jaillissement d’énergie. Voilà qui ruine sans appel la version aseptisée du gouvernement de Madrid, selon laquelle une brutale perte de quinze gigawatts aurait précipité l’effondrement. Non : ce ne fut point la pénurie, mais bien l’excès qui accéléra la ruine.

Mais d’où provenait cette orgie de kilowatts ? L’Espagne moderne, bardée de ses oripeaux écologiques, se fie à un aréopage hétéroclite de générateurs : le solaire, l’éolien, l’hydroélectrique, le cycle combiné – ce dernier carburant aux hydrocarbures ou à l’atome, résidus d’un monde que l’on feint de renier. Au cœur de cette mosaïque, les énergies dites « renouvelables » forment un corps capricieux, lunatique, tributaire des vents et des astres. Le blackout n’est pas survenu par hasard à midi – moment où les panneaux solaires, en pleine extase photonique, vomissaient leur offrande. Le système, incapable d’absorber ce flux impétueux, céda. Comme un vase que l’on emplit sans cesse, il déborda, et le pays sombra dans une nuit artificielle.

Faut-il en accuser le ciel ibérique ? Non, car des dispositifs existent pour éviter pareille issue. Le gestionnaire de réseau a le pouvoir, comme un chef d’orchestre, d’éteindre les sources inutiles, de doser le flux, de vendre même les surplus à ses voisins. Et là réside un détail capital, que les experts feignent d’oublier : l’Espagne est une forteresse énergétique. Depuis que l’Union Européenne s’est elle-même coupée du gaz russe, l’Espagne est devenue une île de production au milieu d’un continent famélique. Forte de ses installations renouvelables, elle produit sa propre énergie, et souvent même plus qu’il ne lui en faut. Alors, docile aux dogmes du libre-échange technocratique imposé par les cénacles bruxellois, elle exporte. Vers le Portugal, vers le Maroc, mais surtout vers la France. Cette France, orgueilleuse de ses réacteurs, se fait alors passeuse d’électricité, courtier d’un trop-plein qui traverse les frontières et va gonfler les veines énergétiques de l’Allemagne industrielle.

Mais que se passe-t-il si la France refuse soudainement de recevoir le surplus d’énergie espagnole ? Que se passe-t-il si le robinet reste ouvert, mais que le tuyau d’en face est brutalement bouché ? Il se passe ce que tout bon physicien redoute : un reflux, une surcharge, un débordement. Hier, à 12 h 33, le système espagnol a connu un choc brutal : un pic de tension, trois fois supérieur à ce que le réseau pouvait tolérer. Non pas parce qu’il manquait d’électricité – comme le prétendit cyniquement M. Sánchez – mais parce qu’il y en avait trop. Parce qu’au moment même où la France devait absorber ce surplus, elle s’est déconnectée. Délibérément. Et le flot, n’ayant plus d’exutoire, a fait exploser le circuit.

Et c’est là, selon les voix qu’on aime traiter de « complotistes », que réside le vrai scandale : l’effondrement ne fut pas la conséquence d’un échec technique, mais d’un sabotage politique. Ce n’est pas l’Espagne qui chancela, c’est un allié qui, dans l’ombre, retira sa main. Car l’Espagne dérange. Elle produit trop, elle vend trop, elle ose concurrencer la république nucléaire française, fruit d’un demi-siècle de centralisme planificateur. Cette arrogance verte, ce désir d’émancipation solaire, devient insupportable aux yeux d’un ambitieux Macron qui souhaiterait que son pays soit le seul producteur fiable d’énergie, tirant ainsi profit de l’héritage nucléaire légué par le général de Gaule. Alors, il frappe. Non avec des armes, mais avec des prises débranchées.

Et l’on feint ensuite de s’étonner. On décrète que les énergies renouvelables sont instables. Qu’elles manquent de cette « inertie » propre aux centrales thermiques. Et l’on entend déjà les oracles de l’orthodoxie énergétique murmurer leurs mantras : « Il faut revenir au bon sens », « Il nous faut du nucléaire ». Curieux, tout de même, que ce bon sens profite toujours aux mêmes : à la France, riche de ses 59 réacteurs ; au Maroc, promis à l’atome dans les décennies à venir.

Ainsi se referme le piège. L’Espagne, isolée, trop verte, trop libre, se retrouve soumise non plus à la dette, mais à une autre forme de servitude : la dépendance énergétique. On brise son élan, on moque son audace, et sous couvert de stabilité, on l’enchaîne à nouveau. Car dans ce siècle où l’électricité est reine, celui qui contrôle le flux tient la clef du pouvoir. Et celui qui débranche détient la puissance.

Telles sont les élucubrations que colportent avec une assurance prophétique les plus retentissants oracles du complotisme hispanique.

Quelques nuances

Il sied pourtant de ne point s’emballer. L’esprit critique exige, en tout temps, qu’on se garde d’ériger un schéma en dogme sur la seule foi d’un graphique, fût-il saisissant dans sa clarté. L’évidence, si elle existe, réclame toujours davantage qu’un simple tracé sur papier glacé. Et puis, faut-il vraiment prêter à Emmanuel Macron, ce curieux avatar du monde branché – chantre du « Plug, baby, plug ! », slogan aussi grotesque que révélateur – l’ingéniosité d’une manœuvre aussi perverse contre son voisin de l’autre côté des Pyrénées ? L’hypothèse amuse, elle distrait même, tant elle colle à l’image que l’intéressé donne de lui. Mais enfin, à trop vouloir voir un stratège dans chaque pantin, on risque de faire trop d’honneur aux ficelles. Cela dit, reconnaissons-le, ce dernier trait n’innocente pas le président français : sans qu’il soit besoin d’en rajouter dans le mauvais calembour, c’est plutôt un élément à charge qu’à décharge.

Plus sérieusement, Nicolas Meilhan rappelait avec justesse et clarté ce constat sur les ondes de Tocsin : la France est aujourd’hui le cœur battant du réseau électrique européen, le pivot silencieux sur lequel repose l’équilibre précaire d’un continent tout entier. L’Hexagone, avec ses lignes tendues vers le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne, n’est pas seulement interconnecté : il est le garant d’un ordre électrique fragile, dont l’instabilité menace chaque jour davantage.

 

 

Ce réseau, l’Espagne en a fait l’amère expérience, est d’une sensibilité presque maladive : il respire au rythme fixe de 50 Hz. Une production qui vacille provoque une variation. Une fréquence qui grimpe, une tension qui fléchit – et le mécanisme vacille. À ce jeu-là, la France joue un rôle singulier : elle stabilise, elle amortit, elle porte. Grâce à son parc nucléaire, cet héritage industriel que d’autres pays nous envient tout en le méprisant, 70 % de notre électricité est générée avec une constance qui confère à notre réseau une inertie précieuse.

Au cœur de ce dispositif, les « grosses machines tournantes », comparables à des dynamos géantes, incarnent une sagesse technologique : elles absorbent les chocs, ralentissent ou accélèrent selon les besoins du système, offrant à cette Europe fébrile le luxe d’un équilibre. Mais ce rôle de gardien n’est pas sans coût. Il épuise nos centrales, accélère leur vieillissement. Un moteur ne s’use que lorsqu’on le malmène, et l’on ne malmène pas impunément les joyaux de la France atomique. Si l’on veut conduire nos réacteurs jusqu’à quatre-vingts années de service, il faudra cesser de les employer comme des freins d’urgence pour une Europe ingouvernée.

Lorsque la fréquence chute – comme ce fut le cas, semble-t-il, en Espagne –, la machine s’arrête d’elle-même, par réflexe de survie. Et c’est alors à EDF de trancher : protéger la France, ou maintenir la solidarité continentale. Le choix est vite fait. Couper l’interconnexion n’est pas une agression : c’est un acte de salubrité publique. La France, en se retirant, ne trahit pas l’Europe : elle la sauve d’elle-même. Mais dans le geste, l’Espagne s’effondre.

Ce système – que d’aucuns appellent « marché » – est en réalité un échafaudage de dépendances mutuelles : nous dépendons de l’Autre quand il y a trop, quand il y a trop peu, quand nous sommes sûrs de notre force ou tremblants dans notre pénurie. Ce n’est plus une coopération, c’est une chaîne d’impuissances croisées. Et dans ce théâtre électrique, chacun se repasse la patate chaude électrique en espérant qu’elle n’explose pas dans sa propre main.

 

 

Cette fois, le malheur a frappé l’Espagne. Mais, comme l’a dit Meilhan cela aurait pu parfaitement se produire en France, peut-être même que cela a failli arriver et qu’on en est passé à deux doigts. Nous dansons au bord d’un gouffre, les yeux rivés sur le compteur.

L’avenir seul lèvera le voile sur le sens véritable du black-out espagnol. S’agit-il d’un coup porté dans l’ombre, une estocade sournoise infligée à un rival dont la présence, sur l’échiquier énergétique européen, devenait trop encombrante ? Si tel est le cas, il ne faudrait point se fier aux maximes des vieux almanachs : la foudre, loin de respecter les proverbes, pourrait bien s’abattre derechef sur la péninsule ibérique. Mais s’il fallait voir là un acte mûrement réfléchi, une manœuvre froide dictée par la nécessité de préserver la stabilité du réseau français – ce cœur battant du système énergétique continental – alors nul n’est à l’abri. Car ce qui frappe l’un, demain frappera l’autre. Et la France, à son tour, devra peut-être s’éclairer à l’aide de bougies.

Fernand le Béréen

 

 
 






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9 Commentaires

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  • #3527413

    sans retirer les possibilités du maroc et de la france, deux paramètres supplémentaires :
    l’espagne est sortie du marché européen de l’électricité,
    ce qui par ailleurs et de surcroît réussit bien à son économie ;
    l’espagne venait d’annuler un contrat de fourniture d’armement à israel.....

     

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    • #3527501
      Le 5 mai à 15:13 par STORM500
      Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

      @menfin

      Ça n’a rien avoir avec l’annulation du contrat d’armement avec Israël. De toute façon l’Espagne n’est pas un gros exportateur d’armes et n’a pas une grosse armée .
      Pedro Sanchez du PSOE (gauche espagnole) est un franc maçon progressiste pro LGBT pro Ukraine pro agenda 2030 WEF complètement soumis au sionisme qui a besoin de flatter les gens d’origine africaine et nord africaine , donc les immigrés pour accélérer un flux massif de ces populations vers l’Espagne . Il apporte sa contribution au chaos , la destruction de l’Europe chrétienne voulu par ses maîtres . C’est tout

       
  • #3527422
    Le 5 mai à 12:32 par STORM500
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    J’ai laissé un commentaire récemment sur ER pour parler de ça car j’habite en Espagne.
    On a écouté Lundi 28 avril dans l’après midi a la radio (qui était évidemment le seul média fonctionnel durant la coupure) une déclaration de Pedro Sanchez.
    Ce qui est étrange c’est qu’on l’a entendu dire très calmement comme si il était déjà au courant et qu’il appliquait un programme "qu’il fallait rester chez soi et éviter de sortir..." jusqu’à ce que la panne soit résolue . Aucune attitude digne d’un dirigeant qui prends soin de sa population et invite les gens a s’entraider et a interagir. Ça ressemble plus à un test des villes 15min.
    J’ai vécu les inondations dans la région de Valencia fin octobre 2024. Et cet enculé a refusé l’aide d’urgence internationale, et même bloqué l’aide nationale dans les premiers jours . La police nous a empêché de prendre de la nourriture dans les magasins alors que des gens sont morts de faim et de soif ou faute de médicaments pour leurs traitements. Un ordre dans les médias a été donné d’étouffer les vraies infos. Le nombres réel de morts se compte en milliers ou dizaines de milliers et tous les espagnols de la province de Valencia le savent. L’armée n’a toujours pas complètement nettoyé la zone et n’a pas beaucoup aidé. On doit notre survie aux volontaires des villes autour et aux pompiers. Les ONG ne faisaient que de la figuration face caméra dans les rues dévastées et repartaient dans leurs véhicules flambant neuf sans aider personnes , comme la croix rouge.
    On a eu 2m50 d’eau en une heure. C’était une inondation programmée avec une destruction des barrages dans la zone qui avait été construits sous Franco (c’est au moins une partie de l’explication)... Tout ça pour réduire la population, détruire les petites entreprises et les véhicules, ainsi que les terres agricoles a bas coût et éventuellement les racheter et installer des panneaux solaires. tout correspond au programme du World économique forum et Pedro Sanchez est un petit a Klaus Schwab comme Macron, Trudeau...il porte le pins de l’agenda 2030. Rien n’est dû au hasard dans ces inondations fin octobre 2024 et cette coupure d’électricité fin avril 2025. La surveillance de masse et le rationnement de cette UERSS va bientôt commencer croyez le bien. On a vu darmanin récemment déclarer que les caméras de surveillance avec reconnaissance faciale et intelligence artificielle devaient être installées partout car aucun endroit n’est sûr désormais. Ils créent problèmes et "solutions".

     

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  • #3527437
    Le 5 mai à 13:00 par Père Hilare
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Oh les jolies bougies, de plus mon Kit de Survie en est dépourvu !
    Merci ABS !

     

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  • #3527447
    Le 5 mai à 13:09 par WuWei1886
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    C’est l’article que j’attendais, et qui de surcroît est si bien écrit.
    Mille mercis, tant pour l’explication que pour la langue.

     

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  • #3527455
    Le 5 mai à 13:21 par Arthur Lepic
    Blackout espagnol : coup de poignard franco-marocain ?

    Mais, il y a du pétrole et du gaz abiogéniques en abondance, donc dormez tranquille.

     

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  • #3527480

    Pendant ce temps, Baymou complote-t-il un blackout sur Bétharram :
    "Bétharram : l’étrange cas du communicant officieux de Bayrou à Matignon" - Article de l’Aberration.
    "...œuvrant sans contrat ni nomination officielle – ce qui le dispensait avantageusement de tout contrôle déontologique. François Bayrou, lui, a son communicant officieux : son vieil ami Régis Lefebvre n’a pas non plus été dûment embauché mais est l’un des interlocuteurs principaux de la presse, qui le cite comme « un proche » du chef du gouvernement, capable de décrypter la pensée et l’action du Béarnais. Là aussi, en poursuivant son activité dans le privé.

    On peut imaginer des pressions sur les victimes, les témoins et personnels de Bétharram pour qu’ils se taisent.
    Baymou l’a fait depuis les années 90 a minima, avec efficacité.

     

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  • #3527485

    Après les 1500 Bipeurs du Hezbollah cette panne géante est un avertissement...

     

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  • #3527488

    54 pour cent de "renouvelable", cela n’aurait pas eu lieu avec des centrales nucléaires .

     

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