L’histoire récente des pompes à chaleur, récit d’une fulgurante ascension technologique, s’inscrit dans le tableau plus vaste des transformations qu’a connues la société française, poussée par les impératifs de la rénovation énergétique. Depuis dix ans, une marche irrésistible s’est engagée : celle d’un progrès, d’abord discret, mais amplifié à partir de 2020, au sortir des confinements. Ces mois de réclusion, vécus comme une mise à nu des failles de nos intérieurs, ont incité nombre de foyers à investir dans la modernisation de leur habitat.
L’année 2022 a vu la vente de près de 350 000 pompes à chaleur, une augmentation de 30 % par rapport à 2021. Jamais, dans l’histoire de ce marché, une telle frénésie n’avait été observée. Aujourd’hui, plus de 2 millions de ces machines œuvrent dans les maisons françaises, fruit d’une politique d’encouragement portée par le ministère de la Transition écologique. Et 2025 promet encore des miracles : crédits d’impôt, subventions, et une enveloppe rondelette de 30 millions d’euros dédiés à l’innovation.
Cependant, derrière cette mécanique bien huilée, une ombre plane. Tous les artisans qui s’improvisent chauffagistes ne méritent pas la confiance du citoyen. Des scandales, relayés notamment par Envoyé spécial, rappellent que le progrès, quand il s’accompagne d’une ruée vers l’or, attire les aventuriers sans scrupule. Le terrain, encore peu contrôlé, devient alors le théâtre d’arnaques où les promesses d’efficacité énergétique s’évanouissent en fumée :
Il n’est pas anodin que certaines entreprises, flairant dans les primes écologiques un nouvel eldorado, se soient livrées à des manœuvres dont l’astuce n’a d’égale que la cupidité. Sous le prétexte fallacieux d’une aide salvatrice pour alléger la facture énergétique, ces fraudeurs rodés, habiles dans l’art du discours, s’introduisent dans l’intimité des foyers avec un aplomb de camelot suranné. Promettant monts et merveilles, ils séduisent l’âme crédule de leurs victimes avec l’assurance glissante du serpent.
La machination est bien rodée : l’installation d’une pompe à chaleur, prétendument subventionnée par les grâces de l’État, est assortie d’un crédit, ce piège doré où s’enlise l’espoir naïf d’un avenir radieux. Mais au dénouement, lorsque le rideau tombe, il ne reste que le spectre de la trahison : aucune prime, aucun remboursement. Seulement une dette à rembourser et, pour couronner l’infamie, une pompe défectueuse qui rend l’âme avant même d’avoir tenu son rang.
L’histoire, dépeinte par un reportage de France 2, s’attarde sur les mésaventures poignantes d’un couple de retraités. Leur bourreau ? Un certain Zaki S., dont l’entreprise s’est épanouie à l’ombre de l’imposture avant de laisser derrière elle un sillage de plaintes. Aujourd’hui, l’homme jouit d’un exil confortable en Algérie, cette patrie de repli dont le choix même laisse deviner les contours troubles de son origine.
Mais il serait simpliste de limiter cet état de fait à un individu ou à un lieu. Car une enquête approfondie révèle que dans ce commerce lucratif des pompes à chaleur, d’autres groupes s’agitent dans l’ombre, avec la même ferveur entreprenante. Une communauté, bien implantée en région parisienne, se distingue par des méthodes commerciales qui, si elles ne violent pas frontalement la loi, en caressent dangereusement les frontières.
Le témoignage d’un ancien employé nous éclaire sur ces pratiques suspectes. Tout y est : l’appât du gain, la dissimulation des intentions réelles, et ce cynisme implacable qui semble la marque d’un certain esprit du temps. Une conclusion s’impose alors : dans cette affaire, la pompe à chaleur n’est qu’un prétexte. Le véritable moteur, c’est l’avidité, celle qui pousse des hommes à écorcher la confiance d’autrui pour gonfler leurs propres profits.
Embauche et initiation
Tout commence par une publication anodine sur un groupe communautaire juif sur Facebook. Un appel simple et direct, émanant d’un demandeur d’emploi, exprimant sa recherche d’un travail. À cette sollicitation répond une main tendue : une personne, membre de ce cercle, prend contact avec le candidat, recueille ses coordonnées et l’invite à un entretien.
Lorsque celui-ci se présente au lieu du rendez-vous, il est accueilli par une ambiance chargée de symboles identitaires. Sur les portes, les murs, tout parle le langage d’une appartenance : des mezouzot aux linteaux, des inscriptions hébraïques tracées avec soin, des portraits de Menachem Schneerson, figure emblématique du mouvement loubavitch, qui veillent tels des gardiens silencieux.
L’entretien, qui dure une demi-heure, se révèle être bien plus qu’un échange professionnel. Au fil des questions, il s’avère que le temps n’est pas tant employé à évaluer les compétences techniques du candidat qu’à scruter les contours de son identité. À maintes reprises, on revient sur un point central : l’appartenance au judaïsme. Car, s’il est vrai que des non-juifs peuvent être présents au sein de l’entreprise, leur proportion demeure strictement minoritaire, ne dépassant pas 15 % des effectifs.
Puis vient le temps de l’apprentissage. Cette phase d’initiation, à la fois rude et formatrice, s’étend sur quatre à cinq semaines. Le novice est placé sous la tutelle d’un vendeur aguerri, qui devient son mentor de terrain. Chaque jour, ils sillonnent des routes interminables, traversant les régions de France avec une régularité mécanique : Bretagne, Normandie, région parisienne, Hauts-de-France, Grand Est. Ces expéditions sont éreintantes, les distances parcourues dépassant souvent 800 à 900 kilomètres par jour. Les horaires sont également éprouvants : le premier rendez-vous est fixé à dix heures du matin, le dernier à vingt heures. Entre ces deux bornes temporelles s’inscrit une longue procession de rencontres, de négociations, d’efforts constants pour s’approprier les subtilités d’un métier extrêmement lucratif.
Rouages et méthodes d’une pompe à fric
Tout commence par une promesse anodine, une page web soigneusement agencée pour imiter le site de l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat (ANAH). À travers une interface séduisante et des mots choisis pour inspirer la confiance, le visiteur est invité à vérifier son éligibilité aux subventions écologiques de l’État. En entrant ses coordonnées, il franchit, sans le savoir, le seuil d’une mécanique habile et impitoyable.
Ce qui suit témoigne d’une profonde connaissance des faiblesses humaines et d’un cynisme redoutable. Très vite, le téléphone sonne. Au bout du fil, un téléprospecteur se présente. Sa voix est affable, son ton rassurant. Ils se font appeler « Potier » ou « Lopez », des noms soigneusement choisis pour évoquer la France d’hier ou une douce touche d’exotisme inoffensif. En réalité, ils s’appellent plutôt Moshe, Levi ou Mardochée. Leur mission consiste à obtenir un rendez-vous. On promet qu’un technicien, mandaté pour évaluer gratuitement les besoins, viendra bientôt. Ce technicien, hélas, n’est autre qu’un vendeur déguisé, dont l’uniforme est fait de promesses et dont les outils sont les armes subtiles de la persuasion.
Lors de cette rencontre, un spectacle soigneusement orchestré se déploie. Le vendeur, sourire affable aux lèvres, déballe une panoplie de chiffres, de garanties et de prévisions avantageuses. Les miracles de la technologie moderne sont invoqués, de la pompe à chaleur aux isolants thermiques révolutionnaires. Mais tout cela repose sur des calculs fallacieux et des exagérations dignes d’une farce. On promet des économies si fabuleuses qu’elles relèvent davantage du conte que de l’arithmétique. Par exemple, on jure que la pompe à chaleur durera vingt ans, bien que l’expérience prouve qu’elle s’épuise bien avant l’échéance proclamée.
La clef de cette entreprise de duperie réside dans l’usage astucieux des primes publiques. Ces aides deviennent une arme redoutable dans les mains des vendeurs. Ils s’en servent pour créer un sentiment d’urgence et de rareté, insinuant que peu de dossiers sont retenus, alors même que tous sont acceptés. Parfois, le grotesque atteint des sommets d’absurdité. Un complice, se faisant passer pour un « directeur des primes », appelle en direct pour annoncer une « bonne nouvelle » : le dossier du client est accepté. L’artifice est parfait, l’effet immédiat. Le client, flatté d’être parmi les élus, cède sous la pression implicite et signe.
Là ne s’arrête pas l’infamie. Ces primes servent aussi à pousser le client à s’engager. Le stratagème est digne d’un vaudeville : le vendeur insinue que, pour bénéficier de ces largesses administratives, il est impératif de constituer un dossier. Et que nécessite ce dossier, selon eux ? Une commande, bien sûr ! Mensonge éhonté, mais diablement efficace. Le piège se referme, implacable, et le malheureux, pris dans cet étau, cède sous la pression. Ce n’est pas une vente, c’est un chantage savamment déguisé, une extorsion maquillée sous les oripeaux de la légalité.
Les gains des employés
Ce qui frappe dans cette machination, c’est son adaptation parfaite au contexte social et économique. L’État, dans sa volonté sincère de promouvoir la transition écologique, a ouvert une brèche par laquelle se glissent des esprits mercenaires. Ces vendeurs se parent des habits de la vertu écologique, transformant une noble cause en un commerce sans scrupules. Là où un artisan honnête eût proposé 20 000 euros, les négociants loubavitchs affichent 30 000, sans trembler. Le client, grisé par sa remise, accepte croyant faire une bonne affaire : après tout, il ne paiera « que » 18 000 euros. Ce qu’il ignore, c’est qu’il se fait plumer de 6 000 euros de trop, et que l’État arrose en versant 12 000 euros de subventions là où 8 000 suffisaient. L’arnaque est totale : le client paye trop cher, l’État est floué, et les profits s’envolent au bénéfice de ces chauffagistes d’un nouveau genre.
On ne saurait s’étonner, dès lors, de la diligence avec laquelle les travaux sont entrepris sitôt le contrat obtenu. Il n’est pas rare en effet que le chantier commence dans la semaine qui suit la signature, avant même que l’encre n’ait eu le temps de sécher. Ce n’est pas le fruit d’un soudain professionnalisme, mais bien une manœuvre calculée. Il s’agit d’éviter à tout prix que le client, dans cet intervalle fragile entre la signature et l’exécution, prenne le temps de consulter une entreprise plus scrupuleuse et ne découvre la supercherie. Pire encore, qu’il ose se raviser.
Mais ces maquignons modernes ne s’arrêtent pas là. Ils ont une autre corde à leur arc, un procédé plus retors encore : la sous-traitance à bas coût. Plutôt que d’employer des ouvriers locaux, ils font appel à des travailleurs étrangers, kurdes le plus souvent, recrutés pour une poignée d’euros. Le chantier s’exécute au rabais, la qualité s’en ressent, mais qu’importe : le profit, lui, demeure intact.
Voilà comment, sous couvert de vertus écologiques, s’orchestre une mise en coupe réglée du contribuable et du bon peuple, qui paie toujours, toujours plus, sans jamais comprendre par quelle mécanique il est devenu la vache à lait d’une caste de marchands avisés.
Les salaires dans ce secteur incarnent une audace presque indécente, une insolence économique qui reflète l’esprit conquérant de ces pratiques : les téléprospecteurs, figures anonymes d’une machine implacable, empochent des sommes oscillant entre 10 000 et 15 000 euros par mois. Quant aux vendeurs, ces chevaliers modernes du commerce sans foi ni loi, ils atteignent des gains vertigineux, allant de 20 000 à 55 000 euros mensuels. Ils ont souvent la vingtaine, à peine sortis des bancs d’une école qu’ils abandonnent volontiers, et voilà qu’ils surpassent déjà, en revenu, médecins et avocats au faîte de leur carrière. Une génération frénétique, galvanisée par cette opulence insolente, au point que certains, dans un élan d’autoglorification, ont gravé leurs exploits dans des chansons – véritables hymnes à l’arrogance triomphante.
Conclusion
Il est clair que nous ne sommes pas ici en présence d’une « escroquerie » dont l’ampleur pourrait rivaliser avec l’imposture de la taxe carbone, cette vaste supercherie à laquelle prenaient part des acteurs issus de la même communauté que ceux qui sont en scène ici. Il est même incertain que les pratiques de ces jeunes entrepreneurs puissent être qualifiées d’illégales, tant elles frôlent le flou de la légalité sans jamais y entrer. Mais, à l’évidence, leurs manœuvres commerciales – pour ne pas dire leurs procédés suspects – ne peuvent que susciter des interrogations et des inquiétudes légitimes.
Que se passera-t-il, par exemple, lorsque l’un de leurs clients reviendra un jour en leur demandant de remplacer sa pompe à chaleur, pensant naïvement qu’elle bénéficie d’une garantie de vingt ans ? Seront-ils prêts à offrir un service après-vente digne de ce nom ? D’après un ancien employé, qui a servi de source principale pour ces lignes, les acteurs de ce commerce ne se posent même pas cette question. Leur unique souci, ce n’est pas d’assurer la pérennité de leur promesse, mais de faire entrer l’argent dans les caisses, peu importe la méthode, et encore moins les conséquences pour les victimes qui en subiront le prix. La morale, dans ce petit théâtre de l’opportunisme, n’a pas sa place.
D’ailleurs, ces jeunes entrepreneurs n’ont aucune illusion sur la longévité de leur entreprise. Ils écouleront des pompes à chaleur tant que des subventions écologiques et des primes publiques favoriseront leur installation. Et si, demain, l’État décide de favoriser une autre technologie – disons les panneaux photovoltaïques –, ces mêmes individus s’empresseront d’adopter ce nouvel étendard, prêts à jongler d’un secteur à l’autre avec une souplesse qui caractérise si bien cette « communauté nomade de lumière ». Il se raconte même qu’ils sauraient faire fortune avec un pantalon à une seule jambe, tant est grande leur dextérité à tirer parti des circonstances.
Mais si les plaintes s’amoncellent et que l’État, dans un sursaut de justice, vient scruter leurs agissements, il ne fait aucun doute qu’ils suivront les pas d’un certain Zaki S., aujourd’hui réfugié en Algérie, ou qu’ils trouveront d’autres cieux plus cléments, là où l’impunité s’achète avec un sourire. Israël, dit-on, est une destination de choix en cette saison.
La plage du Hilton, en plein cœur de Tel-Aviv, est en effet un lieu parfait pour les amateurs de sports nautiques. On vous y propose des cours de voile, de planche à voile et de kayak. On y croise une armée de surfeurs en quête de vagues, tandis que la promenade est bordée de restaurants offrant des portions généreuses : petit-déjeuner israélien, poissons frais, sandwichs et salades en abondance.
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Un lieu propice à méditer sur cette parole d’Ésaïe : « Tu tressailliras alors et tu te réjouiras, Et ton cœur bondira et se dilatera, Quand les richesses de la mer se tourneront vers toi, Quand les trésors des nations viendront à toi. » (60:5).