Les révolutionnaires ne doivent rien attendre d’un jeu, où l’ennemi dicte ses règles avec la possibilité de les changer aux mieux de ses intérêts. Il faut choisir de sortir du cadre qu’il nous impose, penser par nous-mêmes des alternatives nouvelles et les appliquer dès aujourd’hui dans notre lutte contre l’oppression. Construire le socialisme c’est d’abord se libérer du cadre mental du capitalisme, c’est-à-dire s’émanciper de ses schémas idéologiques. Pour cela, il faut viser au cœur. Attaquer le discours des droits de l’homme et la fausse démocratie.
Quand tombent les masques : la « démocratie » au cœur du capitalisme
Dès sa naissance, l’idéologie des droits de l’homme appartenait à une société bien déterminée. Apparue à l’époque des Lumières, elle se base sur l’idée de l’émancipation de l’homme de la communauté et s’inscrit dans le mouvement de liquidation de l’Ancien régime féodal. La Révolution française lui donne corps avec la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Dès lors, son expansion à l’ensemble de la planète s’insère dans un système créé par la bourgeoisie pour assoir sa domination. Suivant l’évolution du capitalisme, la démocratie est devenue un outil de contrôle des rapports sociaux.
L’activité capitaliste morcelle les individus et les réunit artificiellement pour faire fonctionner l’ensemble de la société. La démocratie permet de donner l’illusion que l’individu choisit les décisions qui lui son imposées. Pour que l’activité sur laquelle repose le monde moderne – l’achat et la vente de la force de travail – puisse s’effectuer, il faut que l’individu soit, à un moment, libre, c’est-à-dire libéré de toute obligation qui lui interdise de passer le contrat qui le lie au capital. Même si dans la réalité, la liberté et l’égalité sous le capital ne sont que purement superficielles, car appliquées uniquement lors des échanges qui font le marché.
Pour cela, la « démocratie » est devenue indispensable au capital. Pour preuve, d’Israël « démocratie exemplaire » à la Chine « en voie de démocratisation », le discours des droits de l’homme et de la démocratie est devenu le discours de presque tous les dirigeants de la planète (les autres, furent rappelés à l’ordre par des bombardements massifs ou des « révolutions colorées »).
« Que les droits de l’homme, écrit Alain De Benoist, soient proclamés avec force dans une société de plus en plus déshumanisée, où les hommes tendent eux-mêmes à devenir des objets, où la marchandisation des rapports sociaux crée partout des phénomènes d’aliénation inédits, n’est pas un hasard. Associé à l’expansion des marchés, le discours des droits de l’homme constitue l’armature idéologique de la globalisation. Il est avant tout un instrument de domination, et doit être regardé comme tel. » [1]
Le capital ne se combat pas dans les urnes
Jamais dans l’histoire humaine les individus n’ont été aussi soumis à des influences impersonnelles, déshumanisées, obéissant à une logique abstraite (l’économie), jamais les images et les idées n’ont à ce point échappé aux gens pour se concentrer dans un monde à la fois étranger et omniprésent (le spectacle). Jamais peut-être les individus n’ont été confrontés à une domination aussi minutieuse et aussi insaisissable. Autrefois, ils pouvaient toujours rêver de tuer le souverain – parfois même ils le faisaient. Aujourd’hui il faut être enfermé dans l’armure sans visière d’une idéologie mangée de rouille pour croire qu’on change quoi que ce soit en tuant un dirigeant démocratique. Le geste est aussi dérisoire que celui de voter pour ou contre lui.
Plus l’homme est impuissant à changer sa vie, plus doit être mise en scène la conquête infinie de droits à l’intérieur de cette vie. On doit tout particulièrement mettre en scène le droit de désigner des représentants qui, en fait, ne représentent rien d’autre que la rencontre de leurs pauvres appétits, des intérêts de lobbies et de l’intérêt général du capital.
Le modèle démocratique s’est ainsi progressivement étendu du politique à l’ensemble des rapports sociaux. « La négociation », le « consensus social » entre les partenaires sociaux : tout un vocabulaire qui montre la propagation du discours démocratique au niveau du social. Il sert de masque à l’aménagement au mieux de ses intérêts de la société par un capitalisme en perpétuelle mutation. L’État démocratique se charge de liquider pour le patronat nos acquis sociaux. Pour cela, il se pose en garant de « l’intérêt général » en appelant les Français à faire des sacrifices au nom de la « solidarité citoyenne ». Le maintien de l’ordre sociale et démocratique, de la normalité quotidienne, de l’exploitation capitaliste : voilà l’unique objectif du dialogue sociale. Le système démocratique produit un univers mental inculqué aux masses qui l’acceptent et en fait ses propres normes. Aller contre cela, c’est dès lors se mettre au ban de la société. À nos yeux, le seul dialogue social possible est la guerre des classes !
Les représentations démocratiques ont la vie dure, même chez ceux qui disent combattre le système. La gauche radicale se propose d’aménager la mondialisation capitaliste par l’investissement démocratique des citoyens du monde dans la gestion de leur misère. Rien de bien nouveau, on nous ressert le vieux discours réformiste de la social-démocratie à la sauce exotique du gauchisme altermondialiste. Quand on regarde l’histoire récente du mouvement ouvrier, on constate que l’effort entrepris par ceux qui veulent changer le monde en le démocratisant, n’aboutit jamais qu’à le pérenniser en donnant à chacun l’illusion de pouvoir modifier les règles, alors que tous sont soumis à la Loi d’un monstre abstrait : l’économie – cet autre nom du capitalisme. De même, les courants issus de la droite radicale ou identitaire regardent avec envie les scores électoraux du Front national . Ils pensent pouvoir influencer cette grande structure électoraliste sans comprendre que par sa nature même, il est déjà intégré dans le système. De plus naïfs ou plus arrivistes placent même leurs espoirs dans l’aile conservatrice de l’UMP. Pour ces cas désespérés, nous ne pouvons rien faire. Cars nous ne voulons pas inverser les règles politiciennes, mais abolir le jeu !
Une autre voie est possible, il faut aller la chercher ailleurs… La reprise en main par le peuple de son destin est l’une de nos revendications les plus fortes. Notre socialisme révolutionnaire refuse l’infantilisation des masses par le capital comme la logique froide de leur contrôle par le totalitarisme. Il doit permettre aux hommes et aux femmes d’Europe de dépasser l’individualisme, pour se sentir membres actifs d’une communauté de destin. Pour cela, nous sommes favorables au développement d’une communauté populaire, d’une démocratie directe et participative basée sur le pouvoir populaire, c’est-à-dire la souveraineté du peuple qui ouvrira au tissu communautaire le contrôle effectif des mécanismes de gouvernement. En favorisant l’éclosion et la multiplication de nouveaux espaces publics d’initiative et de responsabilité, nous pensons que ce système permettra la renaissance de liens de solidarité à la base. L’idée d’autonomie doit dissiper les rêves démocratiques, pour faire naître une réelle souveraineté populaire.