Des centaines de personnes à travers la France depuis les évènements de Charlie Hebdo sont poursuivies pour « apologie du terrorisme », délit opportunément sorti il y a quelques mois de la loi sur la presse pour intégrer le corpus du droit répressif.
Nous prétendons que la création d’une infraction spécifique, dite de « terrorisme », est en soi un détournement du droit, que les cas réprimés depuis quelques semaines ne rentrent aucunement dans le cadre de son apologie, enfin qu’une véritable épuration politique est à l’œuvre en France actuellement sous couvert de lutte contre le terrorisme.
Fausse objectivité juridique
L’autonomisation du délit dit de terrorisme est en soi une manipulation du droit pénal. Toutes les infractions potentiellement constitutives d’un attentat terroriste sont déjà prévues par le code pénal français : meurtre, violences en réunion, attentat contre la sûreté de l’État, utilisation d’explosifs ou de substances dangereuses, etc.
La création d’une infraction pénale distincte vise à mettre à la disposition du pouvoir une notion « fourre-tout », qui permet d’y faire rentrer quiconque sera désigné politiquement comme un ennemi, au gré des besoins répressifs et sous couvert de l’objectivité de la loi.
La répression idéologique de l’adversaire via le droit pénal est une tendance à l’œuvre en France depuis plusieurs années. Elle est rendue possible par la criminalisation des mobiles psychologiques, de l’inconscient supposé de l’auteur d’une infraction, indépendamment de la matérialité de cette dernière. C’est le cas des lois Pleven ou Gayssot et plus généralement des lois dites antiracistes ou mémorielles, mais également par exemple du délit d’ « association de malfaiteurs ». Elle permet l’avènement d’une véritable justice de la pensée.
Indépendamment des considérations qui précèdent, la qualification d’ « apologie du terrorisme » ne s’applique de toute façon aucunement au cas de ceux s’étant déclarés en communion de quelque nature qu’elle soit avec les auteurs récents d’actes délictueux réputés « terroristes ».
La formule « Je suis Kouachi/Coulibaly/… » relève du registre du militantisme politique. C’est le gouvernement français qui le premier, par une récupération idéologique d’envergure, a fait des événements de janvier un objet politique clivant qui ne pouvait que rencontrer une opposition sur le terrain de la critique. « Je suis Kouachi/Coulibaly… » est la négation dialectique de l’affirmation par le pouvoir d’une certaine lecture de la réalité, dans un sens occidentaliste. Ce n’est en aucun cas un éloge du terrorisme en soi, comme moyen d’action légitime au service d’une cause. Il s’agit de reconnaître comme appartenant à son camp idéologique quelqu’un qui, par ailleurs, a fait usage du terrorisme au service de cette cause.
Pour pouvoir légitimement condamner un Dieudonné, l’institution devrait interdire officiellement toute critique politique de l’Occident et de ce qui est considéré comme étant ses valeurs. Hors de cela, condamner comme apologie du terrorisme un « Je suis Kouachi/ Coulibaly » publié sur un site ou sur une page Facebook, revient à faire de cet outil juridique une arme pure et simple de répression politique à l’encontre d’opposant à l’idéologie dominante. C’est détourner la loi de son sens à des fins partisanes.
Peut-on dès lors affirmer « Je suis Germaine Tillon » ou « Je suis Manoukian » ou encore « Je suis Jean Moulin » ? Ou bien ne devrait-on pas le faire parce que, bien que considérant leur cause comme légitime, les moyens employés n’étaient pas les bons ? Cela n’a pas de sens, la cause (politique) finit toujours par emporter les moyens.
Vrai répression politique
À l’étalage médiatique d’une unanimité toute en hystérie collective de masse et manipulation émotionnelle succède le temps discret de la répression. Grâce au régime expresse de comparution immédiate, tout ceux qui ne sont pas rentrés dans le moule idéologique estampillé, non sans cynisme, « liberté d’expression » par le pouvoir sont châtiés à la volée. Les peines vont jusqu’à plusieurs années de prison ferme.
Sous la pression politico-médiatique, parquets et rectorats se sont fait les rouages trop bien huilés d’une machine répressive qui montre, malgré les fadaises universitaires sur l’Etat de droit et ses fondements pluriséculaires, qu’elle peut s’emballer en un clin d’œil. Point n’a d’ailleurs été besoin pour cela que des ordres soit donnés. Comme dans les régimes totalitaires, les (hauts) fonctionnaires zélés se sont faits un devoir d’anticiper les desiderata répressifs de leurs chefs. Attendre que tombe un ordre aurait déjà pu être considéré comme un début d’insoumission… Le limogeage du directeur de la rédaction du 12/13 de France 3 (avec la complicité des syndicats jaunes) pour n’en avoir pas assez fait lors de l’édition de la mi-journée du 7 janvier aura certainement servi d’exemple…
L’Éducation nationale n’est pas en reste. Dans le Val-de-Marne, un professeur est suspendu et menacé de radiation pour ne s’être pas plié à la « minute de silence » du 8 janvier. Il souhaitait simplement « avancer sur le programme » ! Des élèves ont été arrachés à leurs cours et exclus pour avoir fait des « quenelles » il y a plusieurs mois sur des photos de classe « fantaisistes ». À La Roche-sur-Yon, un homme a été menotté, mis en garde à vue et va être jugé pour s’être déclaré en « communauté fraternelle » avec Kouachi et Coulibaly. Soit une attitude toute christique de compassion pour les bourreaux, qui devrait normalement être citée en exemple par ceux qui prétendent lutter contre le fanatisme religieux et barbare !
Le gouvernement de gauche coloniale actuellement au pouvoir, digne héritier du sinistre Jules Ferry, montre à cette occasion son vrai visage. Si les médias mettent en avant des cas extrêmes (comme cet enfant de 8 ans conduit au commissariat pour répondre d’actes d’apologie du terrorisme !), c’est le jeune arbuste qui cache la forêt de la répression. Et personne n’est à l’abri. Pas mêmes les anciens protégés d’hier : militants de « gauche », jeunesse immigrée hier exaltée comme « chance pour la France », aujourd’hui diabolisée comme islamo-fasciste, profs, humoriste antiraciste et insoumis.
Face à cela, l’indifférence ? La France est un pays dont l’inconscient collectif est fait d’une Révolution, de la Résistance et de mouvements populaires insurrectionnels, dont l’un des derniers soubresauts fut sans doute les grandes grèves ouvrières du printemps 68. Un peuple avec un tel imaginaire se laissera-t-il réprimer sans bouger par l’occidentalisme et ses valeurs, qui occupent littéralement son pays ? La France sera-t-elle finalement cuisinée à la sauce Hollande, Valls, Fabius : modèle économique de Bruxelles à l’intérieur et géopolitique de Tel Aviv à l’extérieur ? Tel est l’enjeu…