Egalité et Réconciliation
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De l’eau dans le sang

L’origine médiévale de l’individualisme occidental

Dans « L’origine médiévale de la désunion européenne », j’ai soutenu que la papauté médiévale est responsable de l’échec de l’Europe à atteindre l’unité politique sous la souveraineté de l’empire romain germanique à l’époque médiévale. Je n’ai pas nié que « l’absence durable d’un empire hégémonique » et la « fragmentation compétitive du pouvoir » avaient eu des effets positifs, comme l’a défendu Walter Scheidel dans Escape from Rome : The Failure of Empire and the Road to Prosperity (Princeton UP, 2019) . La démonstration de Scheidel en 600 pages ne me semble pas très convaincante, mais, même si sa thèse est vraie, elle ne contredit en rien la mienne. C’est une question de point de vue. Du point de vue de la géopolitique mondiale d’aujourd’hui, il est indéniable que l’Europe est un échec total et ne peut même pas commencer à se comparer ou à rivaliser avec les nouveaux « États civilisationnels », pour reprendre la catégorie de Christopher Coker [1]. Que la faute ou le mérite en revienne à la papauté, cela n’est guère à débattre.

 

Ici, je soutiendrai que la papauté médiévale est responsable de la création de l’individu occidental moderne, cet homme déraciné et obsédé par son propre salut, son identité intime et son épanouissement personnel. Je ne nierai pas que l’individualisme occidental a produit une moisson exceptionnelle de génies dans tous les domaines, et a déclenché un élan de créativité sans précédent. Cela, je pense, est indéniable. Et peut-être que ça valait le coup. Je soutiendrai simplement que le stade pathologique – et contagieux – auquel l’individualisme occidental est parvenu aujourd’hui est le résultat final d’un programme de désocialisation écrit par la papauté romaine. Pour citer dès maintenant le livre remarquable de Joseph Henrich, The WEIRDest People in the World (2020) sur lequel je reviendrai : « En sapant la parenté intensive (intensive kinship), les politiques matrimoniales et familiales de l’Église ont progressivement libéré les individus des responsabilités, des obligations et des avantages de leurs clans et de leurs familles élargies (houses). » [2] Sur de nombreuses générations, cette ingénierie sociale a câblé notre psychologie individualiste unique.

Il peut sembler contre-intuitif de blâmer le christianisme pour l’affaiblissement des liens de parenté, puisque les chrétiens pratiquants sont aujourd’hui les défenseurs des valeurs familiales en Occident. Cela s’explique par le paradoxe que le christianisme est à la fois révolutionnaire et conservateur. Il était révolutionnaire au début et conservateur à la fin. Toutes les religions établies sont conservatrices, c’est leur principale fonction sociale. Mais le conservatisme du christianisme occidental a consisté à préserver le peu de structure de parenté qu’il n’a pas détruit dans sa phase révolutionnaire : la famille nucléaire bourgeoise, la dernière étape avant la désintégration sociale complète [3].

La théorie présentée ici diffère de celle reprochant au christianisme la corruption morale de la race blanche, dont le partisan le plus radical était feu Revilo Oliver (1908-1994). Il a écrit dans Christianity and the Survival of the West :

« Partout dans le monde, les Aryens présentent des symptômes indubitables d’imbécillité ou d’un désir de mort latent. [...] La cause première la plus probable, à mon avis, est le christianisme, une religion qui est la négation de la vie, et qui est une sorte de "SIDA" racial qui, pendant deux millénaires, a progressivement sapé et finalement détruit le système immunitaire de notre race, c’est-à-dire, sa conscience de son identité raciale. »

J’ai deux désaccords avec cette théorie. Premièrement, je pense que l’accent mis sur « l’identité raciale » – ou son absence – n’est pas très pertinent. La cohésion organique d’une société commence au niveau de la famille élargie ou du clan, et ce n’est que si les liens sociaux sont sapés à ce niveau pendant une longue période que « l’identité raciale » – ou ce que Ludwig Gumplowicz a appelé plus élégamment le « sentiment syngénique », cette familiarité instinctive avec ceux qui nous ressemblent – finit par s’effondrer. L’immunodéficience attaque l’organisme social au niveau des structures de parenté, pas au niveau racial ou ethnique. Défendre la dignité et les droits des Blancs est peut-être une noble cause politique aujourd’hui, mais l’identité raciale est un ciment social peu efficace en soi. Ce dont nous avons besoin pour reconstruire notre système immunitaire, c’est de récupérer ce que le christianisme occidental nous a enlevé, et que Henrich nomme la « parenté intensive » (intensive kinship).

Deuxièmement, le christianisme n’a pas abouti au même effondrement des structures de parenté en Orient et en Occident. Il y a eu un saut qualitatif en Occident, pendant ce que Robert I. Moore a appelé « la première révolution européenne » entre 970 et 1215 [4]. Dans un projet de remodelage de la société, la papauté a mené une série d’assauts coordonnés contre l’organisme social traditionnel des populations romano-germaniques, un assaut que les populations gréco-slaves n’ont pas enduré au même degré.

Cela ne veut pas dire que l’Église d’Orient était particulièrement favorable aux solidarités familiales. En théorie, le christianisme est intrinsèquement individualiste et dépréciatif des liens du sang : seul le sang de Jésus sauve, et le salut n’appartient qu’à l’individu seul. Mais la prise de contrôle de l’Église romaine par le parti monastique clunisien, sans équivalent dans l’Orthodoxie, signifie que le phénomène décrit par Louis Dumont, l’effet normatif de l’individu « hors-du-monde » renonçant à toute ancrage généalogique, a été plus aigu dans la tradition catholique romaine  [5]. Le sang, en tant que principe organique du social, a été fortement dilué par l’eau du baptême catholique. Cela explique pourquoi la parenté intensive a mieux résisté en Europe de l’Est, notamment dans les pays slaves du sud, où, « au XIXe siècle, on observait des zadrugas [familles élargies] comprenant plus de 80 personnes. Ce n’était pas la règle, bien sûr, mais les groupes nationaux de 20 à 30 membres n’étaient pas rares à cette époque » [6].

Mais le protestantisme n’est-il pas plus individualiste que le catholicisme ? Indéniablement. L’individualisme moderne doit beaucoup aux luthériens et plus encore aux calvinistes. Mais l’individualisme protestant n’a pu s’enraciner que dans un terrain sociologique et psychologique intensément labouré, alimenté par l’individualisme catholique depuis des siècles. Il en va de même pour l’idéologie des droits de l’homme, qui a prolongé le mouvement, et que beaucoup tiennent pour responsables de l’individualisme moderne : il a été démontré maintes fois que c’est une excroissance du christianisme. L’amplification de l’individualisme entre orthodoxie, catholicisme, protestantisme et droit-de-l’hommisme nécessiterait une étude spéciale. Je me concentrerai ici uniquement sur la politique de la papauté médiévale contre les liens du sang, et ses conséquences à long terme.

 

Les structures de parenté de l’Europe préchrétienne

Partout en Eurasie et au Moyen-Orient, nos ancêtres préchrétiens vivaient dans des sociétés basées sur des clans. En plus des sources que j’évoque dans « Éloge du culte des ancêtres » à ce sujet, je recommande le récent livre de Guillaume Durocher, The Ancient Ethnostate : Biopolitical Thought in Classical Greece. Son analyse de l’anthropologie homérique permet de mesurer tout ce qui nous en sépare :

« Parmi la classe dirigeante aristocratique dont s’occupe Homère, la parenté (kinship) est le fondement fondamental de l’identité et de la solidarité, et donc de l’action personnelle et politique. Les étrangers sont synonymes d’incertitude et de violence potentielle. La parenté, en revanche, implique une ressemblance héritée et une fierté et des devoirs partagés envers sa lignée. Entre parents, il y a la possibilité de sécurité. Cette sécurité, cependant, n’existe que par la force du père de famille, son autorité domestique et sa volonté d’utiliser la violence contre des étrangers hostiles. [...] Pour Homère, l’identité et le but de la vie se trouvent dans sa lignée. On agit pour ses ancêtres et ses descendants. » [7]

Comme la société grecque, la société romaine était structurée autour du clan patrilinéaire, ou gens. La parentèle était également le principe d’organisation de base parmi les Germains et les Britons. Tout le monde indo-européen reposait sur des structures de parenté étendues. Chaque homme était certes conscient de sa propre individualité (les théories sur « la découverte de l’individu » confondent en général anthropologie et littérature), mais la valeur donnée à l’individu était subordonnée à celle de la communauté (à l’opposé de ce qui caractérise la modernité).

Le mariage était naturellement la clé de voûte de l’édifice social. Il ne s’agit jamais de deux personnes qui « se marient », mais de deux lignages qui contractent une alliance de sang en mariant leurs enfants – qui peuvent ou non avoir pris part à la décision.

Dans l’Europe préchrétienne, le mariage à l’intérieur du clan était courant, comme moyen de maintenir la propriété collective de la terre des ancêtres, qui y sont inhumés. Le mariage avec un membre de la belle-famille après le décès d’un conjoint était également admis, pour la même raison.

Si, dans les sociétés romaines et germaniques, la monogamie était la règle, rien n’interdisait le divorce ou les secondes épouses (concubines), notamment en cas d’infertilité ou pour s’assurer un héritier mâle.

Une stratégie d’héritage alternative était l’adoption, généralement encore au sein du clan. Cela était facilité par la pratique généralisée du fosterage, c’est-à-dire l’envoi d’enfants à la garde d’oncles maternels ou paternels jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge adulte (c’était particulièrement courant dans les sociétés britannique et irlandaise, comme cela ressort des romans « bretons »).

Cette interconnexion complexe des vivants s’organisait autour de l’axe vertical de la vénération des morts, qui unissait religieusement les communautés du niveau familial au niveau de la cité ou de la nation, en passant par le niveau clanique [8]. C’était si essentiel que deux clans qui voulaient faire alliance devaient souvent s’inventer un ancêtre commun.

La curie romaine a interdit toutes ces pratiques et, ce faisant, a détruit la structure clanique traditionnelle de la société européenne. L’anthropologue et historien Jack Goody a documenté cette attaque systématique contre la parenté dans The Development of the Family and Marriage in Europe (traduction française : L’Évolution de la famille et du mariage en Europe), et plus récemment dans The European Family : an historico-anthropological essay. Le professeur de Harvard Joseph Henrich s’est appuyé sur ses travaux et d’autres dans The WEIRDest People in the World.

 

Comment l’Église a pris le contrôle du mariage

Dans son livre séminal Le Chevalier, la Femme et le Prêtre. Le mariage dans la France féodale, l’historien Georges Duby a documenté la prise en charge de l’institution du mariage par l’Église d’Occident, du haut en bas de l’échelle sociale. Cela a vraiment commencé au Xe siècle : « Dans la France du Nord, au IXe siècle, le mariage était de ces affaires dont les prêtres ne se mêlaient encore que de loin. Nulle mention de bénédiction nuptiale dans les textes, sinon à propos des reines, et ne constituant dans ce cas qu’un élément du rituel du sacre, de la consécration. » [9] Ce n’est pas avant le concile de Vérone en 1184 que le mariage fut institué comme sacrement.

Mais l’Église avait depuis longtemps commencé à légiférer sur le mariage, décidant quelles unions étaient valides et quels descendants étaient légitimes. En s’insérant ainsi dans le tissu de la vie domestique, l’Église acquérait un grand contrôle sur la structure même de la société. Les nouvelles règles comprenaient ce qui suit :

- L’autorité des parents et des proches sur le mariage des jeunes a été réduite. L’Église désapprouvait les mariages arrangés et autorisait les conjoints à se marier sans l’approbation de leurs parents.
- Le divorce et le remariage ont été rendus presque impossibles, ne laissant aucune solution d’héritage pour les mariages stériles. Le mariage pouvait être contracté par consentement mutuel seul, mais ne pouvait pas être rompu par consentement mutuel.
- La monogamie stricte a été imposée et la prise de secondes épouses ou concubines condamnée.
- Le mariage entre beaux-parents après le décès d’un conjoint, aussi courant en Europe qu’au Moyen-Orient, était déclaré incestueux : en droit canonique, le frère de votre mari devenait comme votre vrai frère.
- Le mariage avec des parents spirituels (parrain ou marraine) était également tabou, qu’ils soient consanguins ou non.
- L’adoption, largement pratiquée dans le monde romain comme stratégie d’héritage, fut sévèrement limitée. Le droit canonique liait toutes les formes d’héritage directement à la lignée généalogique de descendance.
- Plus important encore, le mariage au sein de la parenté fut interdit et l’interdiction fut progressivement étendue jusqu’au septième degré. Ce tabou sur les mariages entre personnes partageant un ou plusieurs de leurs 128 arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grands-parents, rendait le mariage pratiquement impossible dans votre propre village, en théorie du moins. En pratique, cela offrait aussi à l’Église un moyen de pression sur les familles aristocratiques.
- À cette liste s’ajoute la condamnation de toutes les formes de vénération des ancêtres, désormais assimilées à la nécromancie et au culte des démons. La memoria ritualisée des ancêtres, clé de l’unité spirituelle des familles et des clans, a été plus intensément réprimée en Occident sous l’influence d’Augustin, alors qu’elle a réussi à survivre dans une certaine mesure dans l’orthodoxie orientale (en particulier dans la Slava serbe). J’en ai parlé dans « Éloge du culte des ancêtres ».

L’application progressive de ces lois a transformé la société en profondeur. Le noble objectif était de briser les identités claniques, tribales et nationales, afin d’unir tous les chrétiens en une seule grande famille aimante, chaque personne étant déracinée de la lignée du péché originel et greffée (born again) en Christ par le baptême.

Mais il y avait aussi une incitation économique. Comme le dit Jack Goody : « Interdire le mariage entre proches, faire obstacle à l’adoption, condamner la polygynie, le concubinage, le divorce et les secondes noces, c’est hausser à quarante pour cent le nombre des familles sans successeurs mâles immédiats. » [10] Avec la privatisation croissante de la propriété, les testateurs devenaient libre de céder ce qu’ils voulaient aux institutions cléricales, et l’aliénation des biens au profit de l’Église était grandement facilitée. Sur le plan légal, l’Église s’est instituée légataire universel [11]. La stratégie était parfois explicite :

« Salvianus, évêque de Marseille au Ve siècle, explique que tous les biens matériels de l’homme lui viennent de Dieu et qu’ils doivent retourner à Dieu. S’il était permis de faire une exception pour ses propres enfants, cela n’était pas vrai pour les héritiers collatéraux ou fictifs. En effet, il se réfère aux enfants adoptés comme des "enfants de parjure" qui volent Dieu (ou son Église) de ce qui lui revient de droit. Cette déclaration explique clairement pourquoi l’adoption devrait être interdite, dans l’intérêt de l’Église et de la spiritualité. La confrontation avec les pratiques passées est très explicite et eut une énorme influence sur l’avenir ; même s’il y a eu quelques exceptions par la suite, l’interdiction a été largement respectée dans toute la chrétienté au cours des siècles. » [12]

Naturellement, les riches avaient particulièrement besoin de salut, car il leur est plus difficile d’entrer au Ciel qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Ils pouvaient résoudre leur problème en donnant leurs richesses à l’Église. Les modèles ne manquait pas. Considérez le cas de saint Paulin de Nole, un aristocrate romain qui, en 394, décida de suivre les conseils de Jésus et d’amasser des « trésors dans le ciel » pour lui-même en donnant toute sa fortune familiale. Peu de nobles suivirent intégralement l’exemple de saint Paulin. La plupart préféraient rester riches toute leur vie, et ne décharger leur âme qu’au seuil de la mort, mais pas au point de déshériter leurs enfants. Dans son acte de fondation de l’abbaye de Cluny, Guillaume Ier, duc d’Aquitaine, déclare qu’il a agi « pour pourvoir à [s]on salut » et « au profit de [s]on âme », car « la providence de Dieu a ainsi pourvu à certains hommes riches qui, au moyen de leurs possessions passagères, s’ils en usent bien, pourront peut-être mériter des récompenses éternelles » [13].

C’est ainsi que, par le commerce du salut, l’Église est devenue le plus grand propriétaire terrien d’Europe. « À la fin du XIIe siècle », écrit Robert Moore, « les églises possédaient peut-être le tiers des terres cultivées du nord de la France, et probablement environ la moitié du sud de la France et de l’Italie » [14]. La propriété de l’Église (détenue par toute institution cléricale comme les évêchés ou les monastères) fut déclarée inaliénable : au Concile de Lyon de 1274, Grégoire IX interdit la donation, la vente, l’échange et le bail perpétuel (emphytéose) des biens de l’Église [15]. L’inaliénabilité signifie que l’Église est une personne morale qui n’est pas sujette à la mort (exactement ce que les clans essayaient d’être avant que l’Église ne déclare que seuls les individus et elle-même étaient des êtres éternels).

L’obligation du célibat pour tous les hommes d’Église, article central de la réforme grégorienne, a contribué à rendre les biens de l’Église inaliénables, car les clercs ayant charge de famille avaient une fâcheuse tendance à transmettre les biens dont ils avaient la charge à leurs enfants. Comme l’a expliqué l’historien Henry Charles Lea : « Le moyen le plus simple de conjurer le danger était de décharger les ecclésiastiques de la paternité, et, en coupant tous les liens de famille et de parenté, de les lier complètement et pour toujours à l’Église et à elle seule. » [16]

En vérité, les papes et les cardinaux réformateurs les plus zélés n’étaient pas les plus exemplaires. Loin d’être détachés des liens familiaux, ils avaient remplacé la simonie occasionnelle par le népotisme institutionnel. Pour la grande majorité des familles baronniales romaines, écrivent Sandro Carocci et Marco Vendittelli, « l’élément moteur, le facteur déterminant de la grandeur familiale doit [...] être justement cherché dans le népotisme d’un parent élu au Sacré Collège, ou à la dignité pontificale. Innocent III et Boniface VIII ont construit la fortune des Conti et des Caetani à partir de rien, comme l’on fait d’ailleurs les cardinaux Boccamazza et Romani, qui réussirent à élever leurs familles auparavant modestes au rang baronnial. » [17]

 

Le cerveau WEIRD

 

Je reviens maintenant au livre de Joseph Henrich, The WEIRDest People in the World, dont le succès est largement mérité. On y trouve une documentation très riche sur les liens de causalité entre l’histoire religieuse, les structures de parentés et la psychologie. Henrich est à l’origine de l’acronyme WEIRD pour signifier « Western, Educated, Industrialized, Rich, and Democratic », et pour souligner en même temps que, malgré leur tendance à se considérer comme la norme, les Occidentaux sont les exceptions (weird signifie bizarre en anglais), se situant, en moyenne, à une extrémité de l’échelle holisme-individualisme :

« Contrairement à une grande partie du monde aujourd’hui, et à la plupart des peuples qui ont jamais vécu, nous, les WEIRDs, sommes très individualistes, égocentriques, axés sur le contrôle, non conformistes et analytiques. Nous nous concentrons sur nous-mêmes – nos attributs, nos réalisations et nos aspirations – plutôt que sur nos relations et nos rôles sociaux. Nous visons à être "nous-mêmes" dans tous les contextes et regardons les variations de comportement chez les autres comme de l’hypocrisie plutôt que de la flexibilité sociale. [...] Nous nous considérons comme des êtres uniques, et non comme des nœuds dans un réseau social qui s’étend dans l’espace et dans le temps. » [18]

Notre psychologie unique est le produit de notre histoire culturelle unique. Des recherches récentes montrent que « vous ne pouvez pas séparer la "culture" ​​de la "psychologie", ou la "psychologie" de la "biologie", parce que la culture recâble physiquement notre cerveau et façonne ainsi notre façon de penser » [19] – non seulement ce que nous pensons, mais la manière dont nous pensons et dont nous ressentons le monde et nous-mêmes. Et aucun facteur culturel n’a d’effets plus profonds et persistants sur notre psychisme collectif que la structure des groupes de parenté :

« En intégrant les individus dans des réseaux denses, interdépendants et hérités de liens sociaux, les normes de parenté intensives régulent le comportement des gens de manière subtile et puissante. Ces normes motivent les individus à se surveiller de près et à surveiller les membres de leur propre groupe pour s’assurer que tout le monde reste en ligne. Elles confèrent aussi souvent aux anciens une autorité substantielle sur les membres juniors. Naviguer avec succès dans ces types d’environnements sociaux favorise la conformité aux pairs, la déférence envers les autorités traditionnelles, la sensibilité à la honte et une orientation vers le collectif (par exemple, le clan) plutôt que vers soi-même. » [20]

Henrich fournit des preuves mesurables de la façon dont « le démantèlement par l’Église de la parenté intensive dans l’Europe médiévale a poussé involontairement les Européens, et plus tard les populations d’autres continents, vers une psychologie plus WEIRD » [21]. Les études menées par l’équipe de Henrich et d’autres démontrent la persistance de cette causalité : « Plus longtemps une population a été exposée à l’Église d’Occident, plus ses familles sont faibles et plus ses schémas psychologiques sont WEIRD aujourd’hui. » [22] L’effet le plus significatif est le passage d’une « prosocialité interpersonnelle » à une « prosocialité impersonnelle » :

« La prosocialité impersonnelle concerne les principes d’équité, l’impartialité, l’honnêteté et la coopération conditionnelle dans des situations et des contextes où les relations interpersonnelles et l’appartenance à un groupe sont jugées inutiles ou non pertinentes. Dans des mondes dominés par des contextes impersonnels, les gens dépendent de marchés anonymes, d’assurances, de tribunaux et d’autres institutions impersonnelles au lieu de grands réseaux relationnels et de liens personnels. Les marchés impersonnels peuvent ainsi avoir un double effet sur notre psychologie sociale. Ils réduisent simultanément notre prosocialité interpersonnelle au sein de nos groupes et ils augmentent notre prosocialité impersonnelle avec notre entourage et avec les étrangers. » [23]

Paradoxalement, l’effondrement de l’hégémonie catholique à l’époque moderne a accéléré la transformation mentale de l’Europe vers plus d’individualisme, en rehaussant encore la valeur sacrée de l’individu. Le protestantisme a boosté nos tendances individualistes, car il insiste sur la vocation unique de chacun. Des études confirment que « les protestants sont plus concentrés que les catholiques sur les états intérieurs, les croyances, les sentiments et les dispositions des gens » [24].

Parmi les facteurs qui ont contribué à la désintégration de la parenté intensive, Heinrich insiste sur l’imposition par l’Église de normes extrêmes d’exogamie. En effet,

« quelqu’un qui cherchait un conjoint au XIe siècle devait théoriquement exclure en moyenne 2 730 cousins [au sens large] ​​​​et potentiellement 10 000 parents au total comme candidats, y compris les enfants, les parents et les conjoints survivants de tous ces parents. Dans le monde moderne, avec des villes peuplées de millions d’habitants, nous pourrions facilement gérer de telles interdictions. Mais, dans le monde médiéval des fermes dispersées, des villages intimes et des petites villes, ces interdictions forçaient les gens à trouver des étrangers chrétiens d’autres communautés, souvent dans différents groupes tribaux ou ethniques. Je suppose que ces effets ont été ressentis le plus fortement dans les couches économiques moyennes, parmi celles qui réussissaient suffisamment pour être remarquées par l’Église mais qui n’étaient pas assez puissantes pour utiliser la corruption ou d’autres influences pour contourner les règles. Ainsi, les prescriptions matrimoniales de l’Église ont probablement d’abord dissous la parenté intensive du milieu vers l’extérieur » [25].

Des études comparatives montrent que chaque siècle d’exposition à l’Église romaine réduit le taux de mariage entre cousins ​​(au sens large) de près de 60 %, et selon une étude réalisée dans les provinces italiennes en 1995, « plus la prévalence du mariage entre cousins ​​est faible dans une province, plus le taux des dons de sang volontaires à des étrangers est élevé » (un indicateur fort de prosocialité impersonnelle) [26]. Une autre étude statistique cognitive a montré que, dans les pays où le taux de mariage entre cousins est le plus haut, les gens montrent un mode de pensée plus holistique [27].

Il est facile de comprendre, disons-le en passant, pourquoi les communautés musulmanes sont plus holistiques et interpersonnelles que les communautés chrétiennes. Non seulement l’islam met davantage l’accent sur la communauté que sur l’intériorité, mais, comme le résume Thomas Glick dans Islamic and Christian Spain in the Early Middle Ages : « L’islam a fourni un cadre qui légitimait les valeurs tribales et leur donnait une signification religieuse ; le christianisme avait tendance à travailler dans la direction opposée. » [28] Tous les Européens peuvent aujourd’hui constater que les familles arabo-musulmanes sont très soudées par le principe généalogique, et méprisent nos valeurs individualistes. Et chacun peut sentir la confiance croissante que beaucoup de musulmans issus de l’immigration tirent de leur solide cohésion familiale, au milieu de notre liquéfaction.

 

 

Joseph Henrich a le mérite de remettre en cause l’ethnocentrisme occidental et de pointer la « bizarrerie » (weirdness) de notre système de valeurs. Mais bien qu’il n’exprime aucune sympathie pour l’Église catholique, il a une appréciation plutôt positive du type d’individualisme qu’elle a produit « par inadvertance » (inadvertently). Il ne s’attarde pas sur son coût élevé, tant pour l’Occident que, par contagion, pour le reste du monde. En diluant la solidarité de sang, soutient-il, l’Église a créé des besoins et des opportunités pour de nouvelles formes de solidarité, de coopération et de partenariat : « L’idée même qu’une personne peut agir librement, indépendamment de ses clans, parentés ou lignages, pour conclure des accords socialement isolés (contrats), présuppose un monde inhabituellement individualiste d’échanges impersonnels. » [29] C’est ainsi que sont nés au second millénaire les communes, les corporations, les guildes et les universités. » [30]

Le relâchement des loyautés familiales a également conduit à de nouveaux concepts de gouvernement : « Les gens ont commencé à réfléchir aux notions de droits individuels, de libertés personnelles, de primauté du droit et de protection de la propriété privée. » [31] Cela est résumé dans la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 : « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes [self-evident] les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Ici, Henrich commente avec pertinence :

« Du point de vue de la plupart des communautés humaines, l’idée que chaque personne a des droits ou des privilèges inhérents déconnectés de ses relations sociales ou de son héritage n’a rien d’évident. Et d’un point de vue scientifique, aucun "droit" n’a encore été détecté dans notre ADN ou ailleurs. Cette idée fonctionne parce qu’elle fait appel à une psychologie culturelle particulière. » [32]

Pour le dire plus crûment, cette pure abstraction est totalement déconnectée de la réalité anthropologique, et la psychologie culturelle particulière qui la soutient est dangereusement délirante. Sans parler de l’hypocrisie colossale qu’il faut pour écrire une telle profession de foi tout en privant les Amérindiens de leurs droits naturels sur leur terre ancestrale et en important des esclaves africains pour faciliter la recherche du bonheur des hommes blancs [33]. Les États-Unis ont été fondés sur un mensonge qui revient aujourd’hui les hanter.

On ne peut contester, je crois, la créativité presque surhumaine que l’Occident a développé grâce à son individualisme d’inspiration chrétienne. Mais on doit aussi admettre l’extrême tension que celui-ci a engendré dans l’organisme social. Le Weird West peut se comparer à un athlète ou un artiste dopé qui doit maintenant payer son succès de sa santé mentale et physique. Nous commençons maintenant à ressentir les symptômes de sevrage, et peut-être même les lésions cérébrales irréversibles. Nous sommes rattrapés par la réalité anthropologique (autrement connue sous le nom de « nature humaine »). Nous avons construit un nouveau monde, mais nous découvrons maintenant qu’il nous a déconstruits en tant qu’êtres humains.

Mais est-il juste de blâmer le christianisme pour la phase terminale de notre individualisme ? Non. Le christianisme n’a jamais encouragé la confusion entre les hommes et les femmes, par exemple (même s’il n’a jamais expliqué la différence entre une âme masculine et une âme féminine, ce qui aurait pu être utile). Notre infirmité est largement causée par les attaques d’une élite étrangère et hostile, adoratrice du dieu sociopathe. Je suis au courant : j’ai plus écrit sur ce sujet que sur tout autre. Mais c’est justement pourquoi nous avons besoin de notre système immunitaire. Le système immunitaire naturel d’une société saine n’a jamais été « l’identité raciale », mais plutôt l’identité généalogique, qui possède une dimension verticale (lignage) et une dimension horizontale (parenté). Et le christianisme occidental, ou plus précisément la papauté médiévale, est responsable de la destruction de ce système immunitaire, à la fois verticalement et horizontalement, délibérément et systématiquement. Mille ans de papisme et de ses conséquences a érodé notre tissu social basé sur les réseaux de parenté, et nous a ainsi rendus extrêmement vulnérables à la manipulation et à la domination d’une élite intensément (mais secrètement) clanique et tribale. À moins de réfléchir humblement à la question du « terrain » (et pas seulement à celle du pathogène), nous continuerons de paver le chemin de l’enfer pour nos enfants, au nom de Jésus ou des droits de l’homme.

Que faire ? Je suis meilleur en théorie qu’en pratique, et je vous laisse réfléchir à la question. Mais une chose me semble certaine : le mariage fut, est, et sera toujours la clé de voute de l’édifice social. C’est là que doivent se nouer les liens généalogiques.

Laurent Guyénot

 

Notes

[1] Christopher Coker, The Rise of the Civilizational State, Polity, 2019.

[2] Joseph Henrich, The WEIRDest People on the World : How the West Became Psychologically Peculiar and Particularly Prosperous, Farrar, Strauss and Giroux, 2020, p. 161.

[3] Alain de Benoist, Famille et société : Origines, histoire, actualité, Le Labyrinthe, 1996 ; David Brooks, “The Nuclear Family was a Mistake,” March 2020, https://www.theatlantic.com/magazin...

[4] Robert I. Moore, The First European Revolution, c. 970-1215, Basil Blackwell, 2000. Traduction française : Robert I. Moore, La Première révolution européenne, Xe-XIIIe siècle, Seuil, 2001.

[5] Louis Dumont, « La genèse chrétienne de l’individualisme moderne, une vue modifiée de nos origines », Le Débat, 15, septembre-octobre 1981, repris dans Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Seuil, 1983, p. 35-81, sous le titre « De l’individu-hors-du-monde à l’individu-dans-le-monde ».

[6] Michael Mitterauer and Reinhard Sieder, The European Family : Patriarchy to Partnership from the Middle Ages to the Present, University of Chicago Press, 1982, p. 29.

[7] Guillaume Durocher, The Ancient Ethnostate : Biopolitical Thought in Classical Greece, Kindle Direct publishing, 2021, p. 41.

[8] Numa-Denis Fustel de Coulanges, La Cité antique (1864), sur remacle.org.

[9] Georges Duby, Le Chevalier, la Femme et le Prêtre. Le mariage dans la France féodale, Hachette, 1981, p. 38.

[10] Jack Goody, L’Évolution de la famille et du mariage en Europe, Armand Colin, 1985, p. 44.

[11] “How the Church Preempted the Marriage Market” in Robert Ekelund, Jr., Robert Hébart, Robert Tollison, Gary Anderson, et Audrey Davidson, Sacred Trust : The Medieval Church as an Economic Firm, Oxford UP, 1996, pp. 85-112.

[12] Jack Goody, The European Family : an historico-anthropological essay, Blackwell, 2000, p. 35.

[13] https://media.bloomsbury.com/rep/fi...

[14] Moore, The First European Revolution, op. cit., p. 12.

[15] https://www.newadvent.org/cathen/12...

[16] Henry Charles Lea, An Historial Sketch of Sacerdotal Celibary in the Christian Church, 1867, pp. 64-65, cité par Goody, The Development of the Family and Marriage in Europe, op. cit., p. 81.

[17] Sandro Carocci and Marco Vendittelli, « Société et économie », in André Vauchez, dir., Rome au Moyen Âge, Éditions du Cerf, 2021, pp. 127-188 (p. 163).

[18] Henrich, The WEIRDest people in the World, op. cit., p. 21.

[19] Henrich, The WEIRDest people in the World, op. cit., p. 16.

[20] Ibid., p. 198.

[21] Ibid., p. 193.

[22] Ibid., p. 252.

[23] Ibid., p. 299.

[24] Ibid., p. 420.

[25] Ibid., p. 179.

[26] Ibid., pp. 226, 240.

[27] Ibid., p. 222.

[28] Thomas Glick, Islamic and Christian Spain in the Early Middle Ages, Princeton UP, 1979, pp. 141-142.

[29] Joseph Henrich, The WEIRDest people in the World, op. cit., p. 427.

[30] Ibid., p. 355.

[31] Ibid., p. 320.

[32] Ibid., p. 400.

[33] J’emprunte cette remarque à Emmanuel Todd : « La valeur d’égalité a été donnée aux États-Unis par le racisme, c’est-à-dire que l’existence d’Indiens ou d’esclaves noirs a permis la définition d’une égalité blanche » (conférence au Dialogue Franco-Russe du 14 octobre 2021, « L’amour vache des États-Unis », à 30 minutes sur https://www.youtube.com/watch?v=DgC...).

Voir aussi, de Laurent Guyénot, sur E&R :

 
 






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76 Commentaires

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  • #3191592
    Le 9 juin 2023 à 14:06 par anonyme
    De l’eau dans le sang

    Oui la stabilité généalogique prime d’abord sur la race. Il n’y a pas d’égalité entre blancs (sauf quand il n’y avait que ça , donc forcément puisque pas d’autres races à l’horizon) et il n’y en a jamais eu car les rapports économiques l’emportent systématiquement. Comme disait Alain Soral : "Marx encule Hitler".
    Un blanc riche à plus d’intérêts avec un noir riche qu’avec un blanc pauvre. C’est pour cela que les nazillons gogols 88 ont l’impression qu’il y a une solidarité raciale entre blancs (entre eux) car ils sont tous des incels prolétaires frustrés qui ne parlent qu’entre eux.

     

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    • #3191736
      Le Juin 2023 à 17:34 par pex
      De l’eau dans le sang

      Bien dit en effet, l’illusion de la solidarité raciale. La bourgeoisie hitlérienne aimait plus la bourgeoisie anglaise que ses propres prolos allemands à part pour s’en servir comme chair à canon, jusqu’aux derniers gamins naïfs qui s’engageaient pour défendre Berlin alors que le haut du panier nazi savait très bien qu’ils allez tous crever pour rien.

       
    • #3191747
      Le Juin 2023 à 17:46 par anonyme
      De l’eau dans le sang

      Faux ! La solidarité et l’harmonie sociale ne peut exister que dans une société ethniquement homogène ! Pas la peine de nous recracher du soral mal digéré !

       
  • #3191922
    Le 10 juin 2023 à 00:48 par Robert
    De l’eau dans le sang

    Le problème avec ce type d’analyse critique de l’Église, c’est que la massonerie est tellement présente partout dans la société, y compris dans l’Église, et jusqu’au plus haut niveau, on ne peut jamais savoir si l’analyse critique est fondée, ou si c’est pas une tentative de plus de diaboliser l’Église.

    Ce long article est un condensé confus de plusieurs sujets. A propos de l’individualisme, le prêtre rappelle régulièrement le devoir de charité, le devoir d’aider son prochain. Ce n’est pas de la faute de l’Église si les gens ne s’éduquent pas, interprètent mal le message et décident d’accueillir dans le salon ce migrant africain musulman (qui est le contraire de proche), et marche sur le mendiant devant chez lui (qui lui, est très proche). A propos du marriage, tel que requis par l’Église, ca me paraît la forme optimale pour construire des sociétés solides : une seule femme, faire plein d’enfants, et s’engager à rester avec pour la vie. L’opposé, que l’auteur ici semble préférer, ca donne les sociétés afro, avec des mères célibataires, des enfants sans père, qui trouvent leur figure paternelle avec le gangster du quartier. A l’époque de mes arrieres grand parents, 7 enfants était la norme.
    A propos des "weird", la on ne parle plus de l’Église mais de l’occident tout court. Il me semble que les pays nordiques n’ont pas été christiannisés, pourtant ils sont autant individualistes, et encore plus gauchistes qu’ailleurs.
    Y’aurait encore tellement a dire sur cet article. La société dechristianisée, c’est celle d’aujourd’hui, j’ai pas l’impression que c’est mieux que la société d’antan.
    Les explications aux problèmes mentionnés sont multiples, et à chercher du côté de l’avancée technologique, de l’urbanisation, de la globalisation, de la proximité liée aux transports modernes (le type qui vit à 100km, c’est ton voisin, il est qu’à 1h de route de chez toi), et des facteurs externes, qu’on ne peut pas mentionner car pas politiquement correct. Disons, un groupe qui a un agenda de destruction de l’occident chrétien.

     

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  • #3192496
    Le 11 juin 2023 à 00:59 par Joss75
    De l’eau dans le sang

    Encore un article profond de Monsieur Guyénot ; il mérite une lecture très attentive avant de lâcher ses propres" réactions " peut être pas assez mûries .Plutôt que d ’ y réagir j en isole des éléments qui me paraissent saillants , sujets chacun à d ’ amples méditations . Ainsi cette thèse que Monsieur Guyénot rappelle simplement mais sans y souscrire que "le christianisme religion de la négation de la vie a affaibli la race " d ’ou que " les aryens présentent aujourd hui des traits d ’imbécilité ou de désir de mort latent " . Le christianisme présente en effet la morale la plus haute : le pardon des offenses , c est contre naturel ( Celine dit faites le mal vous le paierez , faites le bien vous paierez le double ! mais il a fait le Bien !. Autre point que j ’isole est que le christianisme , religion du salut individuel ne reconnait pas de races , pas de nations , pas de sexes , mais l ’ homme universel des droits de l ’homme ( St Paul : il n ’y a plus ni races , ni juifs . . . ) donc plus de clans cette structure fermée sur elle même , "en porc épique " (expression d ’A Peyrefitte ) . Autre trait encore " la papauté au niveau du sacré collège cultivait le népotisme " , népotisme que la "nouvelle élite étrangère ", et tribaliste , cultive de manière systématique en trustant toutes les hautes et bonnes places . Enfin dernière idée : "l ’individualisme a été comme un dopage pour l ’occident qui grâce à lui , a produit des floraisons de génies , et cela se paie un jour en maladie ( mentale aussi ) , principe de tout dopage . Il faut accepter la décadence juste retour des productions du Génie , : grandeurs et ombres . Monsieur conclut par "quelles solutions pour un système immunitaire qui sauverait tant soit peu l ’avenir de nos enfants ?. . . Lui l ’historien pourrait répondre : l ’étude de l ’histoire avant tout ! soit l ’héritage spirituel précieux de "nos aieux " qui le deviennent même de ceux qui sont venus du maghreb . . . car c ’est à eux aussi qu ’il est remis . L ’ étude de histoire ,c ’est de l ’amour . Aimer rend faible et peut amener à la croix mais amène une vraie victoire . Les grands génies de l ’occident étaient possédés par cette passion . Le consumérisme a éteint l ’amour , la douceur que hait la modernité mais aussi la flamme ,la passion , l enthousiasme , l ’énergie créatrice ; le christianisme c ’est l individualisme sans l ’égoisme personnel et bas .

     

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    • #3192801
      Le Juin 2023 à 15:33 par Jerem33
      De l’eau dans le sang

      Je crois qu’en fait, toute la difficulté pratique du christianisme a été d’arriver à faire des hommes des "Dieux" à l’image de jésus christ sans omettre la tragique condition humaine.... C’est-à-dire, sa mortalité en tant que créature fini propre à l’humanité.

      "Être du Monde sans être du Monde" en somme. Numéro d’équilibriste Oh Combien difficile à tenir pour le commun des mortels...

       
  • #3192591
    Le 11 juin 2023 à 08:56 par Zu Ghe Liang
    De l’eau dans le sang

    Nous avons peut-être besoin de nos "cousins" du grand continent eurasien, en particulier de la Russie jusqu’à l’Extrême-Orient, qui eux ont gardé des liens verticaux, claniques et traditionnels forts, parfois en symbiose avec le christianisme (par ailleurs, le taoïsme explique bien le "sexe des âmes"). Si la France a besoin d’immigration pour fonctionner, je pense qu’il faut arrêter le flot qui provient de l’axe Afrique-Moyen-Orient et privilégier cet autre axe dont je parle. Je pense notamment aux 100M de Vietnamiens, population jeune et besogneuse dont beaucoup rêveraient de vivre en France, qui, malgré l’histoire et l’éloignement, sont bien plus proches des Français que ce que l’on pourrait croire et dont les qualités d’assimilation ne sont plus à prouver. Mettez 100 000 Vietnamiens dans le 93 et laissez opérer leur esprit clanique et leur abnégation, je vous parierais que cela résoudrait de nombreux problèmes.

     

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  • #3192627
    Le 11 juin 2023 à 10:16 par JL29
    De l’eau dans le sang

    Le catholicisme c’est une chose, aller à la Messe tous les dimanches pourquoi pas ? ça ne mange pas de pain, comme dirait l’autre, marcher dans les pas de JC tous les jours de la semaine, c’est autre chose.

     

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    • #3192783
      Le Juin 2023 à 14:44 par vapincum
      De l’eau dans le sang

      " ça ne mange pas de pain", l’expression est plutôt mal choisie parlant de la messe...

       
  • #3192719
    Le 11 juin 2023 à 12:27 par Thibaut
    De l’eau dans le sang

    Bonjour,

    "Catholique" vient du latin catholicus , issu du grec ancien καθολικός , katholikós (« général, universel »). Effectivement, rien de clanique.

    En revanche, humblement, le catholicisme n’est pas l’apogée de l’individualisme. Le catholicisme est un progrès, il permet de dépasser son instinct animal et tribal. Le catholicisme n’est qu’une manière de tempérer la loi du plus fort par l’amour du Christ que nous nous devons de témoigner les uns envers les autres.

    L’article est excellent. Seulement je pense qu’il faut différencier le message du Christ par celui de l’Eglise, corrompue et dogmatique, depuis toujours.

     

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  • #3192904
    Le 11 juin 2023 à 19:33 par Le grand ménage
    De l’eau dans le sang

    J’ai remarqué qu’il y avait une offensive de l’extrême droite païenne contre le Catholicisme ces derniers temps.
    Ça crache sur la religion de nos pères alors qu’on sait très bien qui est derrière la dérive matérialiste et individualiste de l’occident. Le protestantisme et son maître anti-spirituel qu’il est interdit d’accuser sans finir au tribunal soi-même sont les principaux responsables de ce glissement et de l’infiltration de l’église par la pourriture maçonnique qui est la courroie de transmission de qui l’on sait.

    Ce n’est pas parce-que l’église Catholique est complètement dégénérée, gauchisée et invertie aujourd’hui qu’il faut oublier qu’elle fût l’ennemi numéro un des ennemis de l’humanité et qu’elle est juste à terre après s’être fait vider de sa substance.
    Si ça vous amuse de tirer sur un cercueil qui contient ce qui fait nos racines profondes, une certaine concorde sociale et morale, grand bien vous fasse.
    On se sert dans ces milieux de l’idée malhonnête que le christianisme serait une continuité du judaïsme alors que c’est plutôt une rupture, ce qui explique la haine millénaire de nos ’’amis’’ envers les nations particulièrement catholiques.
    Dire que l’individualisme est lié à la recherche du salut ça ne me convainc absolument pas. Cette recherche du salut de son âme peut justement passer par le dévouement au collectif.
    On peut trouver dans chaque chose les racines de tous les maux si on va par là.

     

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  • #3193121
    Le 12 juin 2023 à 10:16 par Atos, Portos et Aramis
    De l’eau dans le sang

    Bonjour Mr Laurent Guyénot , merci pour ce nouveau texte tout aussi intéressant et clairvoyant que le précédent.

    Avez vous pu lire " l’Invention de l’Europe " d’Emmanuel Todd ?
    Votre texte m’y fait fortement penser sur bien des points.

    Cordialement

     

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    • #3195042
      Le Juin 2023 à 17:56 par Laurent Guyénot
      De l’eau dans le sang

      Oui, je l’ai lu, un peu en biais pour les parties statistiques. C’est intéressant, mais j’avoue ne pas être totalement convaincu par son approche un peu mono-déterministe de l’histoire (mais le même reproche peut être fait à Henrich, et donc à mon article). Ainsi, si on suit la logique de Todd, Luther n’est pour rien dans la Réforme protestante, et d’une manière générale, les grands hommes ne font pas l’histoire. Sa thèse selon laquelle la famille souche (système familial autoritaire et inégalitaire) mène au protestantisme (Dieu autoritaire qui décide qui est sauvé et qui est damné) me semble non falsifiable et donc non scientifique. On pourrait tout aussi bien affirmer que le même système familial favorise la soumission à l’autorité papale. Donc je doute : corrélation ne signifie pas causalité. Ce n’est pas à mon avis la thèse la plus convaincante de Todd, même s’il a le mérite de souligner l’extraordinaire persistence, dans une sorte d’inconscient collectif, des systèmes de parenté.

       
  • #3194735
    Le 15 juin 2023 à 07:05 par swz
    De l’eau dans le sang

    Le problème des sociétés claniques donne des mariages endogames avec des cousins germains entrainant des malformations congénitales ! L’exemple extreme vient de l’ancienne Egypte où le Pharaon se marie avec sa soeur pour perpétuer la dynastie, pour éviter la disparition de la noblesse royale en cas de mariage avec une roturière ! Ce type de mariage semble prépondérant au Proche Orient et en Afrique du Nord. Donc l’Eglise catholique a fait oeuvre de santé publique en réduisant l’endogamie porteur des dégénérescences congénitales sauf pour le cas de la noblesse où les nobles se marient entre eux et entre cousins ! De plus l’aspect révolutionnaire du christianisme catholique et orthodoxe est tempéré, limité par la référence à la Tradition, ce qui n’est pas le cas du protestantisme qui ne peut se raccrocher à aucune tradition du christianisme ou à aucun apotre ! La preuve nous est donnée avec Vatican II qui s’ouvre au monde moderne entrainant la mort de la Tradition et la crise de l’Eglise catholique depuis cette date.

     

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  • #3201578
    Le 27 juin 2023 à 17:29 par Clemens
    De l’eau dans le sang

    La grande émergence de l’individualisme occidental a eu lieu dans la Rome antique. On le voit par exemple très bien chez Catulle, un romain du Ier siècle avant J.-C. :

    Moineau, délices de mon amante, compagnon favori de ses jeux, toi qu’elle met sur son sein, toi à qui elle donne le bout de son doigt à baiser, et dont elle provoque les ardentes morsures, lorsqu’elle s’efforce, - elle, mon doux désir, - par je ne sais quels tendres ébats, de soulager un peu sa douleur ; puissé-je jouer avec toi comme elle et alléger ainsi les peines de mon âme triste.

    Pleurez, Vénus, Amours, et vous tous, tant que vous êtes, hommes qui aimez Vénus ! Le moineau de mon amante est mort, le moineau, délices de mon amante, lui qu’elle aimait plus que ses propres yeux ! Il était aussi doux que le miel, il connaissait sa maîtresse comme une petite fille connaît sa mère ; il ne quittait jamais son giron, mais sautillant tantôt par-ci, tantôt par-là, pour elle seule il pépiait sans cesse ! Et maintenant, il va par la route ténébreuse au pays d’où l’on dit que ne revient personne. Ah ! maudites soyez-vous, males ténèbres d’Orcus, qui dévorez tout ce qui est joli ; il était si joli le moineau que vous m’avez enlevé ! O malheur ! pauvre petit moineau ! c’est pour toi que maintenant les beaux yeux de mon amie sont gonflés et tout rouges de larmes !

    Mais maintenant je te connais ! Aussi, quoique je brûle et me consume plus que jamais, tu n’as plus pour moi ni les mêmes charmes, ni le même prix. - Comment cela peut-il être ! diras-tu. - C’est qu’une telle perfidie force ton amant à t’aimer davantage, mais à t’estimer moins.

    Je hais et j’aime. Comment cela est-il possible te demandes-tu peut-être…
    Je ne le sais, mais je le sens et je suis torturé.

    Lesbie médit de moi constamment et jamais ne tarit sur mon compte : que je meure si Lesbie ne m’aime pas. - La preuve ? - C’est qu’aussi bien moi-même je la maudis sans cesse, mais que je meure, si je ne l’aime pas !

    Tous les caractères de l’individualisme occidental sont déjà en place : narcissisme, sentimentalisme, émotivité, psychologisation, etc. Catulle est un romain plein d’humour, il n’y a aucun doute à ce sujet, mais les péripéties de sa vie affective, les aventures de son moi, sont aussi de notre siècle à nous, et sans que le christianisme y soit pour quelque chose...

     

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