Le 25 février 2024, Aaron Bushnell, 25 ans, militaire en service dans l’armée de l’air américaine, est mort après s’être immolé par le feu devant le portail de l’ambassade d’Israël à Washington, D.C., en signe d’opposition à la politique d’aide américaine dans le génocide perpétré par Israël en Palestine. Son dernier message posté sur Facebook était :
« Je le fais parce que je suis un être humain et que je ne peux pas rester silencieux face à l’injustice. Je le fais parce que je suis un soldat et que je ne peux pas rester fidèle à un gouvernement qui trahit ses propres valeurs et principes. Je le fais parce que je suis un martyr et que je ne peux rester en vie dans un monde qui tue les innocents et protège les coupables. Je le fais parce que je suis Aaron Bushnell et que c’est mon dernier acte de protestation. » [1]
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L’acte d’Aaron Bushnell n’est pas un suicide. C’est un acte hors catégorie, qui mérite une sorte de respect religieux, au minimum. Toute critique (« Il y a d’autre moyen de se sacrifier, etc. ») est sans prise sur lui, et ne peut que ridiculiser son auteur. Est-ce bien ou mal ? Là n’est pas la question. C’est un acte tragique. C’est, à mes yeux, un sacrifice héroïque, et Aaron est un héros au sens grec du terme, dont je rappelle la définition selon Lewis Farnell : « Une personne dont la vertu, l’influence ou la personnalité fut si puissante dans sa vie ou par les circonstances particulières de sa mort que son esprit est considéré après sa mort comme une puissance surnaturelle, exigeant vénération et propitiation. » [2] (c’est moi qui souligne).
L’auto-immolation d’Aaron est un acte de protestation politique, dans la tradition du moine bouddhiste Thich Quan Duc, qui s’est immolé par le feu à Saïgon en 1963 en protestation contre la répression anti-bouddhiste du président vietnamien, ou de et de Nhat Chi Mai en 1967 à Saïgon, à l’âge de 33 ans, en protestation contre la guerre du Viêt Nam, ou encore de Norman Morrison en 1965 devant le Pentagone, à l’âge de 31 ans, également en protestation contre la guerre du Viêt Nam.
Aaron Bushnell a donné sa vie pour son pays. Il a perçu si intensément l’injustice faite au peuple palestinien qu’il a refusé d’en être complice, en tant que citoyen et soldat américain. Ce refus était pour lui plus qu’un choix personnel, c’était un impératif moral absolu. Il l’a fait non seulement pour les Palestiniens, mais plus encore pour l’âme même de l’Amérique. Il l’a fait pour racheter son pays. Il est un martyr, c’est-à-dire, selon le sens étymologique, un témoin, le témoin d’une vérité dont tout Américain devrait pénétrer son âme.
Rendons-le immortel.
Aaron Bushnell a fait vœu suivant : « Si un jour les Palestiniens reprennent le contrôle de leur terre, et si les habitants de cette terre acceptent, j’aimerais que mes cendres soient dispersées dans une Palestine libre. » [3] Il a déjà sa rue à Jéricho-Ariha, en Cisjordanie occupée :
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