Louis Aliot, le plaignant dans l’affaire des propos outranciers d’Alain Soral, est allé se consoler devant le Mur des Lamentations. Du coup il a gagné.
Quand on voit la liste des procès intentés à Alain Soral, on a le vertige. Et on en tire une conclusion très simple : on peut le diffamer, mais lui ne peut pas diffamer. Ce qui donne une justice non pas à deux vitesses – ce serait déjà bien – mais à une justice à une vitesse, celle (par ordre d’apparition) de la mairie de Toulouse, de Louis Aliot, de Frédéric Haziza, de l’UEJF, de Caroline Fourest, de Bertrand Delanoë, de la LICRA, de Sébastien Thoen et Sandrine Sebbane, de Manuel Valls, d’Aymeric Chauprade, de Pierre Bergé et d’Arno Klarsfeld, objectivement unis dans une espèce de front néo-républicain. L’autre justice, à l’arrêt celle-ci, vaut pour Soral, lorsqu’il est agressé, menacé, injurié, ou diffamé.
La nouveauté, dans ces affaires qui interrogent la morale publique, et la conscience de chacun, si on veut être honnête, c’est l’irruption parmi les plaignants et les geignards d’un haut gradé du Front national, Louis Aliot. Le vice-président a essuyé en décembre 2011, dans l’Entretien de Noël, une bordée de jurons gaulois relativement sportifs. Chose courante dans un monde politique qui n’est pas exactement le couvent des Oiseaux : François Fillon traite carrément l’actuel président de la République de « salopard » et de « pervers » (Le Figaro du 29/01/15). Va-t-il encourir les mêmes foudres que le fondateur d’Égalité & Réconciliation ?
Les micro-affaires qui font les joies des journalistes avides de « off » finissent rarement devant le juge. Le 29 juin 2007, Patrick Devedjian avait qualifié Anne-Marie Comparini de « salope », sans trop qu’on sache si c’était une injure à l’élue, ou un compliment à la femme. Le Premier ministre Fillon décrétera « l’incident clos », faisant ainsi preuve, en bon chrétien, d’esprit de pardon. Le président Sarkozy déclenchera l’hilarité générale – pour qui connaît sa tendance à rabaisser son entourage – en déclarant « ce n’est pas une façon de parler aux femmes, ni à qui que ce soit d’autre ». Devedjian – longtemps trésorier du RPR – s’excusera, et tout rentrera dans l’ordre.
Au XIXe siècle, les plumes s’invectivaient d’un journal l’autre avec une férocité oubliée. Aujourd’hui, la pratique du duel étant interdite, les différends se règlent dans les prétoires, courage physique et pardon de grand seigneur n’ont plus cours. La critique politique est devenue condamnable, la liberté d’expression un risque. Dans ce concert de pleureuses, la parole publique se rétracte, craintive, calculeuse. Le niveau d’hypocrisie généré par cette démocratie faussement apaisée est tel que la première vérité qui s’envole se fait descendre à la chevrotine par les chasseurs attitrés du Système. Et si jamais on y ajoute une petite pointe d’antisionisme, alors là, c’est le bouquet final.
Devant un tel carpet bombing, il n’y a plus de doute : il faut éliminer le soldat Soral, dont la parole libre choque. En réalité, ce ne sont pas ses invectives qui scandalisent – puisqu’il en reçoit cent fois plus qu’il n’en donne –, mais bien le fond de son discours, trop subversif pour le pouvoir en place. La moindre glissade sémantique déchaîne la machine de répression médiatico-politico-judiciaire, où le journaliste se mêle au juge, et le juge au politique. Tenir, dans ces conditions, tient du miracle. Mais la Vérité est une transcendance qui donne à ses combattants une force indestructible, que les puissances du Système ne peuvent comprendre.
Le spirituel, c’est bien, mais il y a le réel…
La relaxe en octobre 2004 du « petit con » de Brigitte Bardot asséné au pauvre Marc-Olivier Fogiel n’aura pas suffi : Alain Soral, ainsi que le directeur de publication du site E&R, ont été condamnés en appel le 3 juin 2015. Les deux vilains devront chacun verser la somme de 7177,33 euros au plaintif, soit 14 354,66 euros au total. Ce qui fait cher l’insulte dévitalisée, « con » étant devenu quasiment affectueux : eh, cong !, comme s’apostrophent les pieds-noirs du Sud, à ne pas confondre avec Vietcong. Certes, il y avait le reste, les quolibets à la capitaine Haddock… à travers lesquels Soral dénonçait une tendance dangereuse du FN, incarnée par le même Aliot. Une sorte de personnalisation poussée de la critique politique, n’est-ce pas… Mais le FN a choisi : ce sera Aliot plutôt que Soral, ce qui a l’air de provoquer moins de blocages médiatiques et juridiques… mais un peu plus de cas de conscience, chez les militants. On mettra ça sur le compte de la realpolitik.
Tout le monde aura compris que le FN de 2015, même s’il est encore interdit de Knesset, s’éloigne du FN des années Jean-Marie, et de celui des années Soral, quand il conseillait son Président, qui avait alors pris un virage très social et… toute la gauche à contre-pied. En attaquant Soral, et en gagnant (enfin) un procès (grâce à l’arbitre), Aliot parachève la mue du FN, ou plutôt son recentrage sur l’échiquier politique. Et sans tomber dans la sionisation – osons le barbarisme – pure et dure, il devient progressivement siono-compatible. Et les moulinets anti-FN de notre ministre de la Guerre BHL ou du loukoum Boujenah ? Bah, ces reliquats de la vieille (ré)pression médiatique perdurent uniquement pour hâter ce changement. Pendant ce temps et derrière l’écran de fumée, l’éclaireur négociateur Zemmour est déjà en contacts beaucoup plus avancés… Les dernières diatribes anti-Soral et anti-Dieudonné servant en creux à blanchir, si l’on ose dire, encore un peu plus le FN. On a les diables qu’on peut.
De cette affaire sortiront au moins de vraies avancées pour la liberté d’expression. Si on ne pourra plus dire d’Aliot qu’il est :
le « con du mois »
un « colleur de timbres au départ »,
« dans la nostalgie de la colonisation, dans la haine de l’Arabe »
un « suceur de sionistes »,
un « crétin saboteur »,
« une saloperie »,
« un peu finalement le Marc Georges de Marine Le Pen »,
un « petit bonhomme » servant « de punching-ball, de défouloir et de crachoir assez pratique »
ou bien qu’il :
a « la capacité dialectique et la puissance d’élocution d’une moule marinière » ,
« incarne le fond du panier de la bêtise, et l’inverse même du génie français »,
on aura le droit de le traiter de :
« bras cassé »
« saboteur qui fait un sale boulot ».
Les grossièretés coûtant trop cher à Soral, lors du prochain entretien de Noël, il saura ce qu’il faut proférer : des insultes gratuites ! Allons, que les défenseurs rengainent leur Code pénal, ce n’est qu’une franchouillarde boutade. Notre ministre de la Justice Alain Jakubowicz a dit qu’on avait le droit : « Lâchez-vous, n’ayez pas peur de heurter ! »
Oui, enfin, on se méfie quand même. C’est peut-être un piège.
Et pendant que l’on fêtera Noël, en regardant la vidéo du diable, on aura une pensée pour le petit Louis, à qui l’on souhaite un peu en avance un joyeux Hanoucca, la Fête juive des Lumières. Il en aura besoin.
La demande de paiement reçue début octobre 2015 par le directeur de la publication du site Égalité & Réconciliation :
Le délibéré de la cour d’appel :