Dans La France périphérique - Comment on a sacrifié les classes populaires, le géographe Christophe Guilluy montre le délitement de la République. Salutaire.
En vérité, je vous le dis : si vous pensiez que la géographie consiste à remplir des fonds de cartes vierges, en y indiquant sommairement les fleuves et les montagnes, vous avez quelques décennies de retard. La géographie consiste pour l’essentiel à rendre compte de l’action humaine sur les paysages - "territoires", disent les géographes. Tant il est vrai que, des collines de Toscane dessinées de main d’homme pour ressembler à des courbes alanguies, aux horizons des friches industrielles de Lorraine et d’ailleurs, il n’est pas d’espace que nous n’ayons modifié, et dont l’étude rend compte exactement des humanités souffrantes ou conquérantes qui s’y sont succédé et qui y vivent.
Un hexagone dont le centre est à Paris et la périphérie partout ailleurs
Séance de rattrapage. Fernand Braudel, en 1993, invente la "ville-monde", ultime avatar de la mondialisation : "C’est sur ces territoires, explique Guilluy, que l’on assiste à une mutation, voire à un effacement du modèle républicain." Qu’est-ce à dire ? La géographie peut-elle rendre compte des politiques ? Oui-da ! "Politique de la ville, promotion d’un modèle communautariste, la gestion de la ville-monde passe par une adaptation aux normes anglo-saxonnes", écrit Guilluy. L’une des conséquences les plus radicales et les moins voyantes, c’est l’élimination du paysage des classes populaires.