On parle beaucoup d’un possible référendum sur le maintien de Grèce dans la zone euro actuellement. Même le Ministre allemand des finances, M. Schäuble, s’est prononcé en faveur d’une telle consultation.
Cette soudaine passion pour les référendums, survenant pratiquement dix années après le référendum français sur le projet de traité constitutionnel, est touchante. Les mêmes qui avaient tout fait pour que la parole du peuple français (55% de « non » ne l’oublions pas) soit oubliée se découvrent subitement une âme référendaire.
S’il n’y allait pas du sort de la Grèce, et des principes démocratiques, que l’Union européenne ne cesse de fouler aux pieds, il y aurait de quoi rire aux éclats. Et d’ajouter, à l’encontre de tous ces partisans nouveaux de la pratique référendaire, de ces hommes politiques qui viennent avec un grand sourire nous présenter leur nouvelles bonnes résolutions, « pas ça, pas vous ». Car, cette question des référendums est sérieuse. Il convient d’en clarifier les tenants et aboutissants.
Une option inapplicable.
En réalité, l’option d’un référendum sur une sortie de l’euro est inapplicable. Dans un texte posté sur un site de la gauche américaine, Stathis Kouvelakis écrit ainsi « Le temps est venu d’expliciter le contenu et d’expliquer la viabilité de la stratégie alternative, qui commence avec la double initiative de la suspension des remboursements de la dette et de la nationalisation des banques, et qui se poursuit, si nécessaire avec le choix d’une monnaie nationale approuvée par le public au cours d’un référendum populaire ». De fait, c’est aussi, entre autres, la position de Schäuble. Mais il convient de considérer deux facteurs qui – dans le cas de la Grèce – rendent justement le recours à une procédure référendaire inapplicable :
1 - Un référendum exige un minimum de campagne, d’une durée de 6 semaines (au plus juste) et plus probablement de 12 semaines. Or, les mécanismes de la spéculation monétaire se déclenchent à l’horizon de minutes, voire d’heures. La temporalité d’élections, aussi souhaitables soient elles, n’est tout simplement pas compatible avec le spéculation monétaire. Cette spéculation se manifestera avec une force extrême, sauf si l’on décide de fermer les marchés financiers grecs, et pas seulement les marchés obligataires mais aussi les marchés d’action. On est en présence d’un cas extrême de la spéculation, qui ne pourra être réduit par l’application d’un simple contrôle des capitaux. Il faudra fermer les marchés financiers. Mais, si la fermeture de tous ces marchés est possible, elle ne l’est que pour quelques jours ou l’on change progressivement de système économique. Si la Grèce (et n’importe quel autre pays) devaient laisser l’ensemble des marchés financiers fermés pour plusieurs semaines, on prend le risque de voire l’économie changer de nature, et les investisseurs déserter le pays. La conclusion s’impose alors d’elle-même : il n’est pas possible de tenir un référendum sans déclencher un spéculation massive, et cette spéculation non seulement sera très destructrice pour l’économie ou alors impliquera que le gouvernement ait recours à des modes de contrôles allant bien au-delà d’u simple contrôle des capitaux. Mais, cela aura alors des conséquences politiques importantes, qui sont de nature à fausser le résultat d’un tel référendum.
2 - Un référendum ne fait sens que dans la mesure où il permet une validation démocratique. Mais, un référendum qui se tiendrait en plein milieu d’une spéculation déchaînée ne permettrait pas aux règles de la démocratie de s’appliquer. On serait loin du débat ouvert que l’on est en droit d’attendre avant un référendum, et qui eut lieu dans le cas des deux référendums de 1993 (Maastricht) et de 2005 (sur le projet de traité constitutionnel). Dès lors, privé du débat serein (même s’il est passionné) un référendum n’est plus une procédure démocratique. Cette dernière nait de la combinaison du débat (dans le cadre de la campagne) et du vote. Or, il faut craindre que dans cette campagne, qui sera par nécessité relativement courte, s’expriment non pas des idées mais des pressions, sous la forme justement de la spéculation. Les conséquences politiques de cette dernière vont fausser le débat, et par voie de conséquences vicier l’ensemble de la nature démocratique de la procédure référendaire.
On le constate, un tel référendum n’est pas praticable sauf à considérer que le référendum n’est là que pour légitimer une décision déjà prise. Mais, l’argument d’impraticabilité du référendum n’est pas le seul que l’on puisse invoquer. Il est douteux que, sur une telle question (la Grèce, ou un autre pays, doit elle rester dans l’Euro ou quitter la zone euro) un référendum soit la procédure adaptée.