Le président turc Recep Tayyip Erdoğan pourrait être réélu dès le premier tour, selon les premiers résultats partiels diffusés dimanche soir.
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan était dimanche en tête de premiers résultats partiels publiés après des élections présidentielle et législatives âprement disputées, face à une opposition farouche déterminée à stopper sa course vers davantage de pouvoirs. Recep Tayyip Erdoğan menait la course dans le scrutin présidentiel, avec environ 55 % des voix après dépouillement de plus de 68 % des bulletins, devançant son principal concurrent, le social-démocrate Muharrem Ince, qui récolte 28,4 % des voix. Aux législatives, l’alliance dominée par le parti islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdoğan, l’AKP, mène aussi dans le décompte partiel avec quelque 45 % des voix après dépouillement d’environ 56 % des bulletins.
Recep Tayyip Erdoğan a besoin de recueillir plus de 50 % des voix pour éviter un second tour. En comptant les Turcs de la diaspora, quelque 59 millions d’électeurs étaient appelés à voter pour ce double scrutin présidentiel et législatif qui marquera le passage du système parlementaire en vigueur à un régime hyper-présidentiel voulu par Recep Tayyip Erdoğan, mais décrié par ses opposants.
Lire la suite de l’article sur lejdd.fr
***
Faire entrer la Turquie dans l’Europe ? Rappelez-vous...
Depuis son élection de 2014, Recep Tayyip Erdoğan n’a fait que s’éloigner de l’orbite atlanto-sioniste. Conséquence quasi automatique : la classe politico-médiatique française diabolise le régime turc qu’elle plébiscitait jadis (Recep Tayyip Erdoğan est Premier ministre depuis 2003). Petit rappel.
Guy Sorman, Le Figaro du 19 novembre 2004 :
« Nous sommes des adeptes d’une citoyenneté européenne sans discrimination de race ni de religion… [Nous militons pour] l’entrée de la Turquie en Europe, pour commencer… Les Israéliens juifs pourraient aussi rejoindre l’Europe. »
Pierre Moscovici, Le Parisien du 15 septembre 2004 :
« L’adhésion de la Turquie peut être une protection contre le terrorisme et un facteur de renforcement de notre sécurité. Le caractère musulman de la Turquie est un enrichissement. L’Europe doit être multiculturelle et multireligieuse. Elle doit être ouverte et reconnaître de nombreux héritages. »
Pierre Lellouche, député de la droite libérale et président de l’Assemblée de l’OTAN, dans Le Parisien du 15 septembre 2004 :
« Il faut tout faire, pour que la rivière de l’islam se noie dans l’océan de la démocratie et des droits de l’homme ».
Et dans Actualités juives du 23 décembre 2004 :
« Parce que la Turquie est un pays musulman, je souhaite qu’elle entre dans l’Union. »
Dans son livre Europe(s), en 1994, Jacques Attali avait déjà prévenu :
« Il faudrait que l’Europe s’accepte non plus comme un club chrétien, mais comme un espace sans frontière, depuis l’Irlande jusqu’à la Turquie, du Portugal à la Russie, de l’Albanie à la Suède ; qu’elle privilégie culturellement le nomade par rapport au sédentaire, la générosité par rapport au repli sur soi, la tolérance par rapport à l’identité, bref la multi-appartenance par rapport à l’exclusion. Les débats récemment ouverts sur le droit de vote des étrangers, sur la citoyenneté et sur le droit d’asile ouvrent la voie à ces mutations. »
Alexandre Adler militait bien sûr lui aussi dans ce sens. Dans son article du Figaro du 13 octobre 2004, il sait faire preuve d’un peu d’égard envers ceux qu’il veut circonvenir :
« La Turquie a des élections libres, une presse libre, des intellectuels qui n’ont rien à envier aux nôtres, des universités admirables ouvertes sur le monde. Elle représente une chance inespérée. Sachons aujourd’hui déchiffrer ce signe pour assurer la liberté de notre continent demain. »
Daniel Cohn-Bendit, Une Envie de politique, La Découverte, 1998, p. 224.
« Sur la Turquie, je crois que l’argument selon lequel l’Europe serait un club chrétien est complètement aberrant… Intégrer la Turquie à l’Europe, ce serait justement jeter une passerelle de modernité vers toute l’Asie centrale et le Moyen-Orient, refuser le clivage entre pays islamiques et pays chrétiens. Toute une partie de la Turquie est déjà européenne. »
Dans l’hebdomadaire Le Point du 29 septembre 2005, le philosophe milliardaire Bernard-Henri Lévy abonde dans ce sens et paraît entièrement d’accord avec l’ancien gauchiste Cohn-Bendit. Pour lui, l’Europe est essentiellement une idée, un concept. Puisqu’elle n’a, selon lui :
« pas de limite, pas de frontière vraiment prescrite… il n’y a plus, dans cette perspective, aucune espèce d’objection à ce qu’un pays d’ancienne culture musulmane comme la Turquie puisse, dès lors qu’il s’inscrit dans le fil de l’héroïsme de la raison, adhérer à la constitution de l’Europe… »
Dans le livre Quand tu seras président, Robert Laffont, 2004 pp. 367, 174-177, Daniel Cohn-Bendit affirme aussi la « légitimité de la Turquie à intégrer l’Union européenne ». Et Bernard Kouchner acquiesce :
« On ne peut pas laisser l’Europe comme un club chrétien et l’arrêter où s’arrêtent les croix. »
Cohn-Bendit nous livre ensuite le fond de sa pensée, qui reflète ici un vieux ressentiment :
« L’Europe de demain réconciliera chrétiens et athées, juifs et musulmans. Ainsi se refermera lentement la page terrible que l’Église catholique ouvrit à Cordoue au XVIe siècle en chassant les juifs et les musulmans. »
C’est ainsi que l’Europe fédérale, selon leurs vœux, constituera « une étape fondamentale vers la pacification du monde. » Et l’on imagine alors que tout sera prêt pour l’arrivée du Messie...