J’abordais en décembre 2007, dans mon article « Stopper le tsunami migratoire pour sauver nos mosquées », la délicate question de l’immigration en France. Cinq ans plus tard, la majorité du public musulman ne comprend toujours pas pourquoi cette question est centrale dans le débat qui est le nôtre.
Dans ces quelques extraits tirés de mon prochain essai, je m’attache, en ces temps difficiles de conflits larvés, à poser un point de vue fondé et à mon sens parfaitement légitime. Ce sont autant d’arguments en défaveur de l’immigrationnisme idéologique qui nous domine, en premier lieu dans les rangs musulmans, que je vous propose.
Je rappellerai qu’il ne s’agit pas – comme le pensent encore certains – d’une posture destinée à complaire au FN ou je ne sais quelle forme de soumission et de « complexe de colonisé » !
Arguments pavloviens et vides de sens, qui s’effondrent dès lors que l’on s’en tient, comme j’essaie de le faire, rigoureusement aux faits, pour produire une analyse aussi précise que possible.
L’exil est une exception, toujours un déchirement
(..), il faut aussi rappeler à tous ceux qui s’extasient sur les vertus présumées de l’immigration, souvent confortablement installés dans leurs situations matérielles, que s’exiler est une anomalie dans le parcours individuel d’un être social, censé fonder une famille, vivre et travailler au pays, comme c’est le plus souvent le cas dans l’histoire des peuples. Immigrer c’est quitter les siens, c’est rompre avec le cordon ombilical des mentalités et des mœurs, qui relie l’homme à sa sphère de civilisation.
L’exil immigrationniste contemporain, est d’abord une contrainte à un nomadisme non désiré. À l’inverse du nomadisme tribal propre à certains peuples depuis le néolithique, fondé sur des contingences agricoles liées aux règles du pâturage ou de besoin d’espace vital supplémentaire, l’immigration moderne est une fracture entre des territoires sans liens biologiques et environnementaux.
(…) Ce ne sont justement pas des touaregs, par exemple, qui immigrent massivement en Europe, mais bien des hommes issus de peuples enracinés et sédentaires (…). Comment peut-on donc s’enthousiasmer sur des parcours de vie, soumis à des ruptures si violentes ? Ce sont bien entendu les meilleurs, les plus habiles et les plus endurants parmi les forces vives du continent africain qui arrivent à passer les frontières. Toutes ces énergies gaspillées pour au final faire les ménages dans un Formule 1, poser des coffrages à béton pour Bouygues ou encore faire la plonge dans une cuisine d’une brasserie parisienne.
(…) Tous ces militants immigrationnistes peuvent profiter pleinement et égoïstement, de la vie de famille retrouvée après le boulot, des habitudes sociales (bistrots, sorties et loisirs) apaisantes et joyeuses. Mais jamais ils n’imaginent que ces sans-papiers, qu’ils veulent absolument maintenir sur le sol national, ont abandonné pour un mirage, leurs propres espaces de socialisation et de loisirs.
Ils ont rompu dans un déchirement inqualifiable, avec leurs amis, leurs familles, leurs amours. Les paysages de leur enfance, l’odeur des boutiques et cuisine de leurs villages, les sonorités familières.
Bref, tout ce qui contribue à l’enracinement, et qui fait la singularité des peuples dans l’ordre divin, leur est définitivement confisqué. Le pire c’est que même une solution de réenracinement leur est niée au nom du différentialisme érigé en modèle.
(…) Il y a dans ce sans-papierisme, dans cette fausse idéologie solidaire gauchiste, une forme de sadisme étonnante. Comment ne peuvent-ils pas avoir de véritable empathie, et comprendre ainsi que la nostalgie du territoire de naissance, est une effroyable machine à broyer les identités et la nature humaine ?
La nostalgie est le pire des sentiments pour un sédentaire enraciné. Maintenir un sans-papiers loin de chez lui, c’est le condamner au cachot de l’anonymat et rompre le processus de transmission et de filiation avec ses pères et sa terre. C’est aussi opérer pour ses descendants, une violence inouïe pour leur lignée.
C’est en vérité une mutilation dévastatrice de leur généalogie familiale. C’est simplement abject, et pourtant habillé des oripeaux de la générosité de gauche. Cet immigrationnisme est l’idéologie dominante légitimée par le système médiatico-politique.
(…) Quant à l’immigrationnisme économique, ses motivations principalement lucratives pour la droite d’argent, ces temps de crise suffisent à le discréditer.
Mosquées éternellement blédardisées
Une autre conséquence, que ne supposent même pas nos militants musulmans immigrationnistes, est que leur défense de l’immigration est le premier obstacle à l’idéal d’organisation de l’islam en France, qu’ils vénèrent !
(…) Nos militants, « citoyens français de confession musulmane », comme ils aiment à se définir, passent leur temps à critiquer la mentalité blédarde des dirigeants de l’islam en France, fustigent publiquement le CFCM dominé par des za’imillons [1], qui seraient incultes, inadaptés, soumis et même analphabètes. Mais nos militants, étant aussi des démocrates, annihilent eux même – dans leur aveuglement immigrationniste – leurs efforts pour rajeunir l’appareil politique des mosquées, puisque le taux d’immigrés récents dans les mosquées ne fait que croître !
Autrement dit, chaque nouvel immigré (250 000 par an, plus 100 000 clandestins), soit chaque année, trois villes nouvelles comme Roubaix, représente une voix supplémentaire qui – règle électorale oblige – maintient l’établissement blédard des mosquées et estompe le processus d’homogénéisation culturelle, du public musulman et des fidèles !
L’immigration, est donc le premier obstacle au rajeunissement, à la francisation des dirigeants musulmans et à l’éclosion d’un islam dit « de France ». L’immigrationisme est de ce point de vue une véritable menace pour l’enracinement et la nationalisation des institutions de l’islam, dans notre pays.
L’impossible islam de France ou un discours musulman anachronique
(..) Comme on l’a vu précédemment, l’histoire c’est aussi la démographie. La sociologie des mosquées nous maintient donc, par pression démographique immigrée, dans une fracture – musulmans nationaux acculturés/immigrés réislamisés – dangereuse et instable.
Les immigrés récents, socialisés dans des pays en pleine ébullition « islamiste », naturellement réfractaires au concept de laïcité, demeureront une minorité importante voire une majorité absolue dans les rangs des fidèles. Se pose donc la problématique de la cohérence du discours des imams et des élites dirigeantes.
(…) Un discours en constant décalage entre des esprits français acculturés et des mentalités issues d’autres traditions.
C’est une fracture du temps et de l’espace qui s’opère au sein des mosquées, une ambiance anachronique surréaliste où cohabitent deux sphères culturelles aux habitudes et mentalités de plus en plus éloignées.
Même si l’uniformisation mondialiste les habille du même jean artificiellement délavé en usine chinoise, il n’en reste pas moins – et nombreux sont ceux parmi nous qui l’ont maintes fois vécu – que nous n’avons que très peu de points communs avec leurs représentations du monde et leurs mentalités.
(…) Le discours islamique en France s’est construit dans une difficile tentative d’adaptation théologique au contexte français. Ce discours – bien que contestable – sera perpétuellement remis en cause et en contradiction avec les attentes religieuses et symboliques des fidèles dont la proportion d’immigrés reste continuellement influente.
(…) Les orateurs n’auront pas d’autre choix que de s’adapter à leur public et les dirigeants associatifs que d’écouter les revendications de leurs électeurs, dont le lobby immigré des mosquées conserve le principal poids électoral. Or les fidèles des sermons et les électeurs des associations cultuelles sont les mêmes immigrés récents toujours inféodés aux puissances étrangères dont ils sont issus, ce que l’on ne saurait vraiment leur reprocher.
(…) Le CFCM, les minarets, les clopes algériennes clandestines de Porte de la Chapelle et l’islam consulaire ont de beaux jours devant eux.
Le sionisme est un immigrationnisme
(…) Puisqu’il est démontré que les immigrationnistes historiques en France sont aussi les grandes figures du sionisme français et du patronat prétendument tricolore, il y a donc un lien pertinent entre le sionisme et la question de l’immigration en France, sur le terrain du combat militant.
Intégrer le rôle du sionisme permettrait sans doute l’émergence d’une grille de lecture susceptible de mettre d’accord des gens aussi opposés que le sont les identitaires et les militants musulmans immigrationnistes.
(…) En effet, les fondements idéologiques du sionisme ne suffisent pas à légitimer la naissance d’Israël. La légitimation de l’existence d’Israël, c’est d’abord la politique du fait accompli. Israël existe parce qu’il existe démographiquement et juridiquement, même si ses frontières restent indéfinies. C’est donc d’abord avec les vagues migratoires organisées par les institutions sionistes transnationales – premières organisations privées mondialisées – du XIXème et du XXème siècles, qu’Israël s’est construit, au même titre que les États-Unis d’Amérique. Le mythe de la terre promise seul ne suffit clairement pas à légitimer son existence.
(…) La présence juive en Palestine depuis la destruction du Temple est connue, elle fait même consensus, les références juives sont éloquentes. C’est peut-être le seul point d’accord entre sionistes et antisionistes.
(…) On sait très bien que la Palestine, à l’instar de tous les territoires de cette région y compris l’Égypte, sont passés sous autorité musulmane lors de la première décennie qui a suivi la mort du Prophète en 632, et ce jusqu’à aujourd’hui, même si les régimes politiques en terre d’islam, ont changé (califat, monarchie, république post-coloniale, principauté, régime militaire ou tribalisme).
Dès lors, et jusqu’à la naissance du sionisme, les juifs palestiniens, comme ceux d’Irak, du Yémen ou d’Égypte, ont toujours vécu sur la terre palestinienne, malgré tous les soubresauts historiques.
Sous le califat ottoman et jusqu’à l’annonce du programme sioniste, les juifs autochtones palestiniens, sont passés de 1 000 à 10 000 habitants, notamment par immigrations diverses dues entre autres, aux pogroms européens du XIXème.
L’immense majorité des exilés juifs d’Europe de cette époque, ont pour leur part fui les expulsions et les pogroms populaires, vers l’Amérique.
Les juifs sans-papiers et immigrés plus ou moins légaux passent ensuite de 10 000 à 55 000 pour 550 000 arabes lors de la déclaration Balfour (1917), soit environ 10 % de la population palestinienne à l’époque.
(…) Les premières dénonciations arabes officielles et publiques de cette immigration-invasion datent de cette époque et s’amplifient dans les années vingt. Pourtant personne ne voudra les entendre – d’ailleurs tout le monde était complice ou idiot utile – jusqu’à ce que le phénomène soit irréversible, comme l’est aujourd’hui le bouleversement démographique en Europe… Peu parmi nous souhaitent regarder la réalité telle qu’elle s’impose au cœur des rues de Paris.
De 55 000 en 1918, ils seront 30 ans plus tard, à la création d’Israël, 550 000. Une multiplication en l’espace d’un siècle, exponentielle plus de 500 fois, durant 1848-1948.
(…) Le sionisme est donc, dans sa mise en œuvre matérielle, au-delà des idéologies, un projet démographique, immigrationniste et de substitution de population. Réalisé par l’immigration-invasion, si chère à Giscard, et à la dépopulation des autochtones, par expulsion, guerres et massacres, sans oublier les villages arabes rasés et la terre des oliviers meurtrie.
(…) Cette démonstration par la démographie et l’histoire officielle du sionisme, nous amène à une double conclusion simple : on ne peut sérieusement être antisioniste et immigrationniste, et l’on ne peut être nationaliste français, anti-immigration et sioniste.
Parce que le sionisme est un immigrationnisme !
Ainsi nos identitaires racialistes et nos musulmans immigrationnistes voient-ils leur posture quant à la question israélienne coincée dans un insurmontable blocage mental et une contradiction structurelle insoluble, sauf si les uns abandonnent le sionisme et les autres leur immigrationnisme.
Les voilà donc obligés de se réconcilier.
Ces quelques extraits de mon prochain essai favoriseront je l’espère l’ouverture d’un débat intracommunautaire sur cette question essentielle à l’avenir des musulmans dans ce pays.
Quelques dizaines de pages de ce chapitre traitent aussi des questions économiques, sociales et identitaires, etc.
Sujets qui, parmi tant d’autres, rendent le positionnement immigrationniste incohérent et irresponsable.
Nous attendons toujours que nos élites musulmanes et nos intellectuels médiatiques se prononcent sérieusement sur le sujet.
Leur argument immigrationniste principal, d’ordre pseudo-économique – sauver les retraites françaises – est tellement ridicule que j’éviterai de le déconstruire ici ; il suffit de voir comment la Russie de Poutine, par sa politique nataliste intelligente et moderne, permet de sauvegarder les retraites et l’identité russe et renvoie les propositions immigrationnistes du FMI à la poubelle des fausses bonnes idées mondialistes.
Quant aux arguments humanitaires et « fraternels », j’invite nos humanistes musulmans à visiter la CAF de Seine-Saint-Denis un mercredi après-midi. Ils comprendront alors sans doute l’angoisse, qui confine parfois à l’alarmisme et à la panique, ou encore au sentiment de révolte, face à une sensation de dépossession et d’injustice qui saisit un nombre croissant de Français, qui vivent cette substitution de population néo-sioniste,organisée par les mêmes élites immigrationnistes. Sentiments qui, s’ils persistaient à être niés, culpabilisés ou stigmatisés par l’accusation facile de racisme, produiraient demain, et peut-être demain matin, un contexte particulièrement propice à une violence jusqu’ici inconnue.
S’agissant des identitaires enfin, leur combat contre l’immigration ne peut garder de cohérence que s’ils abandonnent leurs alliances sionistes et leur rejet du cadre national.
On ne peut pas se réjouir d’une substitution de population chez les bougnoules et la refuser chez soi. Les lois de l’histoire et la morale interdisent aux hommes de bonne volonté de l’accepter.
Les identitaires ne peuvent pas interdire aux immigrés d’Afrique de regarder vers l’Europe – nouvelle terre promise – tout en soutenant Israël, pays fruit de la colonisation des sans-papiers d’hier.
Albert Ali, le 12 décembre 2012