Nous ne le cachons pas, les élections présidentielles et législatives ont été une surprise pour nous. Non que nous ayons été pris de court par l’émergence victorieuse du parti unique du système. Au contraire, tous les éléments étaient présents pour cela. Nous avions analysé cette possibilité dans nos colonnes voici presque quinze ans.
La réelle surprise est la rapidité de cette recomposition. Dans un monde qui a basculé dans l’immédiateté, les flux incessants du virtuel ont libéré la créativité néfaste de la société du spectacle. Avec quelques effets spéciaux médiatiques, le système n’a plus à ménager un semblant de transition pour ses opérations de restructurations internes.
La victoire d’Emmanuel Macron et la recomposition autour d’En Marche des éléments néo-libéraux des élites en place, est l’aboutissement d’un phénomène de concentration des forces vives du système pour faire face à la menace croissante des « populistes ». Il n’y a pas de hasard si le candidat investi par le PS pour les présidentielles, Benoît Hamon, affichait des positions très gauchistes, le PS jouant son va-tout pour essayer de redresser la situation après des années de conversion au libéralisme . Mais cela n’était pas suffisant... L’accélération de l’« union sacrée » est liée à la crainte de voir la situation leur échapper dans un contexte international instable. Le « dégagisme » ambiant pouvant devenir une véritable sécession, il était urgent de changer pour que rien ne change...
Cette « grande peur » a précipité le sabordage des Républicains et du Parti socialiste. Les anciennes structures étant devenues des fardeaux, elles furent éliminés sans remords et même avec un certain soulagement. Les vieux apparatchiks laissent enfin le champ libre à toute une génération aux dents longues.
L’émergence d’un individu comme Emmanuel Macron n’est pas un hasard dans ce contexte. Issu des classes dominantes, sans lien avec le peuple et totalement acquis aux valeurs du système, il est le candidat « chimiquement pur » de la France d’en haut. Il est l’aboutissement idéologique de la convergence opérée entre la gauche et la droite depuis les années 1990. Libéralisme économique et sociétal, libre-échangisme mondialiste, multiculturalisme, européisme : la ligne politique est claire et tout un personnel politique est déjà recyclé pour la mettre en œuvre. Sous l’apparence de la nouveauté, c’est une usine de retraitement des déchets de la technocratie et des cénacles néo-libéraux qu’a ouvert la victoire d’Emmanuel Macron.
Le Blitzkrieg d’En Marche était une course de vitesse pour sauver provisoirement la France d’en haut. Général du Capital dans la guerre de classe actuelle : Emmanuel Macron. Dans un temps limité, l’ensemble de l’appareil politique, économique et médiatique a apporté son soutien à son projet. La victoire est totale mais elle est aussi un piège. Car avec cette opération, le système a lancé toute ses forces dans la bataille et n’a plus de réserve stratégique valable.
Quand le néant fait face à l’abîme
Les institutions républicaines sont à l’agonie. La majorité dont dispose Macron à l’Assemblée nationale ne repose que sur à peine plus de 15 % des électeurs inscrits... 57 % % se sont abstenus ! Cette abstention massive a un sens politique fort. C’est un refus du programme de Macron mais aussi de l’opposition en carton qui lui fait face. Ces électeurs ne sont pas allés à la « pêche à la ligne », mais ont marqué par leur non-vote un choix politique. Idem pour les votes « nuls » ou « blancs » [1] dont le nombre est sans précédent. La cartographie de ce refus recouvre justement la France périphérique et les banlieues, deux foyers de contestations possible observés avec prudence par le régime.