Pierre Rabhi, né Rabah Rabhi, est mort ce samedi 4 décembre à Lyon, à l’âge de 83 ans. Célèbre pour avoir fondé entre autres le Mouvement Colibris et édité de nombreux ouvrages, dont Vers la sobriété heureuse, tiré à plus de 460 000 exemplaires, Pierre Rabhi, pourtant très apprécié par certaines personnalités conformistes, n’a par ailleurs pas toujours fait l’unanimité en raison de prises de positions conservatrices sur la famille, le mariage homosexuel, ou son adoption de concepts tirés de l’anthroposophie comme la biodynamie ou les écoles alternatives de type Steiner-Waldorf.
Parce que son parcours est immense et sa vie riche d’expériences, nous n’allons pas retracer l’ensemble de sa vie et de son œuvre (que toutes les nécrologies du jour auront répété à l’envi), mais nous attarder sur ce qui le rendait attachant et surtout pertinent dans un monde où le pédagogisme comme l’écologie ont été accaparés par l’idéologie gauchiste, pour mieux les démolir.
L’anthroposophie est un mouvement philosophique plutôt transversal intégrant des notions inspirées de différentes religions, indiennes ou chrétiennes, des principes de médecine holistique quelque peu ésotériques empruntant au karma et à la dimension cosmique de la guérison, des concepts pédagogiques reposant sur un enseignement oral, symbolique et artistique fondé sur une relation de confiance et d’autorité avec le professeur. Les détracteurs parleront de pseudo-sciences, ce qui n’est factuellement pas faux, mais dériveront vite sur une accusation de mouvement sectaire – puisque tout ce qui dévie de la norme devient suspect, voire fanatique.
Pierre Rabhi, converti au christianisme à 16 ans et très inspiré par le message du Christ, s’éloignera des religions au sens strict. Tout en s’inspirant de ce mouvement anthroposophique, il va initier au fil des années, à la suite de sa formation d’ouvrier agricole, des expériences d’agriculture biodynamique puis d’agroécologie qu’il enseignera au Cefra (Centre d’étude et de formation rurales appliquées). Il devient un de ces précurseurs néo-ruraux qui vivront à l’écart dans un environnement sauvage et le respect de la nature, précisément en Ardèche pour sa part, avec sa femme et leurs cinq enfants.
En 1981, dans le cadre de « paysan sans frontières », il rencontre le grand Thomas Sankara qui l’assure de son soutien. Il crée au Burkina Faso un centre de formation en agroécologie. Au début des années 90, il crée Terre & Humanisme et développe son concept de pauvreté qu’il rebaptise « sobriété heureuse », initie la création de plusieurs ONG au fil des années puis, bien plus tard en 2007, il fonde le Mouvement Colibris qui sera beaucoup critiqué par les gauchistes en particulier en raison de son apolitisme (alors que c’était un signe de vertu et de grande intelligence).
Sensible à la beauté et l’harmonie de l’univers, Pierre Rabhi aura sans cesse œuvré pour favoriser l’avènement d’un monde humaniste et respectueux de la nature. Mais ses positions sur le mariage homosexuel ou la famille, parfaitement logiques et cohérentes pour qui atteint un certain niveau d’analyse et sait se défaire des idéologies, choquent les belles âmes de gauche. Le sage Rabhi n’en aura cure et, dans son impassible modération et son fin jugement des choses, ne s’accommodera pas de petits arrangements en restant sur une ligne droite et conséquente.
Prônant la complémentarité homme-femme plutôt que l’égalité, il scandalisera avec des propos aussi sains et évidents que : « Je crois qu’il ne faudrait pas exalter l’égalité. Je plaide plutôt pour une complémentarité : que la femme soit la femme, que l’homme soit l’homme et que l’amour les réunisse dans cette complémentarité ».
Tout autant pleine d’évidence sa position sur le mariage homosexuel pour lequel il déclare : « Je considère comme dangereuse pour l’avenir de l’humanité, la validation de la famille "homosexuelle", alors que par définition cette relation est inféconde ». Fin penseur des causes futiles ou secondaires, il précise que « le mariage homosexuel est un symbole de cette manipulation des consciences, où on crée des phénomènes de société qui n’en sont pas ».
Il s’oppose bien sûr à la PMA (et donc à son extension masculine, la GPA) pour la raison qu’elle n’est « pas naturelle, et donc dangereuse, faisant le parallèle avec "l’agriculture chimique" ».
Wikipédia enfoncera le clou final au cercueil de Pierre Rabhi :
Les critiques contre Rabhi portent également sur ses prises de position concernant le mariage homosexuel et la procréation médicalement assistée, et sur la proximité de ses fils, Gabriel et David, avec l’extrême droite. Selon Sophie des Déserts de Vanity Fair, ceux-ci sont des proches des mouvances conspirationnistes et d’extrême droite, en relation notamment avec Alain Soral, et n’ont jamais été désavoués par leur père.
Cet insigne affront est une médaille que décernent des idiots à un sage qu’ils ne méritent pas. L’âme et l’esprit de Pierre Rabhi n’ont pas fini d’essaimer. Et, tels des colibris, nous en ferons notre petite part.