L’an de disgrâce 2014 sera une année « memento mori » [1] puisque nous commémorons les Grands Abattoirs sublunaires, lorsque nous nous égorgeâmes dans les fossés et les chemins des Dames avec nos cousins germains, il y a un siècle.
Mais permettez-moi de rappeler un autre anniversaire, les concernant, et qui n’est pas, ou peu, fêté.
En effet, le 9 novembre 1989, à 19h, Günter Schabowski du Politburo du SED, le Parti stalinien de la République démocratique allemande, annonçait officiellement la fin du Mur de Berlin.
On divulgua le code du cadenas qui fermait à double-tour le Rideau de Fer : « libre à vous tous de quitter la boutique si bon leur vous semble ! »
Il leur sembla !
Dès 19 h 04 des foules énormes de Berlinois de l’Est se ruèrent aux postes-frontières de la ville pour obtenir des visas, comme de jeunes repris de Justice de l’Algérie, boutés par Flika, et avides de venir brandir leur drapeau à croissant, ici, en Ex-France, afin de tout niquer.
Or donc, lorsque l’on évoque ces jours fastes on parle de LA Chute du Mur, comme s’il était tombé tout seul ce bon vieux Mur, mûr pour la chute en quelque sorte. On oublie que ce fut d’abord sa destruction par le peuple allemand. Car si cet écroulement tombait vraiment à pic, on ne doit pas méconnaître les coups de pics rageurs du vieux peuple allemand.
Entre juin et novembre 1990, le Mur fut démoli matériellement par une population hérissée de pioches, d’alpenstock et de burins, ivre de réconciliation nationale ! En vérité on peut dire que le 9 novembre 1989 le mur de Berlin s’est effondré sous la poussée des masses populaire. Et cet effondrement préludait à celui de l’URSS.
Oui, les temps étaient mûrs.
Derrière le rideau de Fer les peuples s’égayaient dans une grisaille oppressive repeinte en « socialisme réel ». Et dès le début, à Berlin en 1953, à Budapest en 1956, à Prague en mai 1968, la classe ouvrière se souleva contre le pouvoir du Pacte de Varsovie.
D’ailleurs en mai 1968 le Parti communiste chinois déclara : « Que les chars soviétiques soient entrés à Prague, loin de représenter la force du social-impérialisme, est au contraire le signe que son empire néo-colonial commence à s’effondrer. »
Il faut dire qu’en Chine on n’y allait pas de main morte dans la caractérisation du régime de l’URSS. Mao écrit en 1960 :
« En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne. »
Rien que ça ! Dépassé les trotskistes, avec leur piteuse « bureaucratie stalinienne. »
L’URSS c’était le nazisme ! Ceci peut être une clé pour comprendre pourquoi tous les anciens Mao, tel le Glucksmann passé de Mao à Sarko, se sont tous reconvertis dans le néo-conservatisme le plus décidé. Ou plutôt comment les anti-communistes forcenés de l’époque, s’étaient engagés dans le maoïsme.
L’ennemi c’était l’URSS et le Parti communiste français.
Mais, mon Dieu, il n’y a pas non plus, de quoi pavoiser, comme s’il s’agissait d’un événement imprévu et révolutionnaire. La chute du Mur de Berlin n’a pas ouvert sur de l’inédit, mais bien plutôt sur de l’uniformise à Sion, parfaitement entropique.
Il était tout à fait mûr pour s’effondrer de lui-même. D’abord il était copieusement tagué. Et les tags sont des marques de putréfaction qui ne trompent pas.
Du point de vue du temps sagittal, qui, dit-on serait le nôtre, le peuple, l’heure venue, se comporta comme le poussin arrivé à terme qui fendille sa coquille, quand il se sent prêt à aller gambader joyeusement dans les élevages en batteries. Sans plus.
Ainsi, le 3 octobre 1990, le grand peuple allemand enfin réunifié, Aigle qui fit naguère trembler la terre entière, renaquit sous la forme d’une volaille dodue et hormonée, grasse dinde apprivoisée qui se sent pousser des ailes chancelantes.
Au fond, la Chute du mur de Berlin intervint dans les délais « hegeliennement » raisonnables, je veux dire qu’il allait dans le « sens de l’Histoire », qu’il était en quelque sorte inévitable, seulement quand les temps seraient mûrs.
Tout vient à point pour qui ne sait pas attendre et ne remettre jamais, au grand jamais, en question le Grand Désordre établi.
Mais si cet événement ne s’est pas produit en dehors de déterminations historiques d’aucuns pourraient y pressentir une origine non-humaine, quasi transcendante, inhérente à toutes les chutes, depuis la Chute d’Adam.
Notre entendement ordinaire se heurte à un Mur conceptuel. Et même à un mur métaphysique
Parce que cette chute d’Umur, qui l’eût Krur ? [2] ressortit à une guerre occulte et contre-initiatique.
Il est un autre MUR, sacré, infranchissable, insurmontable et indestructible ! Haut, Altissime, transcendant !
C’est le Mur de Séparation ! seule frontière indiscutable et indiscutée dans ce monde où où il n’y a plus de frontières, « tralalalala »....
Lui-même fils barbelé du MUR de l’Amante à Sion, où l’on pleure pour toucher des répare à Sion, car tous les murs sont des Murs de l’Argent.
Richesse et morgue aristo-légale en deçà, misère et morgue médico-légale au-delà.
Toujours d’un côté l’on y croupit et de l’autre on s’y vautre dans les délices.
Félix Niesche