La mise en place du « système Macron » se poursuit, tant pour ses dimensions formelles, qu’informelles. Ces dimensions nous confirment la nature autoritaire de ce système, sous un masque affiché de la « bienveillance ». Les incidents qui se sont multipliés au Parlement, où La République en Marche et ses alliés trustent l’essentiel des postes, avec la décision du président de la République de présenter un message au « congrès » (l’Assemblée nationale et le Sénat) réuni à Versailles, ne sont pas de bon augure. Les projets d’ordonnances et de lois viennent compléter le tableau.
Un coup d’État silencieux ?
Un premier incident a donc marqué la session inaugurale du Parlement élu lors des dernières élections législatives. Au-delà de l’élection de M. de Rugy, un représentant typique de l’opportunisme parlementaire le plus débridé, et l’une des personnalités les moins honorables de cette assemblée, c’est la monopolisation des postes par LREM, en particulier en ce qui concerne la questure, qui a retenu l’attention. Bien sûr, rien n’interdit au parti majoritaire à l’Assemblée de rafler tous les postes. Mais, ce système des dépouilles à l’américaine est profondément étranger à la culture politique française. Cette dernière, justement parce que nous sommes dans un système où les pouvoirs ne sont pas strictement séparés – comme aux États-Unis – inscrit dans ses pratiques l’obligation du pluralisme. C’est cette tradition que LREM a foulée aux pieds. Mais, nous avons eu plus, en l’occurrence qu’une manifestation de mépris pour l’opposition. Le président de la République est, en effet, en train de se livrer à un véritable coup d’État silencieux.
Ce coup d’État vise ses adversaires, mais il vise aussi ceux qui le soutiennent. Comment ne pas voir que la décision d’Emmanuel Macron de parler devant les deux chambres réunies en Congrès va miner l’autorité et la crédibilité de son Premier ministre, M. Édouard Philippe. Assurément, les relations entre le président de la République et son Premier ministre n’ont jamais été simples sous la Vème République. Mais, du moins, mettaient-elles quelques mois avant de se dégrader explicitement. Aujourd’hui, c’est dès le départ que le Président entend nous montrer qu’il est le seul à prendre des décisions, qu’il est non pas l’ultime autorité, mais bien la seule. Et, ce faisant, il tord à nouveau la Constitution de la Vème République et à un degré bien plus important que n’importe lequel de ses prédécesseurs. Ceci, combiné avec la très faible légitimité d’une assemblée élue par moins de 16 % des électeurs inscrits, est bien la marque d’un coup d’État silencieux.
Quand le Président ne respecte même pas l’esprit de la loi…
La décision d’Emmanuel Macron de ne pas donner d’interview pour le 14 juillet, et de présenter un message au Congrès réuni pour l’occasion à Versailles, sont deux actes qui montent cette fois un mépris profond pour ceux qui l’on soutenu, et qui on voté tant pour lui que pour les candidats qui se sont présentés sous l’étiquette En Marche. La réunion du Congrès est la plus spectaculaire, mais pas nécessairement la plus significative. Dans la constitution de la Vème République, la réunion du Congrès est réservée à des actes solennels. Pas à la présentation du programme du quinquennat. En décidant d’annoncer son programme dans ces conditions, Emmanuel Macron montre qu’il renverse dans la réalité l’ensemble de l’édifice constitutionnel français, un édifice qui veut que le gouvernement, et son chef, le Premier ministre, déterminent et conduisent la politique de la nation. Il faut ici rappeler à ceux qui les auraient oublié, les deux articles de la Constitution de la Vème république.