La décantation des résultats du 2ème tour des élections législatives fait apparaître un peu plus l’ampleur du refus de voter qui s’y est manifesté. Si l’on additionne les abstentions et les votes blancs et nuls, votes qui ont connu une très forte progression entre le 1er et le 2ème tour (on est passé de 500 000 à 2 millions), on dépasse les 61,5 %, dont 57,36 % d’abstentions et 4,20 % de blancs et nuls. Cela signifie que seuls 38,5 % des électeurs inscrits (soit 18,31 millions sur 47,58 millions) ont voté lors de ce second tour.
Cette ampleur du refus de vote, quelle que soit la forme qu’elle ait prise, conduit à se poser des questions sur le sens même de cette élection.
Pays légal, pays réel ?
Si l’on n’avait abusé de la maurassienne opposition entre « pays légal, pays réel », on serait en droit de l’utiliser pour décrire la situation actuelle. Assurément, la situation n’est pas semblable à celle dans laquelle Charles Maurras avait émis cette dichotomie. Celle-ci renvoyait d’ailleurs à des choses différentes et ne pouvait se réduire à un simple chiffre des non-votants. Pourtant, aujourd’hui, nous avons un « pays légal », dans lequel La République en marche aura la majorité absolue à l’Assemblée nationale à la suite d’élections dont nul ne conteste la légalité, mais cette majorité absolue de députés ne saurait faire oublier la majorité, cette fois-ci écrasante en comparaison, des Français qui n’ont pas voté, ou qui se sont refusé à exprimer un choix quand ils ont voté. C’est ce décalage qui justifie, en dépit des réticences historiques et politiques que soulève son emploi, que l’on reprenne cette dichotomie du « pays légal » opposé au « pays réel ». L’Assemblée nationale, pour légale qu’elle soit aura d’emblée un immense problème de légitimité.
L’une des conséquences de cette situation est qu’il n’y a nulle vague derrière le Président et son parti. Le système électoral français amplifie, on le sait et on l’a suffisamment répété, les résultats d’une élection. Mais, en 1981, lors de la fameuse « vague rose », l’abstention ne représentait que 24,9 % (au 2ème tour). De même, lorsque survint, en 1993, la « vague bleue », on ne comptait que 32,40 % d’abstentions. Nous sommes bien aujourd’hui dans une situation très différente. Et, c’est cette situation sur laquelle il convient de réfléchir, au-delà des échecs des uns et des succès des autres.
Crise de légitimité et fractures politiques
Car, même si – par miracle – l’élection avait eu lieu selon les règles de la proportionnelle, règle qui, rappelons le, auraient donné 84 députés à la France insoumise (elle n’en a que 19) et 80 au Front national (il n’en a que 8), la représentativité, et donc la légitimité, de cette assemblée n’en serait pas moins fragile.