La presse commence, enfin, à s’inquiéter de la crise bancaire que l’on connaît en Espagne et en Italie [1]. Cela montre l’importance d’une crise, sur laquelle on ne peut que recommander à nos lecteurs d’écouter l’émission réalisée vendredi 23 sur Radio-Sputnik [2], une crise donc qui a été pourtant niée avec la dernière énergie jusqu’à ces derniers jours.
Ceci devrait nous interroger sur la manière dont les grands médias d’information rendent compte des problèmes au sein de l’Union européenne. Et cette interrogation est d’autant plus importante que ces mêmes médias nous ont présenté une image idyllique, et fort éloignée de la réalité, du premier sommet européen auquel Emmanuel Macron a participé [3]. La réalité qui se dégage d’un examen des faits montre qu’il y a un lien très net entre la crise des banques en Italie et en Espagne et le blocage structurel de l’Union européenne, blocage auquel Emmanuel Macron s’est heurté de plein fouet jeudi et vendredi dernier [4]. Cette situation pose un problème existentiel pour l’Union européenne.
Macron à Bruxelles : chronique d’un échec
Emmanuel Macron a développé un discours qui cherche à présenter comme compatibles des mesures minimales de protection dans le cadre de l’UE et une alliance avec l’Allemagne visant à faire progresser l’UE sur le chemin du fédéralisme. Dans la logique de ce discours c’est en étant associées que la France et l’Allemagne pourront convaincre leurs partenaires de mettre en œuvre les mesures de protection, concernant les travailleurs détachés ou les investissements, que la France réclame. Ce discours part du principe qu’un intérêt général théorique peut être défini avant que ne s’engage le moindre débat, et que cet intérêt peut s’imposer par la seule force de sa simple logique.
Emmanuel Macron a rapidement été confronté à la réalité des relations internationales. Lors du Conseil des 22 et 23 juin 2017 rien n’a été fait sur la question des travailleurs détachés, sujet sur lequel la France avait demandé un durcissement immédiat de la réglementation. La France ne fut d’ailleurs nullement soutenue par l’Allemagne, et ceci contrairement à ce qui avait été prétendu à la veille de ce Conseil. Le bilan est un peu meilleur sur la question de la protection des investissements. Le Conseil a accepté de se saisir de ce sujet, mais uniquement pour rappeler que les règles de l’OMC s’imposent et qu’aucune réglementation européenne ne peut s’y opposer. Enfin, sur la question du « Buy European Act », une idée qui avait figurée dans le programme d’Emmanuel Macron, il s’est heurté là aussi à une fin de non recevoir.
Emmanuel Macron s’est donc fendu d’une magnifique déclaration dans la langue de bois la plus pure en affirmant à la fin de ce Conseil :
« Je veux dire ici combien à la fois le fait que nous ayons très étroitement préparé ensemble nos remarques à ce Conseil, que nos interventions aient été constamment en ligne et que nous puissions en rendre compte en commun est à mes yeux important. C’est en tout cas ce que je m’attacherai à faire, dans les années à venir, parce que je pense que quand l’Allemagne et la France parlent de la même voix, l’Europe peut avancer ; ce n’est parfois pas la condition suffisante mais c’est en tout cas la condition nécessaire. »
Autrement dit, il accepte de se mettre sous la coupe de l’Allemagne et nous dit, mais est-ce étonnant alors que Paris va concourir pour les jeux olympiques de 2024, que l’importante n’est pas de gagner mais de participer. C’est, certes, une belle logique sportive, mais elle n’a rien à voir dans une situation où les intérêts supérieurs du pays et de ses habitants sont en cause.
Macron face à la réalité de l’UE
Emmanuel Macron s’est heurté de plein fouet à la réalité. Et celle-ci est d’une part que l’UE est aujourd’hui dans un état de paralysie avancé, et que d’autre part cet état de paralysie correspond à ce qui intéresse l’Allemagne et cette dernière ne fera rien pour s’y opposer ou pour le changer. Cette paralysie de l’UE implique le maintien d’un statu quo qui est hautement favorable à l’Allemagne. Elle lui garantit que rien ne viendra combattre la politique mercantiliste qu’elle met en œuvre à l’intérieur de l’UE en se fournissant en produits et en hommes au moindre coût, et que l’UE ne se constituera nullement en autorité capable de contester la politique internationale de l’Allemagne. Elle est gagnante sur les deux tableaux, et l’erreur fondamentale d’Emmanuel Macron a été, et reste, d’ignorer cet état des choses.
Mais, Emmanuel Macron n’est pas le seul à s’être heurté à cette réalité. Le gouvernement italien a fait le même constat, remarquant que l’Union bancaire, dont l’UE avait fait une telle réclame en 2013 et 2014, s’est avérée incapable de résoudre la crise des banques en Italie.