À la faveur de la crise, de l’effondrement du bloc soviétique et particulièrement depuis le 11 septembre 2001, la question raciale vient paradoxalement concurrencer la question sociale comme force motrice de l’Histoire.
Paradoxalement, car au moment où la lutte des classes redevient criante (après que les « années fric » aient tenté de nous faire croire qu’elle s’était évaporée dans le néo-libéralisme), la « lutte des races » tente de s’affirmer comme retour du réel. Un réel ethnico-racial censé nous revenir « en pleine gueule » après des années de dictature idéologique SOS Racisme. Dictature fallacieusement assimilée par certains idiots utiles à celle du prolétariat théorisée par le marxisme-léninisme.
L’étude attentive des questions sociale et raciale permet de comprendre que, loin de s‘exclure, elles doivent s’articuler, mais que la dernière est au final, toujours subsumée par (= comprise dans) la lutte des classes.
À gauche : nike ta classe !
D’abord, une précision. Qu’entend t-on exactement par « question raciale » en France en 2016 ?
À droite, si l’on excepte quelques excités qui hantent les sous-sols d’Internet, la question raciale est en fait toujours question identitaire. C’est-à-dire culturelle, religieuse, civilisationnelle, voire générationnelle. Et fortement liée à son corollaire, la question de l’immigration. Ce n’est pas que la droite soit antiraciste par essence, mais pour des raisons historico-idéologiques, la référence directe à la race est de fait interdite de ce côté-ci de l’ « échiquier politique ».
La stratégie de la droite intégralement ralliée au libéralisme économique, vise donc depuis quelques années à s’emparer de la question identitaire en l’autonomisant via les fameuses « valeurs » (européennes, (judéo)-chrétiennes, voire républicaines…). Celles-ci seraient une sorte d’îlot dépendant du seul volontarisme formel et totalement déconnecté de la logique de la production.
Aussi cette droite défend-elle de manière nostalgique et schizophrénique un mode de vie en passe d’être intégralement détruit par le libéralisme économique qu’elle promeut par ailleurs (François Fillon).
Et pour preuve que la question sociale subsume toujours en dernière instance la question raciale, c’est qu’on n’a encore jamais vu des hordes de migrants tenter de rentrer à Cuba. Ou comment le passage à l’économie socialiste résout immédiatement la question de l’immigration ! Avis aux amateurs (Bruno Gollnisch).
En fait, la vraie réhabilitation de la race comme catégorie politique légitime ces dernières années vient principalement de… la gauche antiraciste !
Quotas, discrimination positive, apologie du métissage, chasse au « mâle blanc », Conseil représentatif des associations noires (CRAN), camp d’été réservé aux « racisés »… L’antiracisme institutionnel et subventionné a fait énormément pour la lecture raciale des rapports sociaux dans la période récente.
Si politiquement, le PS et ses affidés ont été en pointe sur ces questions, c’est tout un amont théorico-idéologique qui a été préparé via le ralliement de l’université aux thèses freudo-marxistes, à Michel Foucault (ultime référence de l’ « Algérienne » Bouteldja), et au plaquage de force sur la réalité française des « cultural studies » américaines [1]. Des partis institutionnels à la « marginalité » universitaire et militante, c’est toute la gauche qui à des degrés divers a validé la vision ethnico-racialo-communautaire de l’individu des démocraties de marchés à partir des années 60.
Mais même ce racisme (inversé) d’État (à partir de Mitterrand) a été mis en place par stratégie… de classe. Stratégie sociale-démocrate de largage du prolétariat au profit du marginal et de l’immigré, aujourd’hui officiellement assumée par toute une partie du PS (Terra Nova).
Inversion accusatoire
C’est ce qu’on appel un retournement dialectique : la gauche, historiquement porteuse de la question sociale, s’est intégralement ralliée à une vision essentialisante et individualiste de la société (= la société m’oppresse parce que je suis noir/femme/homosexuel…) tandis que les valeurs identitaires, traditionnellement défendues par la droite, sont devenues le lieu aménagé par l’idéologie du capitalisme en déclin, au sein duquel s’expriment désormais les conflits… de classe [2].
Car mis à part les délires raciaux (subventionnés) des Indigènes de la République ou de certains hooligans (eux, à leurs frais), la question identitaire en France n’est jamais la revendication d’une vision racialiste de type germanisant. Et l’on n’a jamais vu des travailleurs faire grève pour revendiquer de vivre « entre blancs ».
Le vieux bourgeois de droite revendique par l’identitaire son attachement sentimental au catholicisme, à l’école qui transmet encore et aux valeurs familiales de la bourgeoisie d’hier (revendications d’ailleurs rendues illusoires par son vote UMP).
Le jeune prolétaire péri-urbanisé revendique lui, par son vote FN, la défense par la puissance publique de son environnement, soit le maintien de son emploi et la sécurité pour ses enfants. Revendications d’ailleurs parfaitement morales et légitimes au regard de ce qui lui est extorqué sur le fruit de son travail.
Mais ce retournement est un coup de maître, car l’idéologie dominante, intégralement convertie à la vision ethnico-communautaire anglo-saxonne, peut désormais qualifier de… raciste (populiste/fasciste/antisémite) toute revendication sociale qui s’exprime sous des formes identitaires. Dernières formes pourtant disponibles depuis la disparition du vieux PCF et la trahison sociétale cégétiste.
Comprise dialectiquement, la question identitaire en France n’est donc ni un racialisme (la « caillera » est un pur produit occidental) ni à nier ou à écarter d’un revers de la main comme le fait un Jean-Luc Mélenchon. Elle est à identifier comme un leurre dès lors qu’elle est autonomisée par rapport à la question sociale.
Cette dichotomie (= séparation) du social et de l’identitaire est l’arme qui est utilisée aujourd’hui contre le FN. D’où les tensions internes. Le message envoyé par l’oligarchie aux électeurs potentiels de ce parti est le suivant : soit la chienlit sociale [3] avec Marine et Philippot, soit les valeurs, mais alors il y a Fillon, mieux placé que Marion.