Elie Wiesel est décédé le 2 juillet 2016, à l’âge de 87 ans. Ce « rescapé de la shoah » était un conteur de génie, un « batlen », comme on en trouvait dans les shtels de l’ex Yiddishland, qui allait de village en village pour raconter des histoires à dormir debout. Elie Wiesel nous avait dit lui-même dans sa biographie qu’il racontait n’importe quoi. Il suffisait simplement de le lire. Nous republions ci-dessous un texte qui est une synthèse de ce que nous avons trouvé sur le personnage à travers la lecture de ses propres ouvrages. Pour ceux qui veulent en savoir davantage, lire Les Espérances planétariennes (2005), Psychanalyse du judaïsme (2006 ; version de 2011), Le Fanatisme juif (2007).
La gloire internationale d’Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, est largement fondée sur le succès des récits de sa douloureuse expérience concentrationnaire. Son talent de conteur fut d’ailleurs rapidement reconnu par l’écrivain François Mauriac, qui le prit sous son aile bienveillante, ainsi qu’il le relate dans ses Mémoires : « Sans Mauriac, dit-il, que serais-je devenu ? Il veilla sur ma “carrière”. Lors de chacun de mes voyages en France, je venais lui rendre visite. » La rencontre entre les deux hommes eut lieu dans une réception mondaine : « Mauriac, je l’ai aperçu en 1955 lors d’une célébration de la fête de l’Indépendance à l’ambassade d’Israël… Surpris, il insista : “Je suis heureux que vous m’ayez invité. Israël me tient à cœur. J’aime participer à sa fête.” » (Mémoires, tome I, Seuil, 1994, pp. 338, 326).
Elie Wiesel, guide touristique
À ses débuts, après la Seconde Guerre mondiale, Elie Wiesel dut travailler dur pour gagner sa vie. Installé à Paris, il servait de guide touristique à ses coreligionnaires de passage en France. Voici une anecdote qui montre de manière assez éloquente son aptitude à enrichir la vérité :
« Miriam me demande des explications sur Paris, et je les lui fournis volontiers. Pas besoin d’effort. J’improvise avec un aplomb dont j’ai encore honte aujourd’hui… A cette époque-là, il m’arrive assez souvent de broder, d’inventer des détails piquants sur l’histoire de Paris qu’on ne trouverait dans aucun ouvrage, fût-il romancé. Pourquoi ? Par fatigue. Trop de visiteurs israéliens insistent pour que je leur montre le Louvre et la Concorde, Montmartre et les cabarets russes. Au début, je fais mon métier de guide consciencieusement : je ne dis que ce que je sais. Et puis je m’aperçois que les touristes dont j’ai la charge sont insatiables en ce qui concerne la culture parisienne : ils en veulent davantage. Des récits plus pittoresques. La façade de Notre-Dame avec ses Juifs au chapeau pointu, avec sa synagogue aveugle et misérable, ne leur suffit pas. [Elie Wiesel confond avec la cathédrale de Strasbourg]. “Tout cela, disent-ils, nous l’avons appris à l’école. Ici, c’est autre chose qui nous intéresse.” Bon, qu’à cela ne tienne : je me mets à inventer une anecdote pour chaque statue, une histoire pour chaque monument. Réarranger le passé de la capitale pour une heure, une matinée, en quoi cela nuirait-il à la France ?
« Or, un jour, l’inévitable se produit : un guide, malheureusement professionnel, se trouve place de la Bastille près du petit groupe (francophone) qui m’écoute bouche bée lui décrire les journées de 1789 ; je suis en forme, je connais le nom de l’officier qui, le premier, ouvrit les portes de la prison ; et celui du prisonnier qui, à genoux, implora sa miséricorde. Dans la cellule voisine, une princesse se préparait à la mort ; elle souhaitait mourir, mais la vue de l’officier la fit changer de philosophie, et la voilà qui, au scandale de ses amies, clame son amour de la vie et des vivants… Je pourrais continuer à broder ainsi jusqu’à la prochaine révolution, n’était le cri d’animal blessé qu’un bonhomme inconnu pousse à côté de moi… Il se jette sur moi, prêt à me déchiqueter : “Comment… comment osez-vous ? Moi qui connais cette ville, l’histoire de chaque pierre, comment osez-vous mentir en ma présence et faire mentir l’histoire ?” Nous le quittons plutôt précipitamment. “Ne fais pas attention, me console l’un de mes invités de passage. C’est un fou furieux.” Un autre le corrige : “Mais non, il est jaloux, c’est clair comme le jour.” Mais Miriam, elle, adore les histoires. Vraies ou imaginaires, elles la divertissent. Et puis, elle est belle, Miriam. » (Mémoires, tome I, Seuil, 1994, pp. 271, 272).
Nous avons ici un bel exemple de fuite précipitée. Mais, une fois n’est pas coutume, l’auteur semble admettre que la colère de son agresseur pourrait être ici éventuellement justifiée, quand bien même ses coreligionnaires sont déjà prêts à le défendre mordicus contre pareille injustice.
Lire la suite des aventures d’Elie Wiesel sur herveryssen.wordpress.com
Le tweet de Jean-Marie Le Pen ce 3 juillet 2016 :
Wiesel affabulateur ? « Il m’arrive assez souvent de broder, d’inventer des détails piquants sur l’histoire… » Mémoires, T.1, 1994, p.271
— Jean-Marie Le Pen (@lepenjm) 3 juillet 2016