Les Dieux ont soif
Nos modernes Crésus au nez courbe qui boivent goulument les richesses liquides du Pactole, ont toujours soif !
Si Midas changeait tout ce qu’il touchait en or, eux changent l’or en ordure, car à peine ont-ils trempé leurs lourdes lippes avides dans le fleuve aurifère, son or vénérable se transforme en hedge funds, comme l’eau du Jourdain en sang.
La propriété privée.
On a longtemps présenté le régime capitaliste comme le garant de la propriété privée, et le crime le plus grave que les nantis imputaient aux « partageux » était de vouloir l’abolir.
Inviolable et sacrée, la Propriété Privée était au nombre des « Immortels Principes », et pour beaucoup l’Arche-Sainte, le sanctuaire qui les contient tous, et les protège sous son couvercle d’or.
Cependant c’est ce principe auguste et vénérable qui est aujourd’hui foulé aux pieds par le Capital financier.
Après avoir jeté à la rue des millions de petits propriétaires, puis dilapidé les revenus des épargnants les plus modestes dans des placements hasardeux, puis spéculés avec les sommes allouées au titre de leur « nécessaire sauvetage », après avoir exigé et obtenu de tous les gouvernements prostitués le blocage des salaires, des retraites, et davantage de licenciements, il ne restait plus aux Banksters croulant sous leurs actifs pourris et leurs comptes truqués que le vol à main armée de l’argent des épargnants.
C’est chose faite désormais à Chypre…
Là, du jour au lendemain, interdiction aux déposants de retirer leur argent des banques gardées par des flics en armes, et confiscation de 40 à 60% des sommes déposées !
Tous les comptes ?
Non, un petit Village global peuplé d’irréductibles privilégiés résiste encore et toujours aux spoliateurs.
Nous lisons dans l’imMonde : « les transactions commerciales ne seront pas limitées, des grosses sommes se seraient déjà échappées de Chypre, résultats d’un traitement de faveur réservé aux plus gros clients »
Ainsi, seuls les petits déposants, ceux qui ont économisés sous par sous un modeste pécule, pour leurs enfants, pour leurs vieux jours, seront dévalisés par les fripouilles de Bruxelles.
Il ne leur restera plus qu’à sceller leur ruine en buvant tous ensemble le fort vin de Chypre et s’enivrer du raisin de la colère contre ceux qui se délectent de leur sang.
Ce qu’ils firent :
« ils boivent notre sang !
« ceux qui nous ont volés doivent aller en prison !
« Troïka hors de Chypre ! »
entendait-on scander dans les rues de Nicosie
La troïka, la trinité du mal, c’est la Sainte-Banque Centrale Européenne, Sa fille la Commission européenne, et trônant dans l’azur, le Père putatif de tous ces satrapes, le FMI, affameur, infamie ! Gloire à Lui !
Et qui pourrait croire que ce traitement restera strictement confiné à Chypre, ou à
« Rhodes, Argos, la Sicile et Carthageet les peuples obscurs de l’Adige et du Tage » ? [1]
Personne ! car voici :
Jeroen Dijsselbloem blême et concisDe l’Union le missi dominiciLe patron de tous les MoscoviciEt s’il n’est pas lui même circoncis,
il est celui, Veni, vidi, vici, qui a vendu la mèche : « Chypre est un modèle pour traiter les problèmes bancaires » !
Le banditisme à ciel ouvert, tel est l’horizon indépassable du capitalisme putréfié.
La boucle est bouclée. Nous avons là un Cercle, car le Capital rejoint dans son agonie sa naissance expropriatrice et sanglante.
Petit cours de marxisme non-universitaire à l’usage des jeunes générations
La pègre staliniste, et sa fille-femen gauchiste, ont tellement souillé, non seulement le socialisme réel, mais la théorie elle même, qu’un malentendu fondamental porte sur la question de la propriété.
Une aubaine pour tous nos Sociologues qui peuvent ainsi se payer le luxe de réfuter la théorie grossière -un économisme couronnée par la subversion- que sous le nom de marxisme ces penseurs-poussifs se sont préalablement donnés la peine de produire.
Allons plutôt boire à la source : LE CAPITAL livre I . Section 8. [2]
S’il y a des « travailleurs qui ne possèdent que leur force de travail, c’est parce qu’ils ont été dépouillés de tous leurs moyens de production […]. L’histoire de leur expropriation n’est pas matière à conjecture elle est écrite dans les annales de l’humanité en lettres de sang et de feu indélébiles… »
Ainsi dans cette huitième section du livre I du Capital, le théoricien va céder la place à un Marx historien et pamphlétaire. Il faut lire, et même peut-être commencer la lecture du Capital par ces pages terribles qui décrivent le procès d’accumulation primitive du capital.
« La propriété privée, fondée sur le travail personnel, cette propriété qui soude pour ainsi dire le travailleur isolé et autonome aux conditions extérieures du travail, va être supplantée par la propriété privée capitaliste, fondée sur l’exploitation du travail d’autrui, sur le salariat. »
Marx décrira longuement, minutieusement les mécanismes et la genèse de cette « Expropriation originelle », qu’il résumera ainsi.
« La spoliation des biens de l’Eglise, l’aliénation frauduleuse des domaines de l’Etat, le pillage des terrains communaux, la transformation usurpatrice et terrestre de la propriété féodale ou même patriarcale en propriété moderne privée, la guerre aux chaumières, voilà les procédés idylliques de l’accumulation primitive […], voilà ce qu’il en a coûté […] pour consommer le divorce du travailleur d’avec les conditions du travail, pour transformer celles-ci en capital et la masse du peuple en salariés »
« Ainsi donc ce qui gît au fond de l’accumulation primitive du capital, au fond de sa genèse historique, c’est l’expropriation du producteur immédiat, c’est la dissolution de la propriété fondée sur le travail personnel de son possesseur.
[…] cette douloureuse, cette épouvantable expropriation du peuple travailleur, voilà les origines, voilà la genèse du capital.
L’expropriation des producteurs immédiats s’exécute avec un vandalisme impitoyable qu’aiguillonnent les mobiles les plus infâmes, les passions les plus sordides et les plus haïssables dans leur petitesse.
Et Marx décrira : « toute une série de procédés violents, dont nous n’avons passé en revue que les plus marquants sous le titre de méthodes d’accumulation primitive.
Tantœ molis erat ! Voilà de quel prix nous avons payé nos conquêtes ; voilà ce qu’il en a coûté pour dégager les « lois éternelles et naturelles » de la production capitaliste, pour consommer le divorce du travailleur d’avec les conditions du travail, pour transformer celles-ci en capital, et la masse du peuple en salariés, en pauvres industrieux (labouring poor), chef-d’œuvre de l’art, création sublime de l’histoire moderne. Si, d’après Augier, c’est « avec des taches naturelles de sang, sur une de ses faces » que « l’argent est venu au monde », le capital y arrive suant le sang et la boue par tous les pores. »
La Vieille Taupe
Voilà donc sa genèse
Voici venue l’heure de sa fin infâme.
Mais comme il ne fut pas renversé le capital entraîne le monde entier dans sa décrépitude.
Ainsi les événements de Chypre ne surprendront que les idéologues ou les ignorantins, car l’essence du Capital n’est nullement la propriété privée mais la privation de toute propriété pour le plus grand nombre.
Et la propriété sociale n’était pas une négation de la propriété mais son nécessaire rétablissement, sous une forme plus haute, supérieure.
Cette profonde connaissance creusera-t-elle à nouveau son sillon, dans la conscience lasse des peuples Européens, exsangues.
Cette bonne Vieille Taupe, qui mine tous les plans meurtriers, mais sans pour autant réussir à effondrer tout le Temple des maçons-architectes qui enserrent c‘te planète dans leur réseaux de fer, pourrons nous un jour lui crier : « Bien creusé, vieille taupe ! »
Félix Niesche