Dans ce discours en hébreu du 28 octobre, Netanyahou a justifié le massacre de civils à Gaza par une référence à Amalek : « Vous devez vous souvenir de ce qu’Amalek vous a fait, dit notre Sainte Bible. Et nous nous souvenons. Et nous nous battons. »
Dans la Sainte Bible de Netanyahou, Dieu a donné la Palestine à son peuple élu, et le même Dieu lui a ordonné d’exterminer les Amalécites, un peuple arabe (descendant d’Abraham par Ésaü) qui s’est mis en travers de son chemin. Yahvé a demandé à Moïse non seulement d’exterminer les Amalécites, mais aussi « d’effacer le souvenir d’Amalek de dessous les cieux » (Deutéronome 25:19) [1].
Il incomba plus tard à Saül de les achever : « Tue hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes », ordonne Yahvé (1 Samuel 15:8). Parce que Saül épargna le roi amalécite Agag, Yahvé lui retira la royauté et le rendit fou : « Je me repens d’avoir donné la royauté à Saül, car il s’est détourné de moi et n’a pas exécuté mes ordres » (15:11). Le saint prophète Samuel, qui avait une ligne de communication directe avec Yahvé, a dû égorger Agag de sa propre main (le sens du verbe hébreu, shsf, est sujet à débat, certaines traductions proposant qu’il le coupa en morceaux ou l’écartela). Yahvé donna alors la royauté à David, qui se montra un exterminateur plus obéissant, par exemple pour les habitants de Rabba, qu’il « mit en pièces avec des scies, des herses de fer et des haches, et les fit passer par des fours à briques » (2 Samuel 12:31 et 1 Chroniques 20:3).
Malgré leur génocide complet dans la Bible, les Amalécites restent le cauchemar éternel d’Israël. Amalek a fini par être associé, comme son grand-père Ésaü, à Rome et au christianisme, mais aussi à l’Iran, car le méchant du livre d’Esther, Haman, est un Agagite, c’est-à-dire un descendant du roi amalécite Agag. C’est pourquoi la pendaison d’Haman et de ses dix fils et le massacre de 75 000 Perses sont souvent confondus dans la tradition juive avec l’extermination des Amalécites et l’exécution brutale de leur roi. La lecture de la Torah du matin de Pourim est tirée du récit de la bataille contre les Amalécites, et se termine par : « Yahvé sera en guerre contre Amalek de génération en génération. » (Exode 17:16) [2]
Dans un article du New York Times de 2009, Jeffrey Goldberg rapporte que, ayant demandé à l’un des conseillers de Netanyahou « d’évaluer pour lui l’angoisse de Netanyahou à propos de l’Iran », la réponse qu’il a reçue a été : « Pense Amalek. » [3] Aujourd’hui, Netanyahou appelle à nouveau les Israéliens à se souvenir d’Amalek pendant que leur armée bombarde Gaza, hommes, femmes, enfants, nourrissons et bétail.
Comme je l’ai déjà dit ( ici), Netanyahou n’est pas devenu fou. Il est simplement possédé par la Bible hébraïque, le roman national d’Israël. Son obsession pour Amalek est partagée par les sionistes du monde entier. Par exemple, dans cette conférence du rabbin Eliyahu Kin sur la question « Pourquoi les Juifs doivent-ils détruire Amalek », que j’ai déjà commentée ( ici), on apprend que les Amalécites méritent toujours leur sort car il est dans leur nature de s’opposer à la volonté de Dieu. En fait, puisque Dieu est bon, exterminer Amalek est l’expression de sa bonté. Et puisque « la meilleure façon d’aimer ce que Dieu aime est de haïr ce que Dieu hait », haïr Amalek, c’est aimer Dieu. La raison pour laquelle les Amalécites détestent les juifs n’est pas que les juifs veulent les exterminer. Non, « ce qui dérange Amalek, c’est que le juif croit au moussar, la moralité, l’éthique, le fait d’être bon, d’être gentil ». Les Amalécites sont également mauvais parce qu’ils s’opposent à la Torah – qui ordonne leur extermination. En fin de compte, résume le rabbin, « nous sommes cruels envers Amalek parce que nous devons l’être. Parce que c’est exactement ce qu’ils nous feraient s’ils en avaient l’occasion ». Pourquoi ? Parce qu’Amalek « est un concentré de haine ». Et les juifs doivent haïr la haine – sauf la haine de Dieu envers Amalek, qu’ils doivent aimer comme une expression de l’amour de Dieu. On est désarmé face à un tel délire.
Mais revenons à Netanyahou. Qu’y a-t-il de mal à ce qu’il cite la Bible ? C’est la Sainte Bible, n’est-ce pas ? La parole de Dieu ! Nous autres, peuples christianisés, avons également appris que dans les temps anciens, Dieu a choisi les juifs, leur a donné la Palestine et leur a ordonné d’exterminer les Amalécites (et les Madianites, et bien d’autres peuples). Qu’est-ce que les chrétiens peuvent bien objecter à Netanyahou aujourd’hui ? Que Dieu avait le sang chaud à cette époque, mais qu’il s’est maintenant calmé ? Que les Amalécites n’existent plus, ou ont désormais le droit de s’opposer au projet biblique ? Que nous sommes le vrai Israël, maintenant ? Assez de toutes ces exégèses nauséabondes ! Dieu, le créateur de l’univers, ordonne, dans notre Bible chrétienne, d’exterminer Amalek, hommes, femmes, enfants et bébés (et le bétail, car Yahvé ne fait aucune différence). C’est clair et indiscutable.
Regardons plutôt la vérité en face : le Dieu de l’Ancien Testament est un démon sanguinaire. Certains l’ont compris depuis longtemps et ont tenté de nous prévenir. Bakounine, par exemple, qui voyait de la judéité dans le marxisme, a écrit dans Dieu et l’État que de tous les dieux adorés par les hommes, Yahvé « était certainement le plus jaloux, le plus vaniteux, le plus féroce, le plus injuste, le plus sanguinaire, le plus despotique et le plus hostile à la dignité humaine et à la liberté ». Bakounine faisait partie de ces intellectuels perspicaces qui, au XIXe siècle, savaient qu’Israël était la création d’une divinité maléfique. Mais la grande majorité n’entendaient pas ces auteurs « antisémites », car Israël était, pour les chrétiens, une abstraction, une histoire sainte et miraculeuse, une légende sacrée évoquant des temps mythologiques. Mais aujourd’hui, Israël est réel, et son caractère infernal est clairement manifesté aux yeux de tous. Jamais auparavant la prise de conscience de l’âme mauvaise d’Israël n’a été aussi accessible. Nous vivons à une époque de révélation et nous ferions bien de ne pas la manquer. L’enjeu est aujourd’hui planétaire. Nous sommes tous Gaza !
« Les Palestiniens se sont involontairement sacrifiés dans le but d’éclairer les civilisations du monde entier sur la nature profondément perverse et satanique de l’État sioniste d’Israël », vient d’écrire The Armchair Prophet [4]. Oui, Gaza est le Christ. Et Israël est Israël, fidèle à lui-même. Mais Netanyahou a raison : Gaza est aussi Amalek. Car Amalek est aussi le Christ, mais nous ne l’avons pas reconnu, car nous avons cru que le Christ était un avec Yahvé, le tortionnaire d’Amalek. Nous pouvons maintenant commencer à voir notre tragique erreur. Ayons le courage de reconnaître que nous nous sommes trompés, qu’on nous a trompés, depuis deux mille ans, sur Yahvé et sur le peuple élu qu’il a créé à son image (ou réciproquement).
Comment se fait-il que les chrétiens n’aient jamais remarqué que, lorsqu’il a promis à Israël la domination sur les nations en échange de sa soumission à ses lois insensées, Yahvé était le même esprit diabolique qui apparut plus tard à Jésus et, « lui montrant tous les royaumes du monde avec leur gloire, lui dit : "Tout cela, je te le donnerai, si, te prosternant, tu me rends hommage" » (Matthieu 4:8-10). Après tout, Satan n’est que l’ « ange de Yahvé » dans la Bible hébraïque (Nombres 22 et 32), souvent indiscernable de Yahvé lui-même (1 Chroniques 21).
Netanyahou nous ouvre les yeux, et j’attends avec impatience sa prochaine leçon biblique. Après avoir mentionné Amalek, il a qualifié Josué de « héros juif ». Lisez le Livre de Josué pour comprendre ce qu’il veut dire et ce que veulent dire tous les Israéliens qui l’applaudissent. Aucune lecture n’est plus éclairante sur la nature de Yahvé et d’Israël. Sur l’ordre de Yahvé, Josué et ses hommes commettent génocide après génocide contre les peuples qu’ils dépossèdent, tuant indistinctement « hommes et femmes, jeunes et vieux » (6:21). Dans tout le pays, Josué « ne laissa pas un survivant et voua tout être vivant à l’anathème, comme Yahvé, le dieu d’Israël, l’avait ordonné » (10:40).
Trois jours avant ce discours, Netanyahou avait déclaré à son peuple : « Nous réaliserons la prophétie d’Isaïe. » Vous croyez peut-être qu’Isaïe évoque une époque où toutes les nations « briseront leurs épées pour en faire des socs de charrue » (Isaïe 2:4). Mais retournez à votre Bible et lisez la prophétie en entier pour comprendre ce que Netanyahou veut dire. C’est le gouvernement mondial de Jérusalem que prophétise Isaïe : « De Sion viendra la Loi et de Jérusalem la parole de Yahvé », de sorte que Yahvé « jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux » (2:3-4). C’est le vampirisme d’Israël : « Vous vous nourrirez des richesses des nations, vous les supplanterez dans leur gloire » (61:5-6). C’est l’asservissement des peuples : « Les royaumes qui ne te servent pas périront, et leurs peuples seront exterminés. » (60:12)
Un homme, au deuxième siècle de notre ère, avait compris que Jésus ne pouvait pas être le fils de Yahvé, mais qu’il était plutôt son ennemi juré. Il s’appelait Marcion. Les érudits le qualifient de gnostique, parce qu’il enseignait que Yahvé était un mauvais démiurge et que le Christ était le bon dieu descendu du Ciel pour nous sauver de Yahvé. La plupart des textes gnostiques promeuvent ce point de vue, sous une forme ou une autre. Dans l’Apocryphon de Jean, également du IIe siècle, Yahvé (ou Yaltabaoth) est le premier d’une série d’entités démoniaques appelées archontes, qui usurpe la position de Dieu en proclamant : « Je suis un dieu jaloux, il n’y a d’autre dieu que moi. » Yaltabaoth et les autres archontes tentent d’emprisonner Adam dans le jardin d’Éden, un faux paradis, mais le Christ, qui est le premier éon, envoie Ève vers Adam pour libérer la lumière emprisonnée en lui et le conduire à manger le fruit libérateur de l’arbre de la connaissance.
La recherche académique a établi que le gnosticisme est apparu au sein du judaïsme, probablement en Samarie. Selon l’opinion très respectée de Gilles Quispel, c’était une hérésie juive avant d’être une hérésie chrétienne [5]. En tant qu’hérésie juive, le gnosticisme exprime une prise de conscience et un rejet par les juifs spirituels de la nature matérialiste et sadique de Yahvé. Cependant, les gnostiques prenaient encore leur Torah trop au sérieux et acceptaient l’idée que, avant de devenir le dieu d’Israël, Yahvé avait été « Dieu », le créateur du monde matériel. En ce sens, ils étaient encore sous le coup d’une illusion biblique.
Dans les débuts juifs du christianisme, il y eut une lutte intense entre les chrétiens gnostiques et les chrétiens anti-gnostiques. L’enjeu principal était le statut du Tanakh juif. Marcion, a qui l’on doit le premier evangelion et la première ekklesia organisée, eut une influence considérable, et Tertullien nous informe que son église était encore puissante au début du IIIe siècle, et que le maître gnostique Valentinus faillit devenir évêque de Rome (Contre Marcion). S’appuyant sur l’enseignement de Paul, les gnostiques croyaient que la nouvelle alliance de Jésus les libérait de l’alliance de Moïse, mais leurs ennemis insistaient sur la continuité plutôt que la rupture et affirmaient que la Nouvelle Alliance ne contredisait pas l’Ancienne mais l’accomplissait. Les anti-gnostiques ont finalement prévalu et le Tanakh juif est devenu partie intégrante du canon chrétien. Cela était peut-être une sage décision politique tant que l’objectif était de convertir les juifs, mais puisque le christianisme est devenu la religion des Gentils, le résultat fut que ces derniers se sont mis à adorer Yahvé avec Christ.
Le christianisme nous a offert l’histoire puissante du Christ, l’homme qui voulait libérer les juifs de leur dieu cruel et ethnocentrique, et fut crucifié pour cela. Mais le christianisme est également devenu le cheval de Troie de Yahvé dans la civilisation païenne. Le terrible pouvoir de Yahvé et de ses fils a été décuplé par l’adoration des chrétiens, et ce sont les chrétiens qui ont recréé Israël. L’esprit de Yahvé est désormais à nouveau pleinement incarné en Israël, plus fort que jamais, alimenté par un siècle de bains de sang. Car Yahvé est assoiffé de massacres : « L’esprit de Yahvé fut sur lui, et il descendit à Ashkelon, où il tua trente de leurs hommes et les pilla. » (Juges 14:19)
S’il fallait dresser le portrait de Yahvé, il serait un dragon terrifiant, volant dans les airs avec ses ailes (Psaume 17:8 ; 36:8 ; 91:4), « de la fumée sortant de ses narines, et de sa bouche un feu dévorant » (Psaume 18,8 et 2 Samuel 22:9). Yahvé partage la passion des dragons pour l’or et les richesses qu’il thésaurise dans son repaire : « À moi l’argent, à moi l’or ! » (Aggée 2:8). (Selon 1 Rois 10,14, la quantité d’or amassée chaque année dans le temple de Salomon était de « 666 talents d’or »). Comme certains dragons maléfiques, Yahvé est aussi consommateur de jeunes vierges : trente-deux d’entre elles lui furent réservées après le massacre des Madianites, vraisemblablement brûlées en holocauste avec les bœufs, les ânes et les brebis qui faisaient également partie de « la part de Yahvé » (Nombres 31). Yahvé a un faible pour l’agréable odeur des holocaustes bien calcinés (Genèse 8,21).
Dans l’épisode de la rivalité entre Élie et les prêtres de Baal, le feu dévorant de Yahvé est donné comme la preuve définitive qu’il est Dieu : « Vous invoquerez le nom de votre dieu et moi, j’invoquerai le nom de Yahvé : le dieu qui répondra par le feu, c’est lui qui est Dieu. » (1 Rois 18:24) (on attend encore l’adaptation hollywoodienne de ce combat des dieux, qui se termine par le massacre des prêtres de Baal, égorgés par Élie lui-même !)
Yahvé est un feu dévorant, qui aujourd’hui se déchaîne sur Gaza en un véritable holocauste biblique.
Il est grand temps de le comprendre : le dieu d’Israël est Satan.