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L’empire de la terreur

Deux livres viennent de paraître sur le terrorisme, qui tous les deux orientent le lecteur vers des interrogations en amont des attentats spectaculaires récents, et qui plus est, vers des réponses et des pistes pour bâtir un avenir débarrassé de ce fléau. Celui de Damien Viguier, Terrorisme et crime contre l’humanité (Leçons de droit) (éd. Kontre Kulture), est comme le préalable à celui de Jean-Michel Vernochet, Les Fiancés de la mort, les stratégies de la terreur globale (éd. Sigest) : il explique le détournement du droit auquel nous sommes confrontés depuis 1945, qui fait que l’on est dans un cercle vicieux, dont les médias comme les tribunaux veulent que nous ne sortions sous aucun prétexte.

Pour résumer la posture officielle : le terrorisme existe, donc il faut mener la guerre contre le terrorisme, et tout ce qui ne rentre pas dans le cadre de cette guerre juste, aussi mondiale qu’absolue, doit être exterminé et assimilé à de la complicité de terrorisme. On est en plein totalitarisme, avec une menace policière pesant sur chacun, et tout regroupement autonome pour tenter d’échapper à ce manichéisme promu par le terrorisme d’État mérite la répression. Avec le prétexte des mouvances armées se réclamant de l’islam, ce qui est patent, c’est la terreur dans laquelle on fait tout pour nous maintenir.

Nous avons bien connu ces excès dans l’univers soviétique ; avec le recul, le vocabulaire en usage à l’époque semble mesuré, et l’ambition totalitaire aussi : une menace diffuse pesait sur la population, mais les uns se disaient « dissidents » et invoquaient les droits de l’homme, tandis que les autres vous accusaient de complot contre la patrie. Des procès ficelés comme des opéras avaient pour but de convaincre chacun qu’il n’y avait aucune troisième voie possible, c’était le bien contre le mal, d’un côté comme de l’autre, aveuglément. La schizophrénie, la peur panique, le reniement, le suicide guettaient chacun. Mais comme c’était invivable, trop contradictoire avec l’infinie souplesse chaotique de la vie réelle, les agents même de la répression rendaient de petits services aux dissidents, tandis que ceux-ci multipliaient les gestes empoisonnés d’allégeance mensongère, à la limite de la parodie. Jusqu’au jour où le système « Stasi » de délation généralisée, si allemand, si absolu, si rationalisé, si performant, s’écroula comme un château de cartes. Evidemment, la CIA avait poussé de toutes ses forces en ce sens, et c’est elle qui tira les marrons du feu. Mais le soulagement était bien réel, au moins pour les intellectuels et les artistes qui avaient assisté avec horreur au naufrage de la pensée, et qui rêvaient de beaux rôles.

Nous vivons à nouveau sous l’empire d’une certaine panique contagieuse. Progressivement, sous la belle parure de la démocratie, une nouvelle tyrannie s’est installée par la séduction ; l’empire des « Choses », comme disait Georges Pérec, s’étendait et s’approfondissait, nous hypnotisant tous. Nous nous sommes mis à penser beaucoup moins, mais plus rien ne semblait devoir réprimer la pensée, dans les démocraties occidentales en expansion vers l’Est, à partir de la chute du Mur en 1989 ; si répression il y avait contre certains esprits, c’était seulement à la marge, loin de l’attention des médias, et c’était indolore pour les autres.

Mais l’étau se resserre maintenant, à coup de propagande forcenée, sous prétexte que des attentats-suicide se sont installés dans le paysage des pays riches. Si l’on manifeste en public son scepticisme devant les constructions bâclées de la propagande, on risque de plus en plus d’être accusé peu ou prou d’appartenir à un univers mental archaïque, sauvage, fanatique, comportant au moins par omission un zeste d’apologie du terrorisme ; la menace est bien réelle pour les jeunes, qui n’ont pas encore intégré l’autocensure ; il est prudent, pour se dédouaner, de se montrer mondialiste et « progressiste », c’est-à-dire volontaire pour accélérer par tous les moyens et avec n’importe quel argument la destruction des cadres anciens : cadres religieux, familiaux, moraux, éthiques, juridiques, nationaux, ethniques. Il faut même tenter de tordre le cou à la nature, et applaudir au projet de remplacer notre humanité par des robots aux organismes génétiquement modifiés, entièrement soumis à la marchandisation universelle, des zombies soi-disant augmentés, ce qui, soit dit en passant, nous réduit d’avance, nous les vivants d’aujourd’hui, au rang d’êtres inférieurs et périmés, « déplorables », comme on dit aux US.

Le déni de la réalité qu’on nous impose, véritable négationnisme officiel, atteint un degré si insensé que cela ne peut plus durer. Un point culminant a été atteint avec le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, organe périodique pratiquant une sinistre caricature de la liberté d’expression, en versant systématiquement dans l’obscénité et l’injure aux musulmans et aux chrétiens. L’opération a débouché sur des manifestations organisées pour terroriser ceux qui ne se sentaient pas Charlie, et dont certains ont effectivement été poursuivis et condamnés pour « incitation au terrorisme », ce qui confirme bien que la mort des journalistes était un ingrédient macabre nécessaire pour valider une entreprise de répression de la pensée préparée à l’avance. Pour Vernochet comme pour Viguier, cette affaire en éclaire bien d’autres.

Le livre de Damien Viguier fait découvrir avec un beau style, de façon didactique et claire, ce qu’était le droit, jadis, outil délicat aux rouages rationnels admirables, pour garantir le moins d’injustice possible dans une société donnée, aux limites clairement établies par les États, se reconnaissant mutuellement. Quand un État décidait d’en attaquer un autre, il tenait à le faire dans le cadre d’un droit de la guerre reconnu par toutes les parties en présence.

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Retrouvez Damien Viguier, Jean-Michel Vernochet et Maria Poumier
chez Kontre Kulture :

Damien Viguier sur E&R :

 
 






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