Alors que la France disputait dimanche [17 novembre 2019] son dernier match des éliminatoires pour l’Euro 2020 en Albanie, l’attaquant madrilène s’est retrouvé pris sous les feux croisés de son entraîneur de club, Zinédine Zidane, et du pouvoir fédéral, qui l’a définitivement exclu des Bleus.
Un feu de brousse. Alors que le sélectionneur Didier Deschamps bouclait dimanche soir à Tirana sa centième à la tête des Bleus, le cas Benzema s’est réinvité dans l’actualité tricolore : samedi, le président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, a expédié en retraite internationale l’avant-centre du Real Madrid, écarté dans les faits de l’équipe de France depuis le 8 octobre 2015 et son doublé contre la sélection arménienne (4-0) à Nice. Le Graët, au micro de RMC :
« Benzema, je n’ai jamais critiqué ses qualités. Au contraire, il montre encore cette année au Real Madrid [où l’attaquant marche sur l’eau, 11 buts en 15 matchs, NDLR] qu’il est l’un des meilleurs à son poste. Mais l’aventure France est terminée. »
Benzema, dans la foulée, sur Twitter :
« Noël, je croyais que vous n’interfériez pas dans les décisions du sélectionneur ! Sachez que c’est moi et moi seul qui mettrai un terme à ma carrière internationale. Si vous pensez que je suis terminé, laissez-moi jouer pour un des pays où je suis éligible et nous verrons. »
Pourquoi l’affaire Benzema resurgit-elle maintenant ?
[...]
Benzema, 31 ans, est le meilleur attaquant français depuis une dizaine d’années – seul Franck Ribéry, autre paria de la sélection, lui ayant parfois contesté le titre – et Zidane s’était jusqu’ici toujours défaussé : changement de pied donc. Et la presse espagnole qui s’engouffre sur le chemin ouvert par le coach madrilène : deux unes sur l’affaire suivront, « La France le réclame » avec une photo de Benzema sur fond de drapeau bleu-blanc-rouge pour AS, « Qu’est-ce qu’ils attendent [pour sélectionner Benzema] ? » pour Marca, réputé proche de la direction et des intérêts du club de la capitale espagnole. De réplique en réplique, Deschamps a été interrogé sur le sujet le 11 novembre dans le cadre d’un rassemblement tricolore à Clairefontaine : « Il [Zidane] est dans son rôle », a-t-il grincé.
Reste à savoir de quel rôle on parle. Et c’est pour protéger son sélectionneur du feu médiatique que Le Graët s’est exprimé samedi, avec une pointe d’agressivité ironique – l’emploi du mot « aventure » incluant, dans son esprit, la mise en examen de Benzema et sa garde à vue dans l’affaire du chantage à la sextape visant son ex-équipier en bleu, Mathieu Valbuena, le kilomètre zéro de toute l’histoire. En octobre 2018, Le Graët avait déjà déclaré ceci : « Je n’ai rien contre Karim. Mais je pense que les Bleus, c’est terminé pour lui. » Samedi, le « je pense que » a sauté.
Quel est le périmètre du « rôle » de Zidane ?
[...]
À trois reprises, Zidane a été en approche du poste de sélectionneur que convoitait (la première fois) ou occupait (les deux suivantes) Deschamps. Comme l’a révélé Le Graët lui-même, le maestro avait postulé pour prendre la succession de Laurent Blanc en juillet 2012 : sans expérience du poste d’entraîneur à l’époque, il s’était vu préférer un Deschamps qui fascinait déjà de toute façon le président de la FFF. Les deux autres fois, en novembre 2013 en amont d’un barrage qualificatif pour le Mondial 2014 difficile contre l’Ukraine puis en juillet 2018, correspondent à des moments clés de la mandature de l’actuel sélectionneur. Qui en tire du reste sa légitimité : j’ai joué (ma tête), j’ai gagné, je reste.
Du coup, l’ère Deschamps a un parfum d’éternité. Quand la question de sa probable prolongation de contrat – de juillet 2020 à juillet 2022, après le Mondial qatari donc – à venir lui a été posée cette semaine, le coach tricolore a été royal : « Si l’envie diminue, je dirai stop. Je n’ai pas l’habitude de faire les choses à moitié. » Sous les pavés de la rhétorique, la netteté du message : le boulot me plaît et je ferai ce que je voudrai tant que les résultats seront de mon côté.
[...]
Quelle est la position de Deschamps sur le sujet ?
Devant les micros, Deschamps a toujours invoqué les « raisons sportives » pour évoquer la mise à l’écart de l’avant-centre madrilène, sans jamais préciser. L’un de ses joueurs, titulaire dimanche en Albanie, avait eu le sous-titre : « En écartant Benzema, j’ai fait grandir Griezmann », qui a pris le leadership offensif. À l’automne 2017, Libération s’était fait l’écho d’une conversation privée du sélectionneur avec l’un de ses proches : jamais il ne pardonnerait à Benzema le tag du mot « raciste » sur le mur de sa résidence secondaire à Concarneau en juin 2016, après que le joueur eut déclaré dans Marca que le sélectionneur « a cédé à une partie raciste de la France » en le mettant à l’écart en amont de l’Euro 2016 organisé en France.
Samedi, dans L’Équipe, Deschamps a à nouveau évoqué l’épisode du tag : « Là, c’est la bascule. Et beaucoup de choses ont changé dans mon approche. Ce que j’ai subi est inconcevable. » Quand on lui demande s’il tient pour responsable de cette « bascule » les propos de Benzema dans Marca, Deschamps dit ceci : « Pas forcément. C’est un ensemble de choses. Après, chacun doit assumer ses propos. »
Un certain flou demeure. Le camp Benzema a toujours eu une lecture politique de l’affaire : sa première mise à l’écart est intervenue entre les deux tours des élections régionales de décembre 2015 où le Front national (désormais Rassemblement national) menaçait, un Premier ministre en exercice (Manuel Valls) s’était prononcé pour sa suspension chez les Bleus, Le Graët a lui-même reconnu en janvier 2016 avoir reçu à la Fédération d’innombrables courriers à caractère raciste concernant le joueur (« il faut dire quoi ? A mort l’Arabe ? » s’était-il écrié), et il est clair qu’il était plus simple pour un Deschamps soucieux d’emmener tout un pays derrière lui - compétition à domicile oblige – de faire sans Benzema.
Lire l’article entier sur liberation.fr
Si Benezma a été attaqué sur ses « performances » extra-sportives, il est défendu pour ses performances sportives :
Mais l’entraîneur algérien, détenteur de la Coupe d’Afrique des nations, n’a pas l’air emballé :
Belmadi questionné à propos d'un éventuel mais improbable et impossible renfort de Benzema : "J'ai Bounedjah, Slimani, Soudiani, Delort, ça va" #BWAALG pic.twitter.com/ONE3tG5EFS
— DZfoot (@DZfoot) November 17, 2019