Pourquoi Benzema est foutu
il y a 20 ans, presque jour pour jour, l’arrêt Bosman mettait un terme au football du XXe siècle. Il y avait encore un peu de morale, sportive, individuelle, et les équipes de clubs ressemblaient à leur ville, leur région. En 20 ans, tout a explosé, les joueurs se vendent au plus offrant, et les millions font valser les têtes. Des joueurs, de leurs agents, et de leur entourage.
Le cerveau, dont la croissance est en général arrêtée vers 14 ans chez le footballeur professionnel, ne permet pas de garder la tête froide devant tant de tentations. Il y a l’argent, bien sûr, issu des droits de diffusion télévisuels (en inflation constante), mais aussi le sexe, la drogue, et le business. Les footballeurs deviennent des hommes d’affaires qui essayent de tirer du fric de tout ce qui est possible. Il n’est donc pas étonnant d’apprendre qu’un footballeur international, payé 7,7M€ par an, veuille gagner encore plus (on parle de 100 000€ pour le racketteur lyonnais de Valbuena), et avec des moyens peu recommandables. Même s’ils ne sont pas aussi malins que les truands professionnels, qui d’ailleurs gravitent aussi autour du foot : argent facile, proies fragiles.
Comment ? Gagner quelques milliers d’euros en plus, quand on est déjà multimillionnaire, ça n’est pas rationnel ? Mais rien n’est rationnel, dans le football dit « moderne ».
En élevant un peu le débat, on remarque que depuis la fin de l’ère Jacquet (années 1990), qui incarnait l’entraîneur à l’ancienne, venu d’en bas, pétri de valeurs ouvrières, et qui faisait rire les Guignols – qui se moquaient de son accent à couper au couteau, de son phrasé paysan, de son manque de classe –, le cadre moral du foot a explosé. Il n’y a plus de limites, de frontières, d’interdits. Benzema et Ribéry qui se font choper avec une prostituée mineure, qui devient illico une « star » de la mode ; Ribéry et Evra qui se la jouent leaders d’une grève catastrophique pendant la Coupe du Monde 2006 (« la révolte des millionnaires »), Benzema qui manipule Valbuena façon racaille, pourtant un « collègue » de l’équipe de France, un joueur généreux et gentil qui a enflammé le stade de Gerland dimanche 8 novembre pour la venue de Saint-Étienne. Un joueur « normal », lui.
Le genre Valbuena, sa petite taille et son grand talent, ses codes dépassés, n’est plus un modèle dans les banlieues. On lui préfère Benzema, sa frime, son flirt avec Rihanna, sa Rolls et sa Bugatti Veyron, la voiture la plus chère du monde. Et aussi ses amendes pour excès de vitesse en Espagne. C’est ça, une banlieue-star. Une racaille qui a réussi. Mais qui reste une racaille.
Et maintenant ? La carrière de Benzema est foutue, pour avoir voulu jouer les caïds, comme Ribéry, qui traîne sa patte folle de réprouvé depuis cinq ans désormais, après qu’il eut voulu jouer au « boss » de l’équipe de France en 2010… Tristes destins, d’imbéciles dénués de morale devenus riches, et finissant logiquement cramés médiatiquement, et judiciairement. Car déjà, les sponsors du Real de Madrid commencent à mettre la pression à Florentino Pérez, le président du club le plus prestigieux du monde. Les Merengue, ou les « blancs », doivent être un club sans tache. Alors, la tache devra partir, et vite.
Adidas verse 2M€ par an à Benzema pour représenter sa marque. Heureusement pour lui, l’axe de la campagne est le « bad boy ». Mais si l’affaire Zahia avait fait rigoler la France – les tribulations de deux andouilles et d’une pétasse, une véritable émission de télé réalité – la tentative de chantage sur Valbuena, qui incarne le petit Français vaillant des Bleus (alors que Benzema ne se foule jamais pour l’équipe nationale, qu’il méprise ouvertement), ne va pas avoir le même impact. Et là, on retombe dans la politique politicienne, et le reproche fait aux footballeurs d’aujourd’hui de n’avoir aucune identité… régionale, ou française.
Dans l’affaire de la « sextape » de Mathieu Valbuena, la défense de Karim Benzema commence à s’effriter. Après les extraits diffusés sur Europe1, qui a pu consulter la retranscription d’une communication tenue le 6 octobre alors que les Bleus étaient à Clairefontaine, L’Équipe publie, mercredi 11 novembre, la quasi-intégralité de ces enregistrements.
Dans cette conversation placée sur écoute, l’attaquant du Real raconte à son ami d’enfance, un délinquant lyonnais qui lui a demandé de jouer l’intermédiaire auprès de Mathieu Valbuena, comment il a tenté de convaincre le milieu de terrain de l’Olympique lyonnais (OL) de négocier pour obtenir la suppression de la vidéo intime.
« Il nous prend pas au sérieux »
Karim Benzema relate à son ami sa conversation avec Mathieu Valbuena : « Si tu veux que la vidéo elle soit détruite, mon ami, il vient te voir à Lyon », explique Karim Benzema, ajoutant : « Je pense qu’il [Valbuena] nous prend pas au sérieux. » Il détaille les propos qu’il a tenus au meneur de jeu de l’Olympique lyonnais pour le convaincre du sérieux de l’affaire :
« Je lui ai dit : “Moi je vais t’arranger la sauce. Faut que tu vas voir le mec [sic]. Il va venir. Il va te parler. Mais je te donne ma parole que y a pas d’autre copie [de la vidéo].” »
« Je lui dis moi si j’aurais une vidéo comme ça, moi je te demande pas d’argent je la sors, je la vends aux journalistes » [sic], poursuit l’attaquant du Real Madrid. Karim Benzema assure un peu plus loin qu’il aurait payé s’il s’était retrouvé dans la même situation que Valbuena.
« Il me dit : “Ouais, mais toi tu aurais fait quoi ?” Je lui ai dit : “Moi je m’en bats les couilles du buzz, t’as vu, donc j’aurais payé juste pour ma famille.” (…) Je lui dis : “Toi si c’est pour le buzz, si c’est juste pour le buzz et que t’as prévenu ta famille, qu’ils s’en foutent, bah laisse-les la sortir”, je lui dis. »
Benzema dit avoir vu la « sextape »
« Mais dans la vidéo, tu vois mes tatouages ? », questionne Mathieu Valbuena, pour savoir si l’attaquant du Real a aussi vu la vidéo. Benzema répond par l’affirmative, ce qui inquiète le joueur lyonnais, que le joueur madrilène décrit « en panique ». Karim Benzema conclut l’entretien avec son proche :
« Je lui dis : “De toute façon tu fais comme tu veux (…). Tu veux pas, bah fais ta vie, mais moi, je t’ai prévenu.” (…) S’il veut pas, bah laisse, il va se démerder avec ces piranhas. »
Durant toute la conversation, l’avant-centre des Bleus décrit Valbuena d’un ton un peu moqueur : « Il était tout blanc […], Il avalait de travers », avant d’assurer : « Les piranhas, ils vont le manger, frérot. » Dans cet enregistrement, Karim Benzema résume son rôle :
« Moi, mon but, il s’arrête là. Maintenant, mon ami, il prend la relève, c’est lui qui connaît la personne qui a ta vidéo, moi, je la connais pas. Maintenant, tu veux régler tes histoires, donne ton numéro, je lui donne et tu vois avec lui. »
Plainte pour violation de l’instruction
L’avocat de Karim Benzema a annoncé qu’il allait porter plainte pour violation du secret de l’instruction après la diffusion de ces extraits. il s’est dit « particulièrement scandalisé » par « le procédé » qui consiste à diffuser des extraits d’une conversation.