Dans le Sahara algérien, des chasseurs d’or clandestins venus de toute l’Afrique affluent à la recherche du métal précieux dont le cours atteint des sommets. À leurs risques et périls.
Tamanrasset, en plein désert, capitale du Hoggar, à 2000 kilomètres au sud d’Alger. C’est la ville la plus cosmopolite du pays, rassemblant près d’une quarantaine de nationalités, essentiellement africaines, constituant 20% de la population locale. À l’un des postes de gendarmerie de la ville, des Nigériens, Maliens et Algériens sont menottés et une caméra de la télévision nationale les filme de dos. À leurs pieds, des détecteurs d’or mais pas de trace du précieux métal.
Eldorado clandestin
Depuis quelques mois, des groupes sont régulièrement arrêtés, extracteurs clandestins armés de matériel lourd. Il ne s’agit pas d’orpaillage dans les rivières car nous sommes bien dans un désert mais d’extraction pure et dure, et depuis quelques temps, ce ne sont plus des détecteurs saisis et des dizaines de grammes du métal précieux mais d’une véritable industrie, 4X4, marteaux piqueurs et groupes électrogènes. Dans le Hoggar ou le Tassili N’Ajjers voisin, deux anciens socles géologiques recelant de précieuses matières, c’est la ruée, le cours de l’or ayant atteint des sommets en ces temps de crise financière internationale. La tâche a l’air aussi simple que complexe, prospecter dans des territoires désertiques aussi grands que la France et l’Espagne réunis, poussé par les légendes et rumeurs de découvertes fabuleuses qui alimentent les conversations à Tamanrasset. On parle de kilos, de filons et de trésors, là où les officiels annoncent une teneur maximale de 18 grammes par tonne. Qui a raison ?
L’Afrique des matières premières
De Tamanrasset, le Mali n’est qu’à quelques kilomètres, ce même pays, troisième producteur d’or en Afrique derrière l’Afrique du Sud et le Ghana, ce qui représente pour lui 70% des ses exportations. Au Mali, la récolte artisanale de l’or est un très vieux métier et on y raconte encore l’histoire du roi Kankou Moussa qui en partant à la Mecque, avait emporté 8 tonnes d’or provenant de l’orpaillage traditionnel qu’il a distribuées sur son chemin, faisant baisser le cours au passage. Si le Mali possède actuellement sept mines en exploitation et compte en ouvrir six autres au courant de l’année prochaine avec les Canadiens, Australiens, Sud-africains et Chinois, la Mauritanie exploite aussi de l’or avec le Canadien Kinross à Inchiri dans la région d’Akjoujt.
Au Niger enfin, le site clandestin de Djado au Nord du pays, près de la frontière algérienne, attire quelques 10 000 personnes venues de partout chercher fortune. C’est donc de par ce contexte géologique que l’Algérie, obnubilée par les hydrocarbures et en retard sur ses voisins par rapport à l’exploitation de matières précieuses, est devenue la nouvelle terre de l’Eldorado. C’est ainsi que les Maliens, Ghanéens et Nigériens, les plus expérimentés, s’associent aux Algériens pour extraire de l’or, même si la loi et les services de sécurité algériens sont beaucoup moins tolérants que leurs voisins. La technique est rudimentaire, casser des affleurements rocheux et broyer des tonnes de grès et de granites pour quelques grammes de bonheur. A 1000 dollars l’once (28 grammes environ), c’est la roue de la fortune.
Les bijoux d’Alger
Centre-ville, la Bourse d’Alger. Molle, inerte et sans intérêt particulier, elle représente une vague institution déconnectée du système financier international. L’immeuble est vide mais dehors, l’activité y est inversement proportionnelle. « Cassé, cassé », interpelle un jeune homme assis sur le mur de la Bourse en voyant une élégante dame ornée de bijoux passer devant lui. Il ne s’agit pas de casser quelque chose ou quelqu’un mais de récupérer de l’or cassé, c’est-à-dire bijoux d’occasion, bouts de métal jaune ou restes précieux pour les revendre au poids.