Un agent qui travaillait pour le joueur du Real Madrid a déposé plainte lundi 8 octobre pour tentative d’enlèvement et de séquestration survenue la veille au soir. Il accuse des proches de Karim Benzema d’avoir essayé de le kidnapper après le match PSG-OL, dimanche 7 octobre, à Paris, sur fond d’un litige portant sur un transfert d’argent liquide. (Mediapart)
Mediapart a pour habitude de dénoncer le racisme qui serait inhérent au football français. Depuis l’attaque injuste contre Laurent Blanc qui sentait le règlement de comptes au sein de la Fédération française de football, le site d’Edwy Plenel s’est montré plus discret dans ses accusations. Il revient le 18 octobre 2018 en force avec une charge supplémentaire dans le dossier déjà bien rempli de Karim Benzema, la pépite lyonnaise transférée au Real de Madrid. L’article étant payant, nous avons décroché quelques morceaux de l’ensemble, en espérant ne pas subir les foudres du média trotskiste.
Résumé de l’affaire :
« Lundi 8 octobre, par exemple, Léo D’Souza a porté plainte au commissariat de Nanterre pour “tentative d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, violence n’ayant entraîné aucune incapacité de travail”. Le lendemain, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire du chef de “tentative d’extorsion”, confiée au 3e district de la police judiciaire de Paris, comme nous l’a confirmé une source proche du dossier. Une enquête sensible et signalée.
Quand il a déposé plainte, Léo D’Souza a fait une corrélation évidente, selon lui, entre sa tentative d’enlèvement et ses missions récentes au service de Karim Benzema, joueur du Real Madrid et ex-star de l’équipe de France de football. La relation entre les deux hommes est distante depuis plusieurs semaines et le début d’un litige portant sur le transfert de 50 000 euros, en liquide, entre le Maroc et la France. »
On nage en plein marécage du milieu du foot, qui grouille d’affairistes plus ou moins officiels, plus ou moins honnêtes. Sans faire de corrélation avec cette énième affaire Benzema, qui n’a personnellement enlevé personne ce soir-là, on peut dire que le Milieu s’intéresse particulièrement au milieu du foot. Partout où brille l’or et l’argent, les truands sont là. Ils ont un flair imparable pour renifler le gros pognon et surtout, l’argent facile. Les footballeurs sont des cibles de choix : ils sont souvent bons des jambes et mauvais de la tête.
« M. D’Souza a évoqué devant les enquêteurs une piste menant à un transfert de fonds, en liquide, dont la star l’aurait, selon son récit, chargé en juillet 2018. Il s’agissait d’aller récupérer 50 000 euros d’un mystérieux “sponsor” au Maroc et de les rapatrier en Europe. Seulement, sur le chemin du retour, Léo s’est fait saisir la somme par les douaniers de l’aéroport de Marrakech. “Monsieur Benzema pense que je lui suis redevable de la somme de 50 000 euros”, a expliqué l’intermédiaire aux policiers qui enregistraient sa plainte. »
Qui extorque qui dans cette affaire ?
« Depuis, ajoute-t-elle [Yamna Aghrib, qui s’occupe du marketing et de la communication du joueur], le clan Benzema a acquis la conviction, en récupérant notamment une quittance de paiement auprès des douanes marocaines, que “Léo a conservé l’argent”. Yamna Aghrib confirme aussi que le rendez-vous “FaceTime” de l’Opium à Paris devait porter sur ce contentieux des 50 000 euros. »
Apparemment, ce genre de recouvrement de créance est assez courant dans le foot français, entre joueurs et agents, quand la loi ne suffit plus à arranger les choses. On passe alors à la vitesse supérieure, ou inférieure, selon les cas :
« La tentative d’enlèvement devant l’Opium, si elle est avérée, fait écho à un précédent dans le football français. Le 21 septembre 2011, l’agent du joueur Fabrice Fernandes était agressé par trois individus, qui tentaient de le faire monter de force dans une voiture et exigeaient le remboursement d’une somme de 225 000 euros, correspondant aux pertes d’un placement financier. Le “recouvrement de dettes à la sauvage” s’était terminé au tribunal. Fabrice Fernandes, reconnu coupable d’avoir commandité la tentative d’enlèvement, était condamné à 18 mois de prison avec sursis. Au début de l’affaire, le joueur avait effectué quatre mois de détention provisoire. »
Mais Léo fait un peu partie de la famille Benzema. Ainsi, il accompagne le joueur qui est souvent invité à Dubaï (Bahreïn), Miami, Marbella ou Monaco. Miami étant le dernier spot où les footballeurs friqués s’amusent. Ils y ont leurs appartements, leurs sources d’approvisionnement en dopants divers, et leurs admiratrices. Après la Coupe du monde 2018, des joueurs français s’étaient fait gauler en flagrant délit de bling-bling dans une boîte de nuit de Floride.
L’étalage de sa richesse n’est pas un délit, mais après un tournoi mené de main de maître par tout le staff des Bleus, qui avaient briefé les joueurs sur le comportement à tenir en dehors des terrains, ça faisait un peu désordre. L’image des Bleus réparée par la doublette de choc Griezmann-Mbappé en avait pris un coup dans l’aile.
Sur cette vidéo balancée en ligne fin juillet, on voit Benjamin Mendy, Ousmane Dembele et Presnel Kimpembe jouer aux Al Pacino de banlieue avec des biffetons et du champagne à gogo. Kimpembe, le défenseur du PSG, est depuis sur les tablettes noires du foot français. Médiocre pendant le France/Allemagne de la Ligue des nations, il va devoir s’expatrier pour retrouver un peu de jeu. Le foot français tient à sa nouvelle image, et tous ceux qui ne s’y collent pas seront dégagés.
La chose se faisant, naturellement, dans la coulisse sous l’impulsion de Noël Le Graët. Le grand dirigeant du foot français avait longtemps soutenu Benzema, mais avec les dossiers qui s’empilent, on comprend qu’il ait récemment définitivement fermé la porte de l’équipe de France au Madrilène.
« Si tu veux que la vidéo elle soit détruite, mon ami il vient te voir à Lyon, tu vois directement avec lui et toi tu parles avec lui, tu envoies personne. » (Enregistrement de Karim Benzema)
Un paragraphe donne toute la mesure de la difficultés des joueurs de banlieue qui n’ont pas réussi à se détacher de leur milieu d’origine :
« Extérieur au clan, Léo D’Souza a toujours eu l’impression qu’on cherchait à l’éjecter du clan Benzema, cet entourage d’amis ayant grandi avec la future star du ballon rond à Bron, en périphérie de Lyon, et qui vivent depuis aux crochets du joueur multimillionnaire.
L’un des plus fidèles d’entre eux est Karim Zenati. C’est en son nom que, lors d’un rassemblement de l’équipe de France, Karim Benzema avait approché Mathieu Valbuena pour lui proposer de régler son problème de sextape (des maîtres-chanteurs voulaient de l’argent en échange de la non-diffusion d’une vidéo intime du joueur).
Zenati sera incarcéré dans cette affaire pas encore jugée. Sorti de prison mais toujours mis en examen, il a accompagné son copain d’enfance Benzema en vacances à New York, en juin dernier, d’après le livre Les Parrains du foot. »
- Karim et Karim dans la piscine
« Devant la juge Nathalie Boutard, Karim Zenati regrette son initiative. “Mon histoire avec Karim elle est belle, dit-il, lors de son interrogatoire de première comparution, le 5 novembre. Il m’a aidé à sortir de là où j’étais. J’ai fait des bêtises très jeune. Il m’a permis de sortir de ma misère et de cet engrenage. Jamais je ne ferai de tort à Karim ni à Valbuena”. Et il continue : “Je m’en veux parce que c’est moi qui en parle à Karim. Si je pensais faire du chantage à Valbuena, je ne serais pas passé par Karim. Ce serait tordre la main de celui qui me donne à manger.” Pourquoi être intervenu, alors ? “Je tenais vraiment à arranger la situation”, jure Zenati, à qui il ne restait que deux mois à tenir avant la fin de sa libération conditionnelle. » (Le Monde)
Un tableau qui rappelle les ennuis de Jamel avec ses « amis » de la cité de Trappes. La frontière étant très ténue entre l’amitié, le chantage, l’extorsion et la manipulation. Karim Benzema est-il victime de son passé ? D’autres footballeurs de grand talent, en d’autres temps, sous-traitaient aussi leurs problèmes relationnels – avec les agents, les journalistes ou les femmes – à coups de « potes » de cités. Mais ils savaient rester aussi discrets qu’efficaces. Il semble que la nouvelle génération n’ait pas ce doigté.
« De l’argent j’en ai. Je n’en ai pas besoin. Karim non plus. Je lui en donne de l’argent », assure-t-il à la juge Boutard. « Il ne manque de rien, ajoute-t-il. C’est pour ça que je ne comprends pas l’histoire de chantage et d’argent. » (Karim Benzema interrogé lors de l’affaire de la sextape)
Car une question demeure, à propos – un exemple parmi d’autres – de l’affaire de la sextape de Valbuena : pourquoi un footballeur multimillionnaire prendrait-il d’aussi gros risques pour gagner 100 000 euros ? On rappelle que Karim a gagné 23,5 millions en 2017, dont 16 de salaires au Real et 5 en primes pour la victoire en Ligue des Champions. Sans oublier les sponsors, officiels et non officiels...