Emmanuel Macron, qui s’était distingué par ses (mé)connaissances en géographie à propos de la Guyane, vient de faire des déclarations révélatrices au sujet du « travail ». Elles éclairent, tout comme certaines de ses autres déclarations, l’inconscient mais aussi l’imposture qui sont les siens.
Les déclarations d’Emmanuel Macron
Devant le MEDEF, lieu privilégié s’il en est, il a donc déclaré au sujet du « compte pénibilité » qu’il « n’aime pas le terme », et entend le supprimer car il « induit que le travail est une douleur » [1]. Il a alors ajouté : « le mot pénibilité … ne correspond pas à ce dont nous avons besoin parce que le travail c’est l’émancipation, c’est ce qui vous donne une place » . S’il a reconnu l’existence d’une pénibilité, ce fut pour ajouter : « Après, il y a des tâches qui sont pénibles mais il ne faut pas tout écraser derrière ça (…). Le travail, quand vous êtes dans des entreprises qui se sont peu modernisées, où le travail industriel demeure difficile, n’est pas le même que celui que je fais, celui d’un cadre derrière son bureau, ou même d’un salarié posté dans une entreprise ultra-modernisée. »
Cette déclaration est le pendant de celle qu’il avait faite devant la CFDT [2]. Ces deux déclarations éclairent la conception du travail et des relations sociales qui est celle d’Emmanuel Macron.
Quand Emmanuel Macron étale son inculture
Que faut-il retenir de ces déclarations ? Tout d’abord, que Monsieur Macron mélange beaucoup de choses, qu’il est loin de maîtriser, et en particulier sur le statut du « travail ». Ce dernier n’a jamais était synonyme d’émancipation (sauf peut-être dans le slogan de l’Allemagne nazie que l’on trouvait sur la porte des camps de concentration « Le travail rend libre »). Si Monsieur Macron avait étudié un peu plus sérieusement la tradition marxiste, il aurait vu que Marx, et les auteurs qui l’ont suivi, distinguent « l’activité créatrice » du « travail salarié ». Car, et c’est un point important, le travail salarié, celui du travailleur qui n’a d’autre solution que de louer sa force de travail car il ne possède pas les moyens de production, est toujours lié à l’exploitation. Ce que Marx et Engels reconnaissaient c’était la vertu émancipatrice de la lutte et de l’activité créatrice.
Ajoutons que cela n’implique pas qu’un travail qui ne soit pas directement salarié ne soit pas un travail. Dans les développements que Marx consacre au travail indépendant, il insiste sur le fait que ce dernier se déroule de plus en plus sous la domination du travailleur par son donneur d’ordre. On peut trouver, en lisant les réflexions inspirées à Marx par la situation en Grande-Bretagne et la superposition du système de la manufacture et du « domestic system » une forme d’anticipation de ce qui est aujourd’hui le sort des travailleurs « ubérisés », c’est-à-dire formellement indépendant mais soumis, en réalité, à la logique indirecte (et non directe comme dans le cas de l’usine) du capital.
Que signifie la pénibilité ?
Le deuxième point important est que la « pénibilité », dont il consent – quelle condescendance de sa part – à reconnaître l’existence n’est pas limitée aux « entreprises qui se sont peu modernisées ».