Avec une croissance de 3,7 % en 2016, l’Afrique subsaharienne francophone continue à afficher les meilleures performances du continent. Cette situation favorable pourrait, toutefois, être à l’origine d’un accroissement de la pression migratoire en provenance du reste du continent.
Pour la troisième année consécutive, et pour la quatrième fois en cinq ans, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé les meilleures performances économiques du continent, selon les données fournies par le rapport Perspectives économiques mondiales, publié en janvier par la Banque mondiale. Cet ensemble de 22 pays a enregistré une croissance globale de 3,7 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne affichait un taux de 0,8 %.
Une croissance globale assez stable
La croissance subsaharienne francophone n’a ainsi que légèrement baissé par rapport à 2015, année où elle s’était établie à 4,0 % selon les dernières mises à jour publiées dans ce même rapport. Cette baisse est essentiellement due au ralentissement observé en République démocratique du Congo (RDC), premier pays francophone du monde et dont le PIB a progressé de 2,7 % en 2016, après avoir augmenté de 8,0 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2015.
En zone CFA, ensemble réunissant 13 pays francophones ainsi que la Guinée-Bissau (lusophone), le taux de croissance est demeuré à peu près inchangé, à 3,9 % (3,8 % en 2015). En Afrique de l’Ouest, les pays francophones de l’espace UEMOA ont enregistré une progression globale supérieure à 6 % pour la quatrième fois en cinq ans (6,3 %). Si la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont réalisé les meilleures performances (resp. 7,8 % et 6,6 %), la croissance a continué à être robuste dans les autres pays, notamment au Mali où elle s’est établie à 5,6 %, après avoir été de 6,0 % en 2015 et de 7,0 % en 2014. Au sein de l’UEMOA, qui compte huit pays membres (dont la Guinée-Bissau), le Bénin a été le seul pays francophone à connaître une hausse du PIB inférieure à 5 % (4,6 %). Sur l’ensemble de l’Afrique, 9 des 13 pays ayant enregistré un taux supérieur ou égal à 5 % étaient francophones, dont trois situés hors UEMOA : la Guinée (5,2 %), le Cameroun (5,6 %) et Djibouti (6,5 %, soit plus de 6 % pour la troisième année d’affilée).
Ailleurs sur le continent, quatre autres pays ont donc franchi la barre des 5 %, à savoir l’Éthiopie (révision à la hausse à 8,4 %), la Tanzanie (6,9 %), le Rwanda (6,0 %) et le Kenya (5,9 %). La performance de l’Éthiopie résulte notamment de son très faible niveau de développement (620 dollars/hab. début 2016), bien éloigné de celui de pays comme la Côte d’Ivoire (1400 dollars/hab) dont la performance n’en est que plus impressionnante. Ces bons résultats n’ont donc pas suffi à compenser les mauvais chiffres de pays comme l’Angola, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe (tous trois à 0,4 %), la Gambie (0,5 %), ou encore de pays souffrant, entre autres, de graves problèmes sécuritaires sur tout ou partie de leur territoire exploitable, comme le Nigéria (-1,7 %) et le Soudan du Sud (-13,1 % selon les estimations du FMI en octobre dernier, faute de données plus récentes).
Les bons chiffres de l’Afrique subsaharienne francophone résultent donc, en partie, de la meilleure résistance de la majorité des pays producteurs d’hydrocarbures et de minerais à la chute des cours. L’amélioration du climat des affaires, les avancées en matière de bonne gouvernance (succès de l’Itie - Initiative pour la transparence des industries extractives...) ainsi que les ambitieux programmes de diversification ont donc commencé à porter leurs fruits. Et ce, en particulier au Cameroun et au Gabon qui ont observé, respectivement, une croissance de 5,6 % et de 3,2 %. Même chose d’ailleurs pour l’Algérie, plus au nord et première économie francophone du continent, qui a réalisé une croissance de 3,6 %, soit la meilleure performance du Maghreb et de l’ensemble des pays exportateurs de pétrole d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (hors cas particuliers de l’Irak et de l’Iran).
Une moyenne de 4,6 % sur la période 2012-2016
Sur la période quinquennale 2012-2016, l’Afrique subsaharienne francophone aura donc enregistré une croissance annuelle de 4,6 % en moyenne. Le chiffre, arrondi, est le même pour la zone CFA, où il s’établit toutefois à 6,3 % pour les pays francophones de l’UEMOA (comme pour 2016). En Afrique subsaharienne non francophone, la moyenne annuelle aura été de 3,2 % (3,1 % pour la partie anglophone).
Hors Guinée équatoriale, pays partiellement de langue française et ancienne colonie espagnole, la croissance subsaharienne francophone a même été de 5,2 % (et de 4,4 % en 2016). Situé en Afrique centrale et membre de la Cémac, ce petit pays de 0,8 million d’habitants, le plus faiblement peuplé du continent (hors petits États insulaires), constitue un cas particulier en ce sens qu’il était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir sa production commencer à décliner dès le début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il vient donc d’achever sa quatrième année consécutive de croissance négative (-5,7 % en 2016, et même -8,3 % en 2015).
Une pression migratoire à surveiller
Les bons résultats des pays francophones risquent toutefois d’augmenter la pression migratoire en provenance du reste du continent. Notamment au sein de l’espace CEDEAO, qui consacre la liberté de circulation et de résidence pour les ressortissants des pays membres et où les écarts de croissance sont considérables, y compris avec un pays comme le Ghana dont la croissance a été plus de deux fois inférieure à celle de la Côte d’Ivoire voisine sur ces trois dernières années. D’autant plus que les prévisions pour l’année en cours demeurent assez pessimistes pour la Gambie (0,8 %), mais aussi pour le Nigéria (1,0 %), pays le plus peuplé du continent et qui compterait déjà plus de cinq cent mille ressortissants en Côte d’Ivoire.
Ces derniers s’ajoutent, d’ailleurs, à une communauté nigériane d’au moins deux millions de personnes se trouvant au Cameroun, pays non membre de la CEDEAO, mais limitrophe et jouissant, lui aussi, d’une économie plus dynamique. La pression migratoire en provenance du Nigéria pourrait même n’en être qu’à ses débuts, quel que soit le rythme de développement futur du pays. Et ce, compte tenu de sa forte densité de population, rare sur le continent, et qui ne fait qu’augmenter d’année en année (215 hab./km², début 2017).
Afin de préserver leur stabilité sur le long terme, les pays francophones seront peut-être amenés à maîtriser davantage leurs frontières. Pour ceux faisant partie de la CEDEAO, ceci pourrait d’abord se faire par la remise en cause de certains principes régissant cet espace, sans nécessairement toucher à la liberté de circulation.